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Personnes âgées - Le Sénat instaure une récupération sur succession pour l'APA

Alors qu'il achevait l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2008, le Sénat a adopté, dans la nuit du 10 au 11 décembre, un amendement instaurant une récupération sur succession pour certains bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Présenté au nom de la commission des affaires sociales, l'amendement modifie l'article L.232-19 du Code de l'action sociale et des familles. Dans sa rédaction actuelle, cet article précise que "les sommes servies au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire". La rédaction adoptée par le Sénat prévoit au contraire que "les sommes servies au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire lorsque la valeur de l'actif net successoral est inférieure à 100.000 euros. Ce montant est actualisé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondi au millier d'euros le plus proche. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire s'exerce sur la partie de l'actif net successoral qui excède le montant mentionné au premier alinéa".
Cette nouvelle disposition s'appliquerait "aux allocations attribuées pour la première fois à leurs bénéficiaires à compter du 1er janvier 2009" (les titulaires actuels de l'APA ne seraient donc pas visés). En pratique, seraient surtout concernés par cette disposition les bénéficiaires de l'APA disposant de revenus moyens, mais d'un patrimoine significatif (par exemple les propriétaires d'une résidence principale ou secondaire). En effet, les personnes disposant de revenus relativement élevés ont certes droit à l'APA - qui, contrairement à la prestation spécifique dépendance (PSD), n'est pas soumise à condition de ressources -, mais le mode de calcul de cette prestation aboutit à des montants versés très faibles pour les bénéficiaires les plus aisés (qui la demandent en pratique pour bénéficier d'autres avantages annexes, sociaux ou fiscaux). La mesure concernerait donc principalement les classes moyennes.
L'amendement de la commission a été adopté contre l'avis du gouvernement. Le ministre du Budget a toutefois bien pris soin de justifier cet avis défavorable "pour des raisons, non de fond, mais de calendrier". Eric Woerth, estime en effet qu'il serait judicieux d'attendre d'en savoir davantage sur la mise en place de la cinquième branche. Cet argument n'a toutefois pas suffi à dissuader les sénateurs. La Haute Assemblée obtient ainsi - provisoirement ? - gain de cause, après avoir échoué dans une même tentative lors du vote du projet de loi de finances pour 2006.

 

Un risque d'effets pervers

Si la modification introduite par l'amendement sénatorial devait être confirmée par la commission mixte paritaire, c'est l'un des points clés de l'APA qui serait remis en cause. La réussite exceptionnelle de cette prestation tient en effet, pour une bonne part, à l'abandon de la récupération sur succession. A l'inverse, la PSD avait échoué en raison de cette récupération, qui dissuadait les personnes âgées dépendantes de la demander en leur donnant le sentiment de "déshériter" leurs enfants. A court terme, le rétablissement de la récupération sur succession pourrait apporter aux départements des recettes en atténuation. Mais ce mécanisme pourrait aussi avoir des effets pervers sur les finances locales. En effet, le niveau plancher moyen de l'actif successoral pris en compte par les départements pour les récupérations portant sur l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées se situe actuellement autour de 46.000 euros (chaque département étant libre de fixer ses propres règles). Or, si l'amendement du Sénat est définitivement adopté, on voit mal les départements commencer à récupérer sur succession à partir de 46.000 euros (en moyenne) lorsqu'il s'agit d'aide sociale et à partir de 100.000 euros seulement lorsqu'il s'agit d'APA. Un alignement vers le haut serait dès lors quasi inévitable, ce qui ferait perdre aux départements une part importante de leurs actuelles récupérations sur succession. Conscient de ce danger, Michel Charasse - sénateur du Puy-de-Dôme et ancien ministre du Budget - avait d'ailleurs proposé un sous-amendement fixant à 50.000 euros le montant de l'actif net successoral susceptible de donner lieu à récupération de l'APA, mais il n'a pas été suivi.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Les directeurs de maisons de retraite ne veulent pas de l'amendement

L'Association des directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Ad-Pa) a aussitôt réagi à l'adoption de l'amendement sénatorial. Dans un communiqué, son président, Pascal Champvert, qualifie l'amendement de "véritable provocation". Il souligne que "contrairement aux apparences, il ne s'agit pas d'une mesure de redistribution mais d'un dispositif totalement injuste, puisqu'il frappe les familles et les personnes âgées uniquement en fonction de l'état de santé de ces dernières". Une remise en cause de l'APA par le biais de la menace d'une récupération sur succession pourrait en effet avoir un impact sur le financement de la prise en charge de la dépendance en établissement, qui repose très largement sur le versement de l'allocation.

 

Référence : Projet de loi de finances pour 2008 (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 20 novembre 2007 et par le Sénat le 11 décembre 2007).