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Réforme territoriale - Le Sénat refuse la fusion de quatre arrondissements, la création de nouvelles métropoles... et la piétonisation des voies sur berges !

Le Sénat a adopté mercredi 9 novembre en fin de journée, en première lecture, le projet de loi sur le statut de Paris et l'aménagement métropolitain. Mais en le vidant de ses deux principaux points, la fusion des quatre premiers arrondissements de Paris et la création de nouvelles métropoles.
La droite sénatoriale a voté la version du projet de loi réécrite, et le PS contre. Communistes, écologistes et une partie du RDSE à majorité PRG se sont abstenus. Le gouvernement a fait savoir qu'il fera rétablir les dispositions supprimées lorsque le texte arrivera à l'Assemblée nationale. "Je défendrai ma vision sur le statut de Paris et des métropoles à l'Assemblée qui est un forum plus turbulent que le Sénat mais sait se rassembler", a en effet lancé le ministre des Collectivités, Jean-Michel Baylet. "Les modifications apportées par la majorité sénatoriale ont profondément dénaturé le texte", a accusé Roger Madec (PS).

Passer de 20 à 17 arrondissements parisiens ?

Les sénateurs Les Républicains et centristes avaient commencé cette lecture en votant contre un amendement du gouvernement visant à rétablir l'article qui prévoit la fusion des quatre premiers arrondissements de la capitale, article supprimé par la commission des Lois.
Pour Jean-Michel Baylet, ce regroupement, qui crée un nouveau secteur avec un seul maire élu, permet de corriger des écarts de représentativité des conseillers de Paris et de faire des économies. "Mettons fin aux disparités de représentation à Paris, ou bien le Conseil constitutionnel censurera", a souligné le ministre. "Nous sommes pour la fusion de tous les petits arrondissements, en retenant un seuil de 100.000 habitants", a déclaré Esther Benbassa, auteur d'un amendement similaire pour le groupe écologiste, considérant que "cet article est un premier pas". "Ce regroupement est nécessaire pour remédier aux déséquilibres démographiques", a acquiescé Roger Madec, évoquant des "regroupements ultérieurs".
Selon le rapporteur Mathieu Darnaud (LR) en revanche, "les économies attendues sont minimes". Il s'agit d'"un nouveau découpage électoral" dans "les derniers mois d'une législature", a aussi accusé Philippe Dominati (LR).
Il a aussi été reproché à la droite sénatoriale d'avoir retiré des dispositifs visant à prendre en compte les particularités de la capitale. Pour Yves Pozzo di Borgo (UDI-UC) au contraire, "le travail du Sénat a permis d'aboutir à un texte plus dense et plus pertinent que le texte gouvernemental qui manquait cruellement d'ambition". "Le texte initial ne prévoyait quasiment rien concernant le renforcement des missions confiées aux mairies d'arrondissements", a-t-il critiqué.
Le Sénat a en effet renforcé les compétences des maires d'arrondissement en matière d'attribution de logements, d'attribution de subventions aux associations, de petite enfance (organisation, création et gestion du service de la petite enfance), d’entretien et de réparation de la voirie, ainsi que d’autorisations d’utilisation du sol, d’étalage et de terrasse.

Des légumes bio en lieu et place des voies rapides ?

En réaction à la décision de la mairie de Paris de fermer les voies sur berge sur la rive droite de la Seine, le Sénat a aussi voté, contre l'avis du gouvernement, par 188 voix contre 155, un amendement de Roger Karoutchi (LR) confiant la gestion des axes routiers de l'agglomération au président de la région Ile-de-France. "Les quais situés au nord de la Seine seront fermés à la circulation dès cet automne. En lieu et place des voies rapides, se trouveront désormais de larges espaces de promenade, des parcs de jeux, des légumes 'bio' sur la qualité desquels on peut s'interroger en raison des fumées des pots d'échappement provenant des quais hauts et même un espace de 'coworking' présentant comme devant révéler de véritables petits génies de l'innovation française", a ironisé l'élu des Hauts-de-Seine dans l'exposé des motifs.
"Les voies sur berges constituent aujourd'hui le principal axe routier traversant la capitale d'Est en Ouest et elles sont quotidiennement empruntées par plus de 43.000 véhicules permettant, pour l'essentiel, à des Franciliens de rejoindre leur lieu de travail", a-t-il ajouté. "En interdisant la circulation sur les voies sur berges, on sacrifie la qualité de vie des Franciliens, leur capacité à se déplacer, sans pour autant améliorer la vie des Parisiens", a-t-il affirmé. Selon lui, son amendement garantirait une gestion plus juste et plus efficace des axes routiers vitaux pour le développement de la région Ile-de-France, actuellement présidée par Valérie Pécresse (LR). "Il s'agit de réguler, non de bloquer, les grandes voies de desserte de la capitale et de l'agglomération" alors que "les voies sur berge ont été piétonnisées par une décision militaire", a encore argué Roger Karoutchi lors de la discussion du texte.
Jean-Michel Baylet a rejeté cette proposition en rappelant que les conseils régionaux n'ont aucune compétence en la matière tandis que pour David Assouline (PS) "la pollution est un enjeu majeur". "Et vous voulez faire passer une autoroute dans le centre de Paris", s'est-il écrié. "Il ne faut pas s'étonner que de tels amendements soient déposés", a lancé pour sa part Chantal Jouanno (UDI-UC) à l'adresse des élus parisiens de gauche. "Selon l'avis de l'Autorité environnementale, on ne peut prétendre que le projet de la maire de Paris qui refuse toute concertation améliore la qualité de l'air".
Par ailleurs, le Sénat a autorisé la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) d'Ile-de-France à exercer, à titre expérimental pendant trois ans, son droit de préemption sur la vente de parcelles forestières d’une superficie inférieure à 3 hectares, afin d’améliorer la structure des propriétés forestières en les préservant du mitage, de la pression foncière ou de l’étalement urbain.

Métropoles : nous partîmes à huit métropoles, nous nous vîmes vingt-deux...

Enfin, sur le volet non-francilien du projet de loi, le Sénat a refusé la création de nouvelles métropoles. Par 224 voix contre - la droite, les communistes et le RDSE - et seulement 119 pour, les sénateurs ont en effet rejeté des amendements destinés à rétablir un article du texte assouplissant les critères de création des métropoles afin de faire émerger quatre nouvelles entités - en l'occurrence Orléans, Toulon, Dijon et Saint-Etienne. Cet article avait été supprimé par la commission des lois qui avait estimé qu'"il porterait atteinte à l'équilibre des territoires".
"L'agglomération de Tours a vocation à devenir métropole, elle le serait déjà si nous n'avions pas connu des vicissitudes avec le décès de Jean Germain", l'ancien maire de la ville, a plaidé Stéphanie Riocreux (PS), auteur de l'un des amendements de rétablissement.
Même point de vue pour Michèle André (PS) qui a proposé un critère complémentaire à celui de la population de la zone d'emploi : disposer d'une population supérieure à 250.000 habitants ou comprendre dans son périmètre le chef-lieu de région au 31 décembre 2015. "Ainsi Clermont-Ferrand, Metz et Tours accéderaient au statut de métropole", a-t-elle dit.
"Le gouvernement souhaite rétablir son texte par lequel Dijon, Saint-Etienne, Toulon et Orléans deviendront métropoles", a confirmé Jean-Michel Baylet. "Metz, Clermont-Ferrand et Tours, à mon sens, ont vocation à rejoindre ce club".
"Sur la forme, je pense à Don Rodrigue", leur a répondu le rapporteur Mathieu Darnaud. "Nous partîmes à huit métropoles et par un prompt renfort, nous nous vîmes vingt-deux en arrivant au port". "Or avec vingt-deux métropoles, on doit repenser l'aménagement du territoire français".
Pour lui, "face au développement métropolitain, nous ne pouvons pas procéder ainsi, à la va-vite" et "il nous faut une définition claire de la métropole, de son rôle, du seuil de population requis".