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Le sentiment de pauvreté augmente chez les plus jeunes

La dernière édition du "baromètre d'opinion" de la Drees témoigne du niveau de préoccupation des Français par rapport au chômage et à la pauvreté entre 2020 et 2021. L'inquiétude porte davantage sur l'avenir que sur le présent. Et varie naturellement selon les catégories de populations. Avec un "sentiment de pauvreté" particulièrement fort chez les jeunes. Les indépendants disent aussi leurs difficultés.

Comme chaque année depuis 2000, la Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux) publie son "baromètre d'opinion", qui englobe une grande diversités de thématiques à caractère social : santé, protection sociale, inégalités, cohésion sociale... L'édition 2021 revêt un intérêt particulier dans la mesure où, administrée d'octobre 2020 à janvier 2021 auprès d'un échantillon de 3.000 personnes, elle intervient moins d'un an après le début de la crise sanitaire et du confinement. Globalement, il en ressort qu'"entre fin 2019 et fin 2020, le niveau de préoccupation vis-à-vis du chômage et de la pauvreté en France est resté stable, mais l'inquiétude au sujet de leur évolution future a augmenté".

Un brusque arrêt du sentiment d'une amélioration de la situation

L'étude fournit une nouvelle illustration du pessimisme récurrent de l'opinion française, presque systématiquement supérieur à celui constaté, sur des thèmes similaires, dans la plupart des pays développés. Elle montre aussi le hiatus entre la réalité de la situation – grâce aux amortisseurs sociaux et aux mesures des pouvoirs publics, la grande majorité des Français n'a pas été mise en difficulté par la crise sanitaire (voir notre article du 28 mai 2021) – et la perception qu'en ont une grande partie des Français. Il reste cependant que certaines catégories ont davantage été mises en difficulté que d'autres, à commencer par les jeunes.

Avec 20 années de recul, le baromètre de la Drees permet aussi de mesurer les évolutions. Ainsi, la proportion de personnes se disant très préoccupées aussi bien par le chômage que par la pauvreté, après être restée relativement stable de 2004 à 2013 (6 personnes sur 10 dans les deux cas), a diminué de façon nette et continue au cours des six années suivantes. Mais ce repli s'interrompt en 2020 : 4 personnes sur 10 se déclarent très préoccupées par ces sujets, comme en 2019. Cette inquiétude touche plus particulièrement les familles monoparentales, les employés et ouvriers et les personnes appartenant aux deux premiers déciles de revenus. Les réponses montrent toutefois que "les conséquences sociales de la crise seraient plutôt à venir". La part des répondants estimant que les inégalités ou la pauvreté vont rester stables ou diminuer recule, alors qu'une personne sur 4 se déclare très pessimiste sur l'avenir de ses enfants ou des générations futures, contre une sur 5 en 2019.

Pour la première fois, un sentiment de pauvreté plus répandu chez les jeunes

Pour soi-même en revanche, le sentiment d'être pauvre ou de risquer de le devenir n'augmente pas : en 2019 comme en 2020, une personne sur cinq se considère comme pauvre, et une proportion comparable estime qu'elle risque de le devenir au cours des cinq prochaines années. Toutefois, selon la Drees, "si les mesures mises en place depuis le début de la crise soutiennent le niveau de vie des personnes interrogées et peuvent ainsi expliquer que le sentiment de pauvreté ne progresse pas en 2020, beaucoup pourraient craindre une hausse du chômage lorsqu'elles arriveront à échéance".

Principale exception à cette relative stabilité des perceptions : les jeunes. Ceux-ci sont en effet plus nombreux à se déclarer pauvres en 2020 (26%) qu'en 2019 (20%). Pour la première fois, "le sentiment de pauvreté est désormais plus répandu chez les jeunes que dans le reste de la population, alors qu'ils ne s'en distinguaient pas jusque-là". Ce résultat rejoint celui mis en avant dans le tout récent rapport d'information du Sénat sur les conditions de vie étudiante en France (voir notre article du 21 juillet 2021).

Cette perception des jeunes comme victimes principales de la crise est d'ailleurs partagée par les Français. En 2020, 53% des répondants estiment ainsi que les 18-29 ans font face à un risque de pauvreté plus important que la moyenne des Français, contre 43% en 2019. Cette perception a pour conséquence une hausse du soutien à l'ouverture du droit au RSA dès 18 ans, au point de devenir désormais majoritaire dans la population (54%, contre 47% en 2019).

Les indépendants aussi...

Plus globalement, le sentiment de "déclassement intergénérationnel" consécutif à la crise sanitaire apparaît marqué dans deux catégories de population : les jeunes, mais aussi les indépendants. Parmi ces derniers, la part des personnes jugeant leur situation mauvaise passe de 16% en 2019 à 40% en 2020, "ce qui en fait la catégorie socioprofessionnelle qui s'estime le plus fréquemment en difficulté". En termes géographiques, la progression de la part des personnes jugeant leur situation mauvaise est plus sensible dans les grandes agglomérations : elle passe de 18% à 26% dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants, contre 20 à 23% dans l'ensemble du pays.

Enfin, pour l'ensemble des catégories, le baromètre de la Drees montre, qu'à la fin de 2020, une personne interrogée sur quatre estime que sa situation financière s'est détériorée depuis la crise du Covid-19. Cette proportion monte même à une personne sur trois parmi les actifs et à une sur deux parmi les indépendants et les salariés en CDD. Si l'Insee corrobore, dans une récente étude (voir notre article du 28 mai 2021), une baisse du revenu des ménages, celle-ci reste toutefois très modeste, de l'ordre de 40 euros par mois en moyenne. En outre, elle est plus que compensée par la réduction des dépenses induite par les confinements.

À noter : la Drees propose une très intéressante présentation des résultats de son baromètre en "Dataviz" (Data Visualisation). Celle-ci permet, question par question, de manipuler et de croiser toutes les variables du baromètre : sexe, âge, catégorie d'agglomération, statut et situation du répondant, profession, quintile de revenus, niveau de diplôme, opinion politique...  Elle permet aussi d'obtenir, sous forme de graphiques, l'évolution des réponses au baromètre depuis sa création en 2000.

 

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