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Economie - Le travail au noir représente près de 10% du PIB en France

Le montant du travail au noir s'élève à 10% du PIB, selon un avis du Cese, adopté le 24 juin. Les recouvrements des Urssaf ne représentent que 15% des fraudes constatées sur un total de 291 millions d'euros de redressements. Le rapporteur propose d'introduire de la "morale fiscale" à l'école et de mieux coordonner les administrations entre elles.

En 2008, de nombreux sans-papiers sortaient de l'ombre. Ou plutôt des cuisines des restaurants, à la faveur d'un mouvement de restaurateurs demandant leur régularisation. Cet élan de générosité soudain avait été favorisé par les menaces de sanctions du président Nicolas Sarkozy. Six ans plus tard, rien n'a véritablement changé.
Les hôtels, cafés, restaurants et bars restent le secteur qui concentre le plus de travail au noir, devant le BTP, le commerce de détail et le travail saisonnier. C'est ce que montre un avis du Cese, adopté le 24 juin. Le travail au noir - bien qu'il soit difficile à évaluer - représenterait aujourd'hui 9,9% du PIB en France, a indiqué à la presse le rapporteur, Bernard Farriol.
Tous secteurs confondus, la tendance est plutôt à la décrue depuis 2012 où il se montait à 10,8%, après une forte augmentation depuis 2008 favorisée par la crise. Ce qui placerait le pays plutôt parmi les "bons élèves" en Europe où le taux moyen était alors de 18,4%, pour un montant total de 2.100 milliards d'euros, l'équivalent de la dette publique française. Les écarts varient de 10% pour les pays les plus vertueux comme l'Irlande, la Finlande, et donc la France (avec un record de 7,6% pour l'Autriche), à plus de 30% dans certains pays de l'Est comme la Bulgarie, la Roumanie, mais aussi l'Italie où il atteint 21,6 du PIB.

Sur 291 millions d'euros de redressements, 15% de recouvrés

Pour Bernard Farriol, il faut distinguer l'économie non déclarée structurée au sein de filières quasi-mafieuses de celle du commun des mortels qui fait appel à une femme de ménage ou bien à des artisans pour des travaux domestiques.
Dans le premier cas, elle constitue une concurrence déloyale "qui devient un problème désastreux auquel s'ajoute le problème des travailleurs détachés". Elle représente aussi un risque pour l'employeur dépourvu de tout recours et un manque à gagner important pour un Etat au bord de la faillite avec une dette qui devrait s'élever à 115% du PIB en 2014, selon les prévisions de l'OCDE.
Toutefois, l'efficacité du contrôle des Urssaf s'est accrue ces dernières années : les montants redressés ont été multipliés par cinq entre 2004 et 2012. En 2013, les Urssaf ont procédé à 291 millions d'euros de redressements. Mais sur le total, à peine 15% de cette somme a été recouvrée. Dépôts de bilans, insolvabilité, insaisissabilité, procédures dilatoires ou départ du territoire pour les entreprises étrangères… les raisons de cette forte déperdition sont nombreuses. "Il faudrait enfin que les mesures soient appliquées", insiste le rapporteur, qui propose de renforcer les partenariats entre les différents administrations en charge des contrôles (Urssaf, impôts, douanes, gendarmerie), un peu sur le modèle des GIR dont l'action contre l'économie souterraine se concentre essentiellement sur les quartiers. Le rapporteur reprend aussi une disposition de la proposition de loi sur les travailleurs détachés en cours d'examen, à savoir d'étendre la solidarité financière au donneur d'ordre à l'égard de son sous-traitant.
Bernard Farriol insiste aussi sur le durcissement des sanctions qui ne sont pas toujours appliquées, de nombreuses affaires étant classées sans suite. La possibilité de majorer les redressements pour fraude aux cotisations sociales prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2013 va "dans la bonne direction", estime-t-il. Par ailleurs, les sanctions administratives, permettant au préfet de d'ordonner l'arrêt temporaire de l'activité de l'entreprise pour trois mois maximum, constitue "le moyen le plus sûr pour pénaliser de façon effective" l'entreprise fraudeuse. Mais elle "doit être utilisée de façon proportionnée compte tenu notamment de l'impact sur l'emploi".

Morale fiscale

Le rapporteur souhaite aussi "renforcer la prévention et la pédagogie" et introduire de la "morale fiscale" à l'école, dans les lycées professionnels. "L'économie non déclarée est quelque chose de très bien accepté par la société, cette acceptation sociale est très préjudiciable au fonctionnement de l'économie", abonde Bruno-Philippe Jeudy, administrateur de la section de l'économie et des finances du Cese.
Tant qu'à faire, le rapport aurait pu aller jusqu'à demander à l'Etat de cesser de changer les règles du jeu comme cela vient d'être le cas pour l'emploi à domicile qui a fortement décroché après la suppression de l'abattement de 15 points sur les cotisations patronales en 2011 et celle de l'avantage de la déclaration au forfait deux ans plus tard. Mesures qui ont aussitôt encouragé le travail au noir. "Il y a bien eu un impact sur le personnel de maison", indique Bernard Farriol, qui se félicite de la prise de conscience récente du gouvernement qui préparerait de nouveaux allègements de charges (sur le sujet voir notre article du 4 juin 2014).
Un autre domaine sera à surveiller : celui de l'auto-enrepreneuriat qui fusionnera au 1er janvier 2015 avec le régime de la micro-entreprise. Pour Bernard Farriol, le régime de l'auto-entrepreneur posait un "problème". "Il y a toujours des malins qui détournent le dispositif", argue-t-il. Le rapport cite, d'un côté, les employeurs qui poussent leur salarié à la démission pour se mettre en auto-entrepreneur (salariat déguisé) et, de l'autre, les auto-entrepreneurs exerçant une partie de leur activité au noir afin de limiter le plafond de revenus. Mais la suppression des avantages que le régime conférait risque aussi bien de renvoyer une partie des auto-entrepreneurs vers le travail au noir ou gris.

 

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