Performance juridique : comment bien la mesurer ?

Apparues dans le courant de la dernière décennie, les LegalTech ont réussi à s’implanter fermement dans le paysage français.

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Les start-ups du juridique en pleine croissance

Issues de l’anglais « Legal » et « Technology », ces entreprises ont su marquer un tournant majeur dans l’exercice des métiers juridiques.  Elles allient avec ingéniosité l’utilisation de nouvelles technologies à la réalisation de tâches juridiques répétitives et automatisables. Très vite, elles sont devenues un outil indispensable pour les uns et un concurrent féroce pour les autres, affichant une croissance soutenue de leur activité. Ce secteur n’a d’ailleurs que très peu été impacté par la crise sanitaire du Covid 19.

Par exemple, l’arrivée de la signature électronique prodiguée par Yousign ou encore Docusign durant la crise sanitaire s’est révélée essentielle pour la pérennité de nombre de professionnels de droit. De plus, des LegalTechs comme Captain Contrat, Legalstart ou encore LegalPlace ont si fortement impactées le marché de la création d’entreprises qu' elles ont, a fortiori, diminué la part de marché des acteurs historiques du secteur.

Ainsi, avec l’arrivée de ces nouvelles solutions, les professions juridiques traditionnelles ont dû revoir leurs pratiques, réévaluer leur performance et leurs tarifs, tout en mettant un point d’orgue à analyser la rentabilité de leurs activités traditionnelles. Pour cela, le recours à des indicateurs fiables et l’utilisation de nouvelles métriques sont nécessaires.

Les métiers juridiques à l’aube des nouvelles technologies, vers un bon d’efficacité ?

Comme expliqué précédemment, certains acteurs traditionnels ont pu percevoir ces nouvelles entreprises comme une menace considérable pour leur activité. Pour autant, il est indéniable que les LegalTech furent aussi un vivier d’opportunités pour proposer une assistance juridique plus innovante.

Il est reconnu que ces innovations ont offert un bon d’efficacité sans précédent dans le traitement de certaines tâches, tel que la formalisation et la création d’actes juridiques, réduisant de ce fait leur coût (e.g : d’un millier d’euros à moins de 300 euros pour la création d’une entreprise par exemple). 

Ainsi, les métiers du secteur ont dû se réinventer en proposant une expertise différenciante. De plus, certains acteurs ont très vite compris les bénéfices qu’ils pourraient tirer de ces jeunes pousses, les grands cabinets d’avocats américains ont ainsi investi dès le début des années 2000 dans les LegalTech, afin d’anticiper et de profiter de futures avancées non négligeables sur la concurrence (e.g : Lex Machina une LegalTech en justice prédictive propose, Outre-Atlantique, des conseils à certains cabinets d’avocats pour optimiser leur chance de gagner une affaire).

Désormais, la synergie des acteurs traditionnels avec une ou plusieurs Legaltech est devenue indispensable afin d’opérer efficacement tout en restant compétitif sur le marché des métiers juridiques.  Cela se retrouve dans toutes les strates, du notaire utilisant des plateformes de signatures qualifiées, en passant par les directions juridiques ayant recours à des logiciels de conformité, jusqu’au particulier créant son entreprise en ligne…

Mesurer la performance de l’activité juridique : les limites de l’exercice

Plus que jamais, les professions juridiques doivent faire la preuve de leur efficacité, que ce soit à des fins de management de la performance, de pilotage des équipes, de valorisation des investissements réalisés, ou de suivi des projets digitaux. En cela, le secteur juridique s'inscrit dans la tendance actuelle de valorisation des indicateurs de performance au sein des entreprises.

Toutefois, les métiers du juridique n’ont pas développé historiquement cette culture de l’indicateur et la nature de leur activité n’est pas forcément la plus adaptée à cet exercice.  En effet, si des critères chiffrés peuvent s’avérer utiles à mesurer, il est essentiel de ne pas se cantonner à des critères purement quantitatifs et de mettre en perspective ces derniers avec des critères qualitatifs.

En effet, si certaines activités des métiers juridiques (e.g. signatures électroniques des actes sous seing privé par les avocats) peuvent facilement se mesurer, il ne faut pas perdre de vue que leur cœur de métier réside aussi dans l’accompagnement et le conseil de leur clientèle, élément porteur d’une grande valeur-ajoutée, mais moins facilement quantifiable.

Ainsi, se pose la question des bons indicateurs à utiliser, tout particulièrement dans ce contexte général de digitalisation des activités juridiques et de mise en place de solutions de LegalTech pour des besoins variés.

Choisir des indicateurs de performance pertinents

Comme précisé, les indicateurs de performance associés aux métiers du juridique ne peuvent se cantonner à des données purement quantitatives et les indicateurs pertinents pour faire état du véritable apport d’une LegalTech dépassent ceux de la simple performance opérationnelle des équipes.

Le défi réside donc dans la sélection puis la combinaison des bons indicateurs. En ce sens, les KPIs peuvent par exemple s’appliquer aux thématiques suivantes :

  • Piloter les équipes, c’est à dire manager les équipes avec des attendus de résultats et développer l'intelligence collective pour obtenir les résultats : nombre de dossiers ouverts, dépenses mensuelles, nombre d’heures facturables etc. ;
  • Développer l’activité commerciale et cadrer la croissance des activités : taux de croissance de la clientèle, nombre d’affaires par client, coût d’acquisition d’un nouveau client etc. ;
  • Mesurer la rentabilité et les marges de l’activité : solde du compte d’exploitation, frais généraux nets moyens et par salarié, taux de réalisation etc.

Les variations de ces indicateurs, tout particulièrement a posteriori de l’intégration de nouvelles solutions digitales, est un excellent moyen de saisir l’impact de ces technologies innovantes sur l’attractivité, l’efficacité et la rentabilité.

Il est important de noter que la qualité et disponibilité des indicateurs est aussi une variable du degré de digitalisation de l’office, étude ou cabinet en question et donc de la disponibilité des données à traiter. Ainsi, des solutions technologiques sont nécessaires pour collecter et sélectionner les volumes pertinents de données créées par l’activité. Une fois ces données générées et collectées, il convient aussi de disposer des moyens de produire des rapports intelligibles et pertinents pour aider à la prise de décision.

Il apparaît indéniable que le secteur des professionnels du droit est en forte mutation, et il est déjà possible d’en mesurer les premiers effets, aussi bien à l’échelle de ce marché qu’au sein des entreprises. Si cette démarche demande à être précisée et pérennisée, il semble désormais que la cohabitation et la coopération soient aujourd’hui de mise entre professionnels du droit et LegalTech.