Les acteurs du logement unanimes sur l'ampleur de la crise

A l'occasion d'une table ronde que le Sénat consacrait ce 6 décembre à la crise du logement, l'ensemble des acteurs du secteur ont rapporté l'ampleur des difficultés rencontrées et le caractère durable de cette situation que des mesures ponctuelles ne régleront pas. Les pistes de solutions avancées vont d'ajustements de la réglementation actuelle à une refondation globale de la politique en la matière.

"Cycle infernal", "situation grave"... le constat était sombre lors de la table ronde organisée par la commission des Affaires économiques du Sénat sur le logement le 6 décembre. "C'est hallucinant, il faut mesurer ce que l'on est en train de se dire : tous les acteurs disent que nous allons dans le mur", a observé Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Sur les causes de la crise, les participants ont rappelé les différents facteurs qui ont conduit au blocage général du secteur. Débutée en 2017 dans le logement social avec la réduction de loyers de solidarité (RLS), elle s'est propagée à partir de 2000 au privé avec la baisse de l'offre, avant de s'accentuer en 2022 avec la hausse des coûts de construction et des taux d'intérêt. Les ventes de logements neufs devraient tourner autour de 80.000 à 90.000 en 2023 contre 160.000 pour une année habituelle, a indiqué Didier Bellier-Ganière, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). "On n'a toujours pas touché le fond", a-t-il remarqué.

L'effondrement est le même dans le logement social. Après avoir dépassé les 120.000 logements programmés en 2016, le chiffre devrait atteindre 85.000 cette année, et les discussions en cours devraient conduire à un objectif d'environ 95.000 en 2024, ce qui "serait déjà une énorme ambition", a relevé Marianne Louis, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH).

"La crise alimente la crise"

Autant de logements en moins sur le marché qui conduisent à un "blocage total du parcours résidentiel", selon Didier Bellier-Ganière qui constate que "la crise alimente la crise". La Fédération française du bâtiment (FFB) présentera ses prévisions 2024 la semaine prochaine, a indiqué Loïc Chapeaux, son  directeur des affaires économiques.  "La récession sera là et lourde en 2024, avec son cortège de pertes d'emplois, a-t-il affirmé. Aujourd'hui, on fait en sorte de sauver 2025."

"Au niveau du gouvernement, rien ne se passe", a déploré Didier Bellier-Ganière qui juge que certaines mesures prises, comme le rachat de logements neufs par la Caisse des Dépôts et Action logement, ne sont qu'une réponse partielle à la crise. La fin du dispositif fiscal "Pinel" ou le "recentrage" du prêt à taux zéro (PTZ) pour l’accession – prévu pour 2024 – accentueraient même les difficultés. "Pourquoi faire ces économies, quelle orientation donnent-elles ?", a questionné Christophe Robert. Le remplacement du "Pinel" par un nouveau mécanisme ou le maintien du PTZ à l'ensemble du territoire ont donc été listés parmi les solutions pour améliorer la situation.

Encourager les maires bâtisseurs

Revaloriser les aides personnalisées au logement (APL) pour l'USH, assouplir les conditions de crédit pour la FFB, permettre la portabilité des prêts en cas de revente d'un bien pour la FNAIM ou encourager les maires bâtisseurs pour la Fondation Abbé Pierre ont aussi été des solutions suggérées. "Il faut que toute la chaîne du logement soit rétablie", a plaidé Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), qui estime qu'il faut "revoir le paradigme du logement dans sa globalité" et en appelle à une large concertation dans ce but. Christophe Robert, qui a été l'un des garants du Conseil national de la refondation sur ce thème, malgré son étonnement sur les décisions qui ont suivi cette initiative, s'est dit partant pour reproduire l'exercice.

Alors que plusieurs textes doivent être examinés dans les prochains mois au Parlement sur le logement, les sénateurs vont continuer à consulter sur le sujet. Une mission d'information sur les causes et les conséquences de la crise du secteur, ainsi que les solutions pour en sortir, vient d'être créée.

 

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