Les ambitions renouvelées d’un schéma directeur de la région Île-de-France désormais environnemental

Baptisé "Île-de-France 2040 : un nouvel équilibre", le projet de nouveau schéma directeur de la région Île-de-France a été présenté dans ses grandes lignes lundi 3 avril 2023. Il engage une trajectoire de sobriété foncière de -20% par décennie, trois fois inférieure par rapport au Sdrif précédent, mais maintient un objectif de construction de 70.000 logements par an, pour deux tiers abordables. Il organise la région autour de 27 centralités fortes et de 112 polarités.

Si les autres régions françaises sont dotées d’un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), la région capitale possède un schéma directeur, un Sdrif désormais enrichi d’un E comme environnemental, conformément à la volonté de la présidente du conseil régional, Valérie Pécresse. Alors que la précédente version de ce document de planification, "qui fixe des interdictions et ouvre des possibilités", comme l’a résumé le vice-président du conseil régional (*) Jean-Philippe Dugoin-Clément, datait de 2013, le conseil régional s’est attelé à sa révision en profondeur. Une ardente obligation à l’heure du zéro artificialisation nette des sols (ZAN), mais aussi du zéro émission nette (ZEN) et du zéro ressources nettes. Mais aussi compte tenu du défi climatique et du changement radical des aspirations des Franciliens après le Covid. Au-delà de la préservation des terres agricoles naturelles et forestières, d’un zonage qui laisse par ailleurs une place de choix à la réindustrialisation et à la construction de logements, c’est une vision nouvelle de l’aménagement régional, autour de 27 centralités fortes et de 112 polarités, que la présidente de l’Île-de-France a présenté lundi 3 avril 2023, à Saint-Ouen, au siège de l’institution.

Valérie Pécresse a évoqué les aspirations des Franciliens à une vie plus paisible, elle a exprimé la volonté de ce document de préférer le "ménagement" au simple aménagement du territoire. Si Paris a inventé le concept de ville du quart d’heure, le Sdrif-E doit promouvoir une "région des 20 minutes", polycentrique, où chaque habitant peut travailler et bénéficier de l’ensemble des services publics et des aménités requises dans un rayon resserré autour de chez lui. "Ce schéma qui veut réinventer notre modèle de développement et d’aménagement a pour ambition de concilier à la fois l’attractivité économique, l’excellence et 'l’esprit village' qui fait l’identité de notre pays", a résumé Valérie Pécresse.

-20% d’artificialisation des terres par an

L’ancienne ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur a indiqué que le nouveau Sdrif-E engageait une trajectoire de sobriété foncière de -20% par décennie, trois fois inférieure à celle du Sdrif précédent. Une baisse du rythme d’artificialisation des terres inférieure à celle imposée aux autres régions. Ces dernières doivent, en effet, réduire de 50% d’ici 2031 le volume de leur consommation de terres agricoles naturelles et forestières. Une différence de traitement qui s’explique par la singularité d’une région francilienne hors-normes. Jean-Philippe Dugoin-Clément a rappelé que cette dérogation provenait du fait que l’Île-de-France, avec 30% de son produit intérieur brut, constitue le poumon économique de la France. Il a indiqué que la région connaissant une croissance démographique de 50.000 nouveaux arrivants chaque année, et qu’avec 104.000 naissances, elle détenait le record de natalité français. Et la région est considérée comme un bon élève en la matière, puisqu’elle représente 20% de la population, mais seulement 5% de l’espace artificialisé.

Le Sdrif prévoit néanmoins de sanctuariser 13% de la superficie régionale en espaces naturels et agricoles, ce qui représente 160.000 hectares, soit plus que le département du Val d’Oise. Alors que la précédente version du schéma autorisait 1.315 ha d’artificialisation par an, le Sdrif-E réduit par trois la consommation foncière, à 560 ha/an.

38.000 ha seront réservés à l’agriculture, avec une zone tampon de 5 mètres entre les terres agricoles et l’urbanisation, favorable à la biodiversité. Les forêts de Rambouillet et de Fontainebleau sont sanctuarisées. Le Sdrif-E prévoit la création de 111 nouveaux espaces verts ouverts au public et un cinquième PNR (parc naturel régional). Il introduit un bouclier rural pour les plus petites communes, d’au moins 1 hectare de possibilité d’extension.

L’État taclé

La présentation de ce document a donné l’occasion aux élus régionaux de déplorer un État qui s’autoriserait à continuer d’artificialiser des terres agricoles, naturelles et forestières en nombre, tout en enjoignant les communes et leurs groupements à la sobriété. Les projets initiés par l’État en Île-de-France représenteraient un tiers du total des surfaces de terres artificialisées et 25% des projets.

Le schéma maintient l’objectif régional de production à 70.000 logements/an, tel que fixé par la loi de 2010 relative au Grand Paris, dont deux tiers seront abordables (logement social, logement intermédiaire ou accession à prix maîtrisé). Il entend soutenir la transformation de bureaux en logements et la mixité des zones d’activités économiques vieillissantes et rechercher la mixité sociale dans les villes. "Produire plus de logements ne veut pas forcément dire construire", a nuancé l’ancienne ministre du Budget. "80% des bâtiments de 2040 sont déjà là", a-t-elle poursuivi. Le Sdrif-E prévoit par ailleurs la sanctuarisation d’un certain nombre de zones pavillonnaires remarquables.

Le schéma consacre 28.000 ha à la souveraineté productive de la région dont la moitié pour sa réindustrialisation. Plus de 600 ha seront réservés à de nouveaux sites industriels (Villaroche, Ecopole de Triel-sur-Seine, Val Bréon), tandis que 13.000 ha de sites économiques seront préservés ou modernisés. Il vise une énergie 100% décarbonée en 2050 pour réduire la dépendance francilienne aux énergies fossiles grâce notamment à une réserve régionale de 2.000 hectares pour les projets de la transition écologique et énergétique et de transports.

Pour une "Île-de-France connectée", il intègre la création de 656 kilomètres de lignes supplémentaires avec une trentaine de prolongements et de nouvelles liaisons de métro comme la ligne 19 entre Saint-Denis-Argenteuil-Nanterre, la ligne 7 jusqu’à Drancy, la ligne 14 à Morangis, la ligne 18 à l’Est, la ligne 1 à Val de Fontenay, la ligne 10 à Ivry…

* : en charge du logement, de l’aménagement durable et de l’élaboration du Sdrif-E

  • PADD, OR et cartographies

Le Sdrif-E conjugue un plan d’aménagement et de développement durable (PADD), qui décrit sa philosophie et ses objectifs généraux en quelque 150 pages, 160 orientations générales (OR), qui sont autant de règles à respecter, et trois cartes thématiques, dédiées respectivement à l’aménagement ("Maîtriser le développement urbain"), à l’économie ("Développer la souveraineté productive régionale") et à l’environnement ("La nature au cœur du projet régional"). Des cartes qui ne descendent pas en-dessous du 150.000e pour ne pas marcher sur les plates-bandes des schémas de cohérence territoriaux (Scot) et autre plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) qui devront néanmoins être compatibles avec le Sdrif-E.

  • Une concertation de longue haleine

La concertation avec les différentes parties prenantes du schéma directeur de la région Île-de-France environnementale (Sdrif-E) entreprise dès novembre 2021 s’effectue à différents niveaux. Une première concertation est menée au titre du code de l’urbanisme. Elle permet à l’ensemble des acteurs, particuliers, associations, collectivités, entreprises, fédérations professionnelles de s’exprimer. Elle s’achèvera cet été lors de la présentation d’un premier arrêt du Sdrif-E. 5.000 contributions ont été recueillies sur la plateforme citoyenne mise en place dans ce cadre.

Une autre concertation a eu lieu au titre du code de l’environnement, sur une durée de trois mois. Elle s’est achevée le 16 décembre et a été encadrée par la Commission nationale du débat public (CNDP). Enfin, une conférence citoyenne a été mise en œuvre, réunie trois samedis, tout au long de la journée, à l’Institut Paris Région.

Par ailleurs, la région a mis en place un comité des partenaires et une conférence des territoires franciliens, qui se réunira de nouveau le 7 avril prochain. Y siègent l’ensemble des personnes publiques associées (PPA), soit l’ensemble des niveaux de collectivités et un certain nombre d’acteurs institutionnels qui ont ainsi pu travailler sur des thématiques particulières : protection environnementale, développement économique, crise du logement, etc.