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Patrimoine - Les architectes veulent défendre leur droit moral dans les opérations de rénovation

Après leur défense d'un "urbanisme maîtrisé" (voir notre article ci-contre du 27 juillet 2011), les architectes plaident pour un patrimoine contemporain préservé. Dans une lettre ouverte du 7 mars adressée au ministre de la Culture, le conseil national de l'Ordre des architectes lui rappelle que "le patrimoine architectural dont vous avez la responsabilité est une des principales richesses de notre pays". En dépit de cet incipit très général, la lettre vise pourtant uniquement le patrimoine contemporain. Une situation qui s'explique par l'objet de ce courrier. Celui-ci porte en effet sur le respect du droit moral des créateurs - architectes contemporains -, qui serait menacé par le caractère parfois hasardeux de certaines rénovations.
L'Ordre des architectes cite notamment quatre situations précises : l'ensemble immobilier du marquis de Raies à Courcouronnes réalisé par Paul Chemetov, le musée départemental d'Arles antique d'Henri Ciriani, l'usine Famar de Jean Tschumi à Orléans ou encore la Cité des sciences et de l'industrie d'Adrien Fainsilber, à Paris. Selon ce courrier, ces réalisations "risquent de perdre leur identité et leur caractère original au prétexte d'une rénovation (ou extension) conduite au mépris des principes de base du droit moral des auteurs". Le président de l'Ordre prend d'ailleurs soin d'ajouter que "la défense de ce droit moral ne doit pas se limiter aux quelques cas très emblématiques" cités dans le courrier.
Les architectes demandent donc à Frédéric Mitterrand de "veiller à ce que les services, notamment en région, assument la responsabilité qu'ils détiennent en son nom de défendre ce droit face aux appétits de rentabilité de certains maîtres d'ouvrage publics". Une allusion qui pourra difficilement échapper aux élus locaux, les principaux visés par ce reproche.
Si la période électorale est propice à de type d'interpellations et de prises de position, il n'en demeure pas moins que la lettre ouverte de l'Ordre des architectes soulève une vraie question, aux aspects juridiques complexes : jusqu'où s'étend le droit moral d'un architecte sur son œuvre, alors que les immeubles des années 1970 et 1980 doivent faire l'objet d'importants travaux de rénovation et de mise aux normes énergétiques et environnementales ? La question est d'autant plus complexe que les quatre exemples cités dans la lettre ouverte ne doivent rien au hasard. Ils concernent en effet des architectes à la réputation internationale bien établie et à la place reconnue dans l'histoire de l'architecture, mais sans que les œuvres concernées soient pour autant inscrites ou classées au titre des monuments historiques.