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Les bibliothèques d'école ont aussi besoin des collectivités locales

Selon un rapport de l'inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche, les bibliothèques des écoles du premier degré présentent des lacunes qui nuisent au  bon accomplissement de leurs missions. Les pistes d'amélioration proposées impliquent souvent les collectivités locales.

Généralisées depuis 1984, les bibliothèques situées au sein des écoles publiques du premier degré ont pour principal objectif pédagogique la "mise en situation autonome et active de l'enfant dans son rapport à l'écrit". Plus généralement, elles constituent "un atout de premier plan pour la mise en œuvre de la politique en faveur de l’éducation artistique et culturelle". Pourtant, elles font figure de parents pauvres entre, d'un côté, les bibliothèques des collèges et lycées, où l'État est "fortement engagé", et les bibliothèques territoriales relevant de la compétence des collectivités. C'est ce qui ressort d'un rapport de l'inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGESR) récemment publié.

Portait en creux

Malgré son titre – "Les bibliothèques d’écoles : état des lieux, usages pédagogiques, pratiques de lecture des élèves" –, le rapport de l'IGESR prévient dès son introduction que l'état des lieux ne peut être réalisé : "Il n’existe pas de recensement national des bibliothèques d’école ni de comptabilisation annuelle de leur activité, la mission n’est pas en mesure d’en dresser un tableau exhaustif actualisé." Dont acte. C'est par le biais de la documentation existante et de visites et échanges avec des enseignants qui ont pu être réalisés dans le contexte sanitaire actuel que la mission a pu récolter des informations. Et c'est donc en creux, à travers les recommandations formulées et les lacunes que celles-ci laissent entrevoir, que le portrait des bibliothèques d'école s'esquisse. Les inspecteurs généraux ont ainsi identifié quatre éléments-clés pour disposer d’une bibliothèque de qualité au sein d’une école : les locaux, l'aménagement des locaux, les ressources humaines mobilisées et le fonds documentaire.

Au chapitre des locaux, la mission pointe d'entrée le problème : "De nombreuses écoles ne disposent pas des locaux nécessaires à l’installation d’une bibliothèque." Question d'espace immobilier disponible, de choix de la municipalité ou de l'équipe pédagogique. Et quand les locaux existent, ils servent souvent de "variable d’ajustement du bâti et son existence dépend des besoins en salles de classe de l’école". Ici, la bibliothèque a été supprimée pendant deux ans pour accueillir des classes supplémentaires pendant qu’une autre école de la commune était en travaux. Là, la bibliothèque a été supprimée dans le cadre des dédoublements des classes de CP et de CE1.

Surface minimum

Autres cas problématiques : certaines écoles disposent d’un local qualifié de bibliothèque mais la surface limitée ne permet pas de développer les usages attendus d’une bibliothèque d’école, ou encore la configuration ou la localisation de la bibliothèque constituent un frein à son utilisation optimale. Les inspecteurs notent : "Ces locaux peu adaptés conduisent généralement les enseignants à ne plus utiliser la bibliothèque d’école qui tombe peu à peu en désuétude". Ils recommandent d'installer la bibliothèque dans un lieu central, facile d’accès, d'une taille d'au moins deux salles de classes, soit 70 m² au moins – et idéalement 100 m².

En ce qui concerne l'aménagement de ces locaux, qui conditionnent les usages de la bibliothèque par les enseignants avec leur classe et par les élèves en autonomie, la mission rappelle qu'ils doivent permettre de "ranger et mettre en valeur les livres", mais aussi s’asseoir, travailler et écouter, ou encore proposer des expositions. En outre, un dispositif informatique (matériel et logiciel) permettra d’enregistrer les références du fonds et de gérer les emprunts. "La première informatisation du catalogue est un travail très lourd", souligne le rapport, qui précise que "les écoles qui ont procédé à l’informatisation du fonds ont, de façon quasi systématique, bénéficié d’une aide extérieure", notamment celle d'un agent des bibliothèques municipales détaché. Au chapitre numérique encore, côté élèves cette fois, "la priorité doit assurément être portée sur les outils de projections collectives (vidéoprojecteur, TNI, visualiseur, etc.) si l’espace de la bibliothèque permet de mener des travaux collectifs". Plus globalement, est recommandée l’installation d’espaces clairement distincts pour l'accueil, le travail, la communication, la détente ou l'animation.

Source de tension

Les ressources humaines constituent pour leur part une faiblesse majeure des bibliothèques d’école. "Le plus souvent, aucun moyen humain spécifique n’est prévu par l’institution ou la municipalité pour soutenir l’activité des bibliothèques d’école", écrit la mission. De fait, leur gestion repose presque toujours sur la bonne volonté du directeur, d’enseignants ou de bénévoles sans formation spécifique. En conséquence, "la pérennité de cette gestion n’est pas garantie", tout comme le respect des horaires d’ouverture est difficile à assurer. On note cependant que "certaines municipalités s’engagent fortement dans le soutien des bibliothèques d’école en fournissant des agents pour contribuer à leur gestion". Comme ces Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), dans l’académie de Nantes, qui "assurent l’ouverture de la bibliothèque pendant la récréation du matin pour permettre des emprunts ou des retours de livres ou accompagnent des petits groupes d’élèves de maternelle à la bibliothèque le matin pour animer des ateliers mis en place par les enseignants". Mais ces mises à dispositions de personnels municipaux restent rares en raison d'un coût "élevé pour des communes disposant de nombreuses écoles" et du manque de disponibilité de personnel qualifié. Le rapport met cependant en garde : si "l'utilisation de personnels municipaux pour assurer une partie des tâches de gestion de la bibliothèque peut permettre de faciliter l’élargissement du champ d’utilisation de la bibliothèque de l’école aux temps périscolaires", cela peut être une "source de tension entre l’équipe pédagogique de l’école et les agents municipaux en charge des temps périscolaires".

Pas de postes, des heures supplémentaires

Sur la question des ressources humaines, la mission est claire : "Le nombre d’écoles en France, la taille de ces écoles et la variété des situations concernant les bibliothèques d’école font que la mission considère qu’il n’est pas envisageable, ou même souhaitable, de créer des postes ou des décharges pour la gestion des bibliothèques d’école." Sa solution : "Rémunérer, sous forme d’heures supplémentaires, un ou plusieurs enseignants qui accepteraient de prendre en charge des responsabilités spécifiques pour renforcer le fonctionnement de la bibliothèque."

Le dernier point noir du rapport met encore en lumière le manque de moyens financiers : "Il n’y a généralement pas de budget spécifique pour enrichir le fonds de la bibliothèque de l’école." Ici encore, le budget de la bibliothèque n’est qu’une "variable d’ajustement" dans la plupart des écoles. Pire : "Dans quelques rares bibliothèques visitées par la mission, le fonds était particulièrement pauvre et vieillissant, conduisant les enseignants à abandonner toute utilisation de la bibliothèque." Le rôle des collectivités est encore pointé du doigt. Le rapport évoque "des disparités importantes entre les écoles tant les budgets alloués par les municipalités […] sont différents". Ici, le montant annuel est d’une trentaine d’euros par élève, là il est de plus de soixante euros. Heureusement, "certaines bibliothèques municipales jouent un rôle actif dans l’enrichissement du fonds des bibliothèques d’école".

Un budget annuel

Pour le fonds, les recommandations se divisent en deux objectifs. D'une part, engager des "opérations de relance", à raison d'un montant d’au moins 1.500 euros par école "afin qu’elles aient un impact fort sur l’équipe pédagogique et l’école en général". D’autre part, prévoir un budget annuel de 100 à 150 euros par classe pour garantir l’attractivité de la bibliothèque de l’école sur le long terme.

Enfin, la mission recommande le maintien de l’actuel plan Bibliothèque de la Dgesco (direction générale de l'Enseignement scolaire) et invite à le renforcer, notamment "par une exigence plus ferme quant à l’engagement des collectivités territoriales au côté de l’État, afin de s’assurer que la bibliothèque d’école puisse continuer à être soutenue au-delà du financement exceptionnel proposé par l’État".