Les brigades intercommunales de gardes champêtres, gardiennes de l'espace rural

La loi Démocratie de proximité du 27 février 2002 a permis le recrutement de gardes champêtres par les établissements publics de coopération intercommunale. Le syndicat intercommunal d'équipement et de gestion du Havre-Est et la communauté de communes du Clermontais font figure de pionniers.

La brigade intercommunale normande, dirigée par Hervé Benazera, s'inspire de l'exemple de la brigade verte du Haut-Rhin, avec laquelle une procédure de jumelage sera lancée à la rentrée 2005. Dans ce département, soumis à un droit particulier (*), la brigade, spécialisée en police de l'environnement, regroupe près de 300 communes et comprend 46 gardes auxquels s'ajoutent les personnels administratifs.
A l'heure actuelle, la brigade normande, forte de six gardes, intervient sur un territoire de 2.700 hectares comptant environ 7.000 habitants sur ses quatre communes. Elle est plus absorbée par des tâches de "police rurale", et donc, finalement de police de l'ordre public. Ses interventions concernent fréquemment l'alcoolisme sur la voie publique, les dégradations, les bruits de voisinage... La communauté de communes du Clermontais regroupe, quant à elle, 17 communes pour l'essentiel situées en zone rurale mais proche de la ville de Montpellier. Les deux brigades ont donc ce point commun, qui a justifié leur création : elles interviennent dans des communes rurales placées à proximité d'un centre urbain important. Il apparaît que ces centres ont tendance à "exporter" une part de leur délinquance. Par ailleurs, la "police du cadre de vie" qu'entendent exercer les gardes champêtres s'y exerce à destination de "néo-ruraux" ne connaissant pas obligatoirement la vie rurale. "L'action des gardes, indique Hervé Benaezera comporte de la sorte une importante part de pédagogie."

Des compétences complémentaires

Les responsables des nouvelles brigades de gardes champêtres, dans leur ensemble, conçoivent leur action comme complémentaire à celle des autres agents chargés du respect de l'ordre public. Ainsi, comme le précise Jacques Armesto, président de la fédération nationale des gardes champêtres, "la création des brigades intercommunales a pour objet, en premier lieu, de pallier à l'impossibilité pour la gendarmerie nationale, du fait des nombreuses missions qui lui sont dévolues, d'assurer une présence suffisante au sein des espaces ruraux". Les relations avec la police municipale, lorsque celle-ci existe, sont plus complexes. La situation conduit parfois à un certain flou entraînant le risque d'une position concurrentielle. Gardes champêtres et policiers municipaux partagent le statut de fonctionnaires territoriaux. Ils ont en commun la mission de faire respecter les arrêtés du maire sur le territoire de la commune. Aucune des quatre communes concernées par la brigade normande ne dispose d'une police municipale. Le choix de la création de la brigade a été préféré, au regard du caractère rural du territoire concerné, à celui d'une police municipale. A l'inverse, dans le Clermontais, les gardes champêtres interviennent semble-t-il en bonne harmonie avec les policiers municipaux.

La police de l'environnement

En définitive, estime Hervé Benazera, la mission centrale qui devrait revenir aux gardes champêtres, est celle de la police de l'environnement. Le garde champêtre est en effet "un technicien des zones rurales", moins à l'aise en zone urbaine. Les deux brigades interviennent ainsi pour faire respecter la réglementation relative aux déchets ménagers et à l'affichage. A cet égard le chef de la brigade normande regrette "de ne pas disposer de compétences en matière de police de la chasse et de la pêche". Il souhaiterait qu'à l'avenir, les gardes champêtres se voient affecter l'ensemble du "bloc de compétence" de la police rurale de l'environnement. Ce qui n'est pas, en l'état actuel de la réglementation, sans poser un certain nombre de problèmes en matière de recrutement. "Outre l'obtention du concours, nous avons souhaité recruter des personnes disposant d'un niveau au moins bac + 2, avec des compétences en environnement" précise-t-il. Les brigades intercommunales souffrent d'une absence de grade d'encadrement. Le corps des gardes champêtres est en effet organisé aujourd'hui en trois grades (garde champêtre, garde champêtre principal et garde champêtre chef) ressortissant tous de la seule catégorie C. Il apparaît clairement que l'instauration d'un grade de catégorie B permettrait de favoriser la bonne organisation de nouvelles brigades intercommunales réunissant un nombre potentiellement important d'agents.

(*) Les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle sont soumis à des dispositions spécifiques héritées des annexions par l'Allemagne. Les communes y disposent notamment d'une plus grande autonomie. Les articles L.5811-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales prévoient ainsi des dispositions spécifiques en matière de coopération intercommunale.

Julien Bouteiller / Suretis pour Localtis

"La brigade concrétise la solidarité communautaire"

Yves Zambrano, directeur général des services de la communauté de communes du Clermontais, revient sur les circonstances qui ont présidé à la création de la première brigade intercommunale.

Quelles étaient les raisons qui ont motivé la création d'une brigade intercommunale ?

Les 17 communes de la communauté du Clermontais sont pour l'essentiel situées en zone rurale. Elles sont toutefois proches de la ville de Montpellier qui a tendance à "exporter" en zone rurale une partie de la délinquance urbaine. Dans ce cadre, la création de la brigade intercommunale de gardes champêtres avait pour objet de renforcer la présence de l'autorité publique sur les territoires où les gendarmes, en trop petit nombre et chargés d'opérations de police judiciaire, n'assuraient pas une présence suffisamment dissuasive. Nous souhaitions que nos deux gardes champêtres puissent intervenir, en renfort et aux côtés de la gendarmerie, pour faire notamment respecter la police rurale, mais aussi tout simplement la police de la circulation. Les missions des gardes champêtres s'exercent ainsi en liaison constante avec les gendarmes, avec lesquels un échange d'information est organisé.

Comment s'articule leur intervention avec celle de la police municipale ?

Le fait que 2 des 17 communes composant notre communauté disposent d'une police municipale n'a pas constitué un problème pour la constitution de la brigade intercommunale. Les gardes champêtres ne se substituent pas aux policiers municipaux. Leurs missions sont nettement plus communautaires. Ils veillent au respect de la réglementation municipale en matière d'environnement. Ils ont en particulier pour mission de détecter les dépôts sauvages d'ordures. Ils doivent également faire respecter le tri sélectif. Ils appuient ainsi les services municipaux chargés de la gestion des ordures ménagères. Ils assurent par ailleurs une surveillance en matière de respect de la réglementation urbanistique et disposent d'un véhicule équipé d'une cage pour récupérer les chiens errants sur le territoire communautaire

Quel bilan tirez-vous de l'expérience ?

Les élus de la communauté ont largement participé, avec notamment la Fédération nationale des gardes champêtres, au lobbying qui a abouti à l'insertion dans la loi de la possibilité de créer des brigades intercommunales. La délibération autorisant la création a d'ailleurs été votée quasiment le jour de la publication de la loi ! Trois années plus tard, nous dressons un bilan tout à fait satisfaisant de cette création. L'objectif, qui est atteint, était que des personnels dotés d'une autorité publique soient présents sur le territoire. Qu'il y ait, de temps en temps, "un uniforme" qui passe dans des zones où ce n'était pas forcément le cas avant. C'est très important, notamment dans les petites communes pour lesquelles la brigade concrétise la solidarité communautaire. Toutefois, nous attendons de voir comment la mission se développe avant de décider si la brigade doit être étoffée, d'autant que la brigade de gendarmerie a quant à elle été réorganisée en "communauté de brigade".

Une compétence exercée sous l'autorité des maires

Seul le recrutement des gardes champêtres a été délégué aux établissements publics de coopération intercommunale, les maires restant titulaires des pouvoirs de police.

La "police des campagnes", prévue par l'article L.2213-16 du CGCT, "est spécialement placée sous la surveillance des gardes champêtres et de la gendarmerie nationale". Avant la loi Démocratie de proximité, le recrutement commun d'un garde champêtre par plusieurs communes était possible. Désormais, le CGCT prévoit la possibilité de leur recrutement par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et précise que les agents seront compétents dans chacune des communes concernées. L'article R.2213-59 du même code précise que l'affectation d'un garde champêtre recruté par un établissement EPCI est décidée par arrêté conjoint du président de cet établissement et du ou des maires des communes concernées. Recrutés par l'EPCI, les gardes champêtres n'en sont pas moins placés sous l'autorité de chacun des maires sur le territoire des communes au sein desquelles ils interviennent.
Leur domaine de compétence est triple : la police des campagnes et de l'environnement, la police de la circulation et du stationnement et la police administrative générale. L'article 22 du Code de procédure pénale précise que "les gardes champêtres recherchent et constatent par procès-verbaux les délits et les contraventions qui portent atteinte aux propriétés forestières ou rurales". Le Code de l'environnement et le CGCT prévoient de la même façon les compétences des gardes champêtres, chargés notamment de verbaliser les contraventions au Code de la route les plus fréquemment commises.

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