Développement des territoires - Les communes rurales préoccupées par la pression foncière
Envie de se mettre au vert ou coût exorbitant des loyers en ville ? La campagne attire de plus en plus de monde. Les deux tiers des communes rurales estiment cependant ne pas disposer d'assez d'espace pour accueillir les nouveaux arrivants à moins d'empiéter sur les terres agricoles. C'est ce qui ressort d'une enquête sur la gestion foncière des communes de moins de 3.500 habitants conduite par Mairie-conseils et la FnSafer (Fédération nationale des Safer) auprès de 13.400 communes rurales. "Lorsqu'on reçoit des élus, presque tous évoquent la très forte demande d'installation chez eux. Pourtant de moins en moins de maisons anciennes sont disponibles, ce qui accroît la pression urbaine", explique Yves Gorgeu, directeur d'études chez Mairie-conseils.
L'enquête fait apparaître différentes attitudes. Les communes de petite taille, qui n'ont pas encore subi une trop forte pression, sont toujours dans une logique d'expansion. L'apport de population y est ressenti comme un élément de développement. En revanche, une véritable prise de conscience se manifeste chez les communes de plus grande taille. 30% des communes interrogées se sont fixé des limites de croissance à ne pas dépasser pour les dix ans à venir. "Ces communes rencontrent une série de problèmes en termes d'extension urbaine, de changements sociologiques, d'adaptation des réseaux ou de services à la population, analyse Yves Gorgeu. Elles privilégient aujourd'hui le développement des services plutôt que le logement."
Des moyens de maîtriser le foncier
Alors qu'elles sont 70% à attribuer à l'agriculture un rôle essentiel dans l'aménagement de l'espace, les communes jugent insuffisantes les mesures de protection environnementales pour lutter contre la pression foncière. Elles manifestent un intérêt grandissant pour les documents d'urbanisme. 47% d'entre elles, généralement les plus peuplées, sont dotées d'un plan local d'urbanisme (PLU). Parmi elles, 30% l'ont déjà approuvé et 17% sont en train de le réviser, ce qui s'explique par le passage des POS aux PLU. Seulement 4% disposent d'une carte communale. Enfin, 15% des communes travaillent encore à l'élaboration de leur document. Selon l'enquête, "le fait de posséder une réserve foncière apparaît être un facteur favorisant la révision ou l'établissement d'un document d'urbanisme". Elles sont 30% à avoir fait ce choix dans le but de lancer des programmes immobiliers à caractère social. De même, les deux tiers des communes dotées de PLU disposent d'un droit de préemption urbain, mais seulement 33% l'ont déjà utilisé pour acquérir des espaces dans le cadre de ventes de terrains. "Beaucoup d'élus hésitent car, dans les petites communes, la proximité avec la population est très forte et peut être source de frictions", estime Yves Gorgeu. Dans ce contexte, l'intérêt de déléguer ce droit à l'échelle intercommunale se fait jour : 23% des communes recherchent des solutions à ce niveau, mais seulement 12% ont franchi le pas en transférant leurs compétences en matière de foncier et d'urbanisme.
L'intercommunalité amenée à jouer un plus grand rôle
"Le raisonnement à long terme sur une échelle spatiale plus équilibrée est bien plus efficace qu'une juxtaposition de raisonnements communaux qui n'ont pas une vision suffisamment large", assure Yves Gorgeu. Le schéma de cohérence territorial (Scot) aurait dû apporter une réponse. Créé en 2000, ce dispositif ne rencontre pas le succès escompté. Seulement un quart des communes déclarent être concernées par un Scot ou une charte de parc national régional (PNR) en amont de leur document d'urbanisme. Bien plus, seule une commune sur six dit avoir reçu l'avis de l'organisme de gestion du Scot ou du PNR. Pour Julie Mariton, chargée d'études au sein de la FnSafer, "c'est souvent un problème de moyens car dans certains PNR, il n'y a qu'un chargé d'urbanisme pour une centaine de communes. Il est par conséquent très difficile d'examiner tous les PLU". Entre le Scot et le PLU, Yves Gorgeu penche donc pour la solution intermédiaire : "L'intercommunalité jouera dans l'avenir un rôle de plus en plus grand, assure-t-il. Il ne s'agira pas de créer un document d'urbanisme unique à l'échelle intercommunale mais un plan d'aménagement et de développement urbain donnant les grandes orientations pour les PLU communaux."
Michel Tendil