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Les contours et le contenu du FSE+ se dessinent peu à peu

Tirant la leçon de la crise du Covid-19, la Commission européenne a récemment proposé de revoir les contours et le contenu du futur FSE+. Ce fonds social européen "augmenté" n'absorberait finalement plus le "programme Santé" et devrait davantage être utilisé en faveur des jeunes inactifs, pour lutter contre la pauvreté des enfants et favoriser les transitions vertes et numériques. Le ministère du Travail vient de diffuser le contenu du programme opérationnel français qui sera transmis à Bruxelles pour validation dans les prochains jours. Revue de détail des différentes priorités.

Petit à petit, les contours du futur "FSE+", qui prendra son envol avec la programmation 2021-2027, se dessinent, même si la crise du Covid-19 contraint la Commission à manier autant le crayon que la gomme. 

Le programme Santé reprendrait son autonomie

Présenté en mai 2018, ce nouveau fonds social européen "augmenté" – dédié à l'emploi, la formation professionnelle et l'inclusion sociale – devait être le fruit de la fusion du FSE "ancienne formule", de l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), du programme EaSI pour l'emploi et l'innovation sociale et du programme Santé, pour la modernisation des systèmes de santé. Toutefois, afin de tenir compte de l'impact de la crise liée au Covid-19, la Commission a adopté le 28 mai dernier une proposition modifiée qui prévoit que le programme Santé, qui serait "très renforcé", ne serait plus absorbé par le FSE+ mais redeviendrait autonome "compte tenu de sa taille et de sa portée".

Nouvelles exigences de concentration thématique

Au sein de ce nouvel instrument, la Commission revoit également quelque peu ses priorités. Elle entend mettre l'accent sur l'accroissement des exigences en matière de concentration thématique pour l'emploi des jeunes (les États membres affichant un "taux de NEET" – entendre les jeunes de 15 à 29 ans ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation – supérieur à la moyenne de l'UE devraient consacrer au moins 15% de leur FSE+ relevant de la gestion partagée à des actions visant ces jeunes, suivant ici la préconisation du Parlement européen), la lutte contre la pauvreté des enfants (il est proposé que les États membres y consacrent au moins 5% du FSE+ relevant de la gestion partagée) et les transitions vertes et numériques.

De la souplesse en cas de coup dur

La Commission propose également d'ajouter des mesures temporaires relatives à l'utilisation du FSE+ en cas de circonstances exceptionnelles, qui permettraient de déroger à certaines règles lorsque de telles circonstances se produisent. Concrètement, il s'agirait notamment de pouvoir étendre le champ d'application du FSE+, par exemple aux mesures de soutien aux régimes de chômage partiel et d'accès aux soins de santé, y compris pour les personnes qui ne sont pas en situation de vulnérabilité socio-économique immédiate, et d'assouplir les exigences en matière de concentration thématiques.

Le projet suit pour l'heure son parcours législatif, et reste dans tous les cas en attente du vote du cadre financier pluriannuel actuellement en discussions.

La France dresse ses priorités

En parallèle, les États membres continuent de préparer leur future programmation, qui doit en outre désormais tenir compte des recommandations de réformes formulées à chaque État membre dans le cadre du Semestre européen. En France, la concertation conduite par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du Travail depuis un an sur le contenu de la programmation française vient de franchir une nouvelle étape. À partir du bilan de la programmation 2014-2020 et des discussions conduites avec Régions de France, l'Agence nationale de la cohésion des territoires et la Direction générale des outre-mer, la DGEFP a récemment diffusé les priorités de la première version du projet de programme opérationnel. Elles sont au nombre de quatre, au sein desquelles s'insèrent les six objectifs spécifiques retenus parmi les onze fixés par l'article 4 du futur règlement FSE+.

Première priorité : favoriser l'insertion professionnelle et l'inclusion sociale des personnes les plus éloignées du marché du travail et des plus vulnérables/ou des exclus

Cet axe, qui réunirait les initiatives en faveur de l'emploi et de l'inclusion sociale (axes 1 et 3 de l'actuel programmation), poursuit trois objectifs spécifiques :
• favoriser l’inclusion active afin de promouvoir l'égalité des chances et la participation active, et améliorer l’aptitude à occuper un emploi (OS7), via des actions visant à l'accompagnement renforcé des personnes en recherche d'emploi, l'implication des entreprises dans une démarche inclusive, à soutenir le développement de l'insertion par l'activité économique ou favorisant l'insertion professionnelle des personnes handicapées ou souffrant d'une maladie de longue durée ;
• promouvoir l’intégration sociale des personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, y compris les plus démunis et les enfants (OS10), via notamment des actions visant l'accès au logement ou la protection de l'enfance ;
• améliorer l’accès à l’emploi de tous les demandeurs d’emploi, notamment des jeunes et des chômeurs de longue durée, et des personnes inactives, promouvoir l’emploi indépendant et l’économie sociale (OS1), via des actions visant le renforcement de l'économie sociale et solidaire.

Deuxième priorité : renforcer le système éducatif et favoriser la réussite scolaire et universitaire

Est ici visé l'objectif spécifique de promouvoir l’égalité d’accès et la participation aboutie à une éducation ou formation inclusive et de qualité, en particulier pour les groupes défavorisés, de l’éducation et l’accueil des jeunes enfants à l’éducation et la formation des adultes en passant par l’enseignement général et l’enseignement et la formation professionnels et par l’enseignement supérieur, et faciliter la mobilité à des fins d’apprentissage pour tous (OS5), via, d'une part, des actions de renforcement des capacités des équipes éducatives, et d'autre part, des actions à destination des élèves (éducation à la citoyenneté, soutien aux internats d'excellence, prévention et lutte contre le décrochage scolaire et universitaire, valorisation de la voie professionnelle, etc.).

Troisième priorité : renforcer l'employabilité des jeunes (et particulièrement des "NEET") et favoriser leur accès à l'emploi

Prenant ici le relais de l'ancien IEJ, serait ici encore poursuivi l'objectif spécifique d'améliorer l’accès à l’emploi de tous les demandeurs d’emploi, notamment des jeunes et des chômeurs de longue durée, et des personnes inactives, promouvoir l’emploi indépendant et l’économie sociale (OS1), via le renforcement de l'alternance.

Quatrième priorité : appuyer les entreprises dans l’anticipation et la gestion des mutations économiques, développer les compétences des salariés et la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle

Deux objectifs spécifiques sont ici poursuivis :
• promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie, notamment les possibilités de perfectionnement professionnel et de requalification flexibles pour tous en tenant compte des compétences numériques, mieux anticiper les changements et les nouvelles exigences en matière de compétences fondées sur les besoins du marché du travail, faciliter les transitions professionnelles et promouvoir la mobilité professionnelle (OS6), via des actions visant à accompagner notamment les mutations liées aux transitions écologiques et numérique et la formation continue des actifs occupés ;
• promouvoir la participation des femmes au marché du travail, un meilleur équilibre entre travail et vie privée, y compris l’accès à des services de garde d’enfants, un environnement de travail sain, bien adapté et équipé contre les risques pour la santé, l’adaptation des travailleurs, des entreprises et des chefs d’entreprise au changement et au vieillissement actif et en bonne santé (OS3), via des actions visant à l'égalité professionnelle et à améliorer la qualité de vie au travail.

La version finalisée du programme, en cours d'élaboration, devrait être transmise dans les prochains jours à la Commission, pour adoption définitive.