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Economie sociale et solidaire - Les Cress cherchent encore leurs marques

Comment les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire parviennent-elles à s'emparer des missions que la loi de 2014 leur a confiées ? Un rapport de l'Inspection général des finances propose des pistes pour consolider le développement de ces instances, aujourd'hui très diverses d'une région à l'autre et fragilisées par la réforme territoriale. Derrière les difficultés des Cress, c'est aussi la réalité même de la "famille ESS" qui peine à s'imposer auprès de certains acteurs.

La loi du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire (ESS) porte "une ambition unique et forte sur l'ensemble du territoire national" et les chambres régionales de l'ESS (Cress), chargées de porter cette ambition sur les territoires, "ont des capacités très inégales pour la mettre en œuvre". Selon l'Inspection générale des finances (IGF), qui a rendu le 13 décembre 2016 un rapport sur le sujet à Martine Pinville, secrétaire d'Etat à l'ESS, les Cress ont des effectifs et des ressources qui varient de un à dix, avec une implication très variable de l'Etat – qui fournirait de 10 à 50% de leurs ressources – et des régions – de 10 à 80%.
En 2015, les chambres ont été fragilisées par la réforme territoriale, les fusions de régions entraînant une refonte des subventions et l'évolution des compétences des départements conduisant certains à se désengager. Les changements de majorité au niveau régional ont aussi eu un impact sur les partenariats avec les Cress. Quant aux financements communaux et intercommunaux, "estimés à la hausse en 2016", ils "résultent essentiellement d'une volonté politique", variable par définition dans le temps et l'espace.

La "famille ESS" n'est pas encore une réalité pour certains acteurs

Ainsi seules les deux Cress de Bretagne et de Centre-Val-de-Loire ont pu, selon l'IGF, "mettre en œuvre la loi dans des conditions stables et avec une réelle visibilité sur leurs financements et leurs interlocuteurs".
Les Cress s'occupent toutes de porter les intérêts de l'ESS - notamment dans le cadre du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation -, de soutenir les entreprises dans leur création et leur développement et de promouvoir l'ESS - en organisant le "mois de l'ESS" en particulier -, mais selon des modalités très différentes d'une région à l'autre. Les chambres appréhendent avec difficulté leur nouvelle mission d'observation. Et, plus globalement, elles peinent à fédérer tous les acteurs de l'ESS, notamment certains réseaux ne se retrouvant pas dans la "famille ESS" ou certaines banques coopératives ou coopératives agricoles et commerciales qui privilégient l'adhésion à la chambre consulaire de leur secteur.

Les régions et les autres collectivités concernées doivent prendre "la mesure du rôle de l'ESS et de l'action des Cress sur leur territoire"

En ce qui concerne les subventions provenant de l'Etat, la mission recommande dans ce contexte de "maintenir globalement au niveau actuel les subventions au titre de l’action 22 du programme 134" – 4,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017 – "le temps que les Cress aient accru leurs ressources propres et que l'ensemble des régions et autres collectivités territoriales concernées ait pris la mesure, en termes de politiques et de financements accordés, du rôle de l'ESS et de l'action des Cress sur leur territoire".
Une orientation validée par Martine Pinville dans un communiqué du 13 décembre : "si les Cress doivent engager une nette diversification de leurs ressources, c'est bien à l'Etat qu'il revient de veiller à un développement homogène sur le territoire".

Fédérer les collectivités et les entreprises, pas seulement les réseaux

Les fusions de Cress, encore en cours dans cinq régions, effectives en Normandie et dans les Hauts-de-France, sont une opportunité, selon l'IGF. Elles sont l'occasion pour les Cress d'acquérir "la taille critique nécessaire et de professionnaliser leurs équipes". Les chambres ont un autre atout non négligeable : le fait que l'ESS et les sujets que ses entreprises portent – développement durable, soutien à la personne… - soient "en phase avec les attentes de la société".
Pour consolider leur développement, les Cress sont invitées à fédérer au-delà des réseaux représentatifs des différentes familles de l'ESS, par des adhésions d'entreprises et de collectivités territoriales. Pour cela, les Cress devront faire la preuve de la réelle "valeur ajoutée transverse de l'appartenance au monde de l'ESS, au-delà de l'appartenance à son réseau". Citant plusieurs exemples, l'IGF admet que le positionnement des Cress n'est pas évident à trouver : certaines, comme en Bretagne, entendent privilégier la dimension politique, tandis que d'autres, en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Rhône-Alpes notamment, s'orientent vers la vente de prestations aux adhérents. Des choix stratégiques évidemment liés au degré de soutien de la part des collectivités du territoire concerné.

Trois instances nationales, trois rôles bien distincts ?

Les Cress doivent enfin pouvoir compter sur un appui renforcé du Conseil national des Cress (CNCRES). Ce dernier pourrait fixer des "objectifs pluriannuels d'accroissement des adhérents et des prestations de services", après avoir déjà commencé à porter "des initiatives telles que l'élaboration de statuts types, l'unification des barèmes de cotisation, la circularisation des bonnes pratiques, l'appui à la fusion".
La mission déplore toutefois un manque de clarté au sein des structures nationales, le CNCRES n'étant pas doté de la mission de "représentation nationale de ce qui unit le monde de l'ESS", à l'inverse des Cress qui ont ce rôle au niveau régional. Pour la secrétaire d'Etat à l'ESS, la répartition des rôles est pourtant claire : le Conseil supérieur de l'ESS est l'"instance de concertation avec les pouvoirs publics", la Chambre française de l'ESS (ESS France) est l'"instance de représentation et promotion nationale de l'ESS" et le CNCRES est l'"association assurant la coordination nationale des Cress"…