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Licenciés économiques - Les CTP et CRP en très forte progression

Les CTP (contrats de transition professionnelle) et CRP (conventions de reclassement personnalisé) ont encore fortement progressé l'an dernier, servant d'amortisseur à la crise économique. Des dispositifs qui pourraient être améliorés avec les recommandations du COE et de l'Igas, malgré un contexte budgétaire qui leur est peu favorable.

Les deux dispositifs de reclassement et de reconversion des licenciés économiques, les CRP (conventions de reclassement personnalisé) et les CTP (contrats de transition professionnelle), plus récents, continuent de jouer le rôle d'amortisseur de la crise. En 2009, d'après les chiffres publiés dans le rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) sur les "Mutations économiques, reclassement, reconversion", adopté mardi 6 juillet, sur les 280.000 inscriptions à Pôle emploi qui étaient consécutives à un licenciement, 116.000 ont donné lieu à une entrée en CRP et 15.000 en CTP. Les chiffres continuent à progresser même dans la phase d'après-crise. Ainsi, en mai 2010, 14.800 personnes sont bénéficiaires des CTP, contre 4.400 personnes en mai 2009, soit une progression de 190,2% en un an, d'après les chiffres publiés par Pôle emploi. Le contrat avait déjà connu une augmentation fulgurante de 340% entre 2008 et 2009. Côté convention CRP, l'augmentation suit la même courbe. En mai 2010, 80.000 personnes en sont bénéficiaires, contre 66.900 en mai 2009, soit une progression de 31% sur un an. De la même façon que le CTP, la CRP avait largement progressé entre 2008 et 2009, affichant un taux de progression de 155%... Les données publiées le 5 juillet 2010 par Agefos PME, dans le cadre de son rapport d'activité annuel, font apparaître les mêmes progressions. Principal financeur de ces dispositifs, l'organisme affiche ainsi plus de 8.500 personnes prises en charge sur le territoire par la CRP et le CTP. Le gouvernement a misé sur ces dispositifs pour aider les entreprises et les salariés les plus touchés par la crise économique et financière de 2008 et 2009. Un budget conséquent de 350 millions d'euros est notamment prévu pour financer l'accès des demandeurs d'emploi à des formations répondant à un besoin du marché du travail identifié à court ou moyen terme, y compris les CTP et CRP, dont 200 millions sont issus du nouveau Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), 80 millions de l'Etat et 70 millions du Fonds social européen (FSE).

 

Baisse à venir des crédits de l'emploi

Expérimenté en 2006 sur sept territoires et étendu par la suite, le CTP constitue un dispositif d'accompagnement renforcé sur douze mois permettant aux salariés licenciés pour raison économique de retrouver un emploi, tout en percevant mensuellement une allocation égale à 80% de leur salaire brut antérieur. Il concerne actuellement 32 bassins d'emploi. Dans six d'entre eux, il va être étendu aux salariés intérimaires et aux contrats à durée déterminée en fin de contrat. Il s'agit de Poissy (Yvelines), Douai (Nord), Mulhouse (Haut-Rhin), la vallée de l’Arve (Haute-Savoie), Montbéliard (Doubs) et Saint-Dié (Vosges). La loi sur la formation professionnelle a prévu de faire passer à 40, le nombre de bassins d'emplois concernés par le CTP.

Dans le cadre de la CRP, les salariés perçoivent une allocation spécifique de reclassement, dont le montant est calculé sur la base du salaire brut moyen des douze derniers mois et égal à 80% les trois premiers mois, et à 70% les cinq mois suivants. Ils disposent d'un accompagnement spécifique.

L'avenir n'est pas encore garanti. Le document d'orientation budgétaire qui table sur la sortie de crise prévoit des coupes dans les crédits de l'emploi. Ces derniers devraient ainsi passer de 11,25 milliards d'euros en 2010 à 9,10 milliards en 2013. Or selon ce document présenté au Parlement cette semaine, une partie des excédents du FPSPP serviront à alléger les dépenses de l'Etat en matière de formation professionnelle. Les discussions du comité de pilotage CTP-CRP présidé par le secrétaire d’Etat à l’Emploi Laurent Wauquiez, jeudi 8 juillet, ont été tendues. Une réunion devrait se tenir la semaine prochaine à Bercy avec les partenaires sociaux pour tenter d'arrondir les angles.

 

Des dispositifs plus efficaces que l'accompagnement classique

Les taux de sortie de ces dispositifs sont plutôt bons. 60% des bénéficiaires du CTP trouvent un emploi durable (CDI, CDD ou contrat de travail temporaire de plus de six mois ou travail indépendant) d'après une étude de la Dares (ministère du Travail) publiée en octobre 2009, avec un taux de reclassement durable de 45%. Le gouvernement compte réaliser une nouvelle étude auprès des entrants de 2009 et du premier semestre 2010 destinée à analyser les conditions de retour vers l'emploi des bénéficiaires de ces deux dispositifs. Une enquête dont les résultats doivent être diffusés le 23 juillet 2010. Autres points positifs de ces dispositifs relevés par le COE dans son rapport : les personnes suivies en CTP bénéficient d'un accès facilité à la formation grâce à la multiplicité des organismes participant à son financement (organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), Etat, par l'intermédiaire de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), Pôle emploi, conseils régionaux) et les procédures de validation des formations par les OPCA sont généralement très rapides (moins de huit jours). Enfin les deux dispositifs paraissent plus efficaces que l'accompagnement classique. Mais des questions restent toutefois en suspens. La nécessité de fusionner les deux dispositifs est toujours en question, tout comme leur extension à l'ensemble des licenciés économiques, voire à certains salariés en fin de CDD ou de mission d'intérim, comme cela va être testé sur certains bassins d'emploi, et la question de l'évaluation de ces dispositifs. "Dans l'état actuel des choses, nous avons une vue très lacunaire de l'efficacité respective de chaque dispositif en matière de retour à l'emploi notamment, et, a fortiori, de leur rapport coûts/avantages", indique ainsi le COE.

 

"L'engagement des régions est indispensable"

Plusieurs pistes d'amélioration sont toutefois avancées dans le rapport. Il préconise ainsi d'améliorer le suivi à partir "d'un contrat conclu avec le demandeur d'emploi" et sur la base d'un "diagnostic personnalisé permettant d'établir les difficultés du demandeur d'emploi d'accéder à un emploi pérenne", et de choisir, pour ces dispositifs, et concernant les missions des opérateurs privés, entre une logique de moyens et une logique de résultats. "Cette dernière apparaissant comme devant être privilégiée", il faut "reconnaître aux opérateurs toute la souplesse compatible avec la performance en matière de retour à l'emploi des bénéficiaires", détaille le rapport, qui estime également qu'il faut procéder à une véritable évaluation des dispositifs et "mettre en place un système d'information statistique sur les dispositifs d'aide au reclassement, notamment les congés de reclassement et les congés de mobilité pour lesquels il n'existe aucune remontée d'information". Plus généralement le COE estime qu'il est nécessaire, au-delà de la CRP et du CTP, de "mieux individualiser le service (orientation, formation, accompagnement) offert à chaque demandeur d'emploi par Pôle emploi". Dans un autre rapport intitulé "Le CTP et la CRP : évaluation d'une approche systémique de l'accompagnement pour le retour durable à l'emploi des personnes licenciées pour motif économique", Philippe Dole, inspecteur général des affaires sociales, avance d'autres propositions détaillées pour améliorer les dispositifs. En matière de management et de gouvernance, notamment, il estime nécessaire que les préfets, partenaires sociaux et élus soient impliqués dans le pilotage au plan territorial des deux dispositifs, et que la coordination entre financeurs (Etat, OPCA, Pôle emploi, régions) soit davantage développée "pour une cohérence territoriale propice à la continuité des parcours et la mobilisation de l'appareil de formation", précise le rapport tout en insistant sur le rôle des régions : "L'engagement des régions est indispensable au regard de leurs compétences économiques et de formation professionnelle et notamment quant à la continuité des parcours longs de formation et de reconversion".
Emilie Zapalski 

 

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