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Congrès de l'ADF - Les départements presque à l'unisson pour faire entendre leurs exigences

Dans l'attente de la venue du Premier ministre ce vendredi à Marseille, les présidents de département ont ouvert leur 87e congrès ce 19 octobre par le rappel des grands sujets qui pèsent aujourd’hui sur les collectivités départementales, à commencer par le financement des allocations individuelles de solidarité mais aussi, désormais, la prise en charge des mineurs non accompagnés. Une motion commune a été adoptée en ce sens.

Que l'Etat "résolve, de manière pérenne, la problématique du financement des trois allocations individuelles de solidarité", "assure le financement de l''évaluation de la minorité jusqu'à la mise à l'abri des jeunes non accompagnés arrivant sur le territoire national", "respecte la libre administration des collectivités" et "reconnaisse la remarquable capacité d'innovation des départements en assouplissant la loi Notre et en ouvrant davantage le recours à l'expérimentation sans remettre en cause l'équilibre territorial institutionnel". Les grands items de la motion commune préparée par le bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF) en préambule au 87e congrès des départements avaient d'emblée posé les jalons des prises de paroles qui ont marqué, ce 19 octobre à Marseille, la première journée de ce rendez-vous annuel. Le fait même que les deux groupes politiques de l'ADF soient parvenus à s'entendre sur un texte commun étant en soit un élément notable – dans le passé, la chose avait rarement été possible. La nouvelle configuration politique nationale y est naturellement pour beaucoup.
L'ensemble des présidents de département attendaient en tout cas avec impatience la venue, annoncée pour ce vendredi 20 octobre, du Premier ministre Edouard Philippe. En comptant sur "des réponses très claires", a prévenu Dominique Bussereau, le président de l'ADF. Des annonces, principalement, sur deux points : l'ouverture effective de négociations "sérieuses" sur le financement des allocations individuelles de solidarité d'une part, le dossier des mineurs non accompagnés d'autre part. L'ADF, on le sait, en fait une condition sine qua non avant toute contractualisation entre l'Etat et les départements quant à la maîtrise des dépenses des collectivités (voir ci-dessous notre article du 26 septembre). "Comment pourrait-on contractualiser avec quelqu'un qui a une dette envers nous ? Il faut d'abord épurer la dette", a jugé Hermeline Malherbe, présidente des Pyrénées-Orientales.
Ces contrats entre l'Etat et les 319 plus grandes collectivités, dont l'ensemble des départements, ont d'ailleurs suscité pas mal d'interrogations. "L'instauration d'un taux directeur unique, que celui-ci soit de 1,2% ou de 1,4%, est en soi inacceptable", a par exemple résumé André Viola, le président du groupe de gauche, son collègue de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, jugeant pour sa part difficile d'envisager un contrat au moment où sera par ailleurs imposée une règle d'or renforcée. Le président du Sénat, Gérard Larcher, venu à Marseille, s'est lui aussi exprimé là-dessus : "1,2% me paraît peu réaliste et il faudra en tout cas tenir compte de la diversité des situations".

Reconduire le fonds d'urgence

Sur les AIS, il est clair que des nuances sont encore présentes entre les élus – entre ceux qui continuent de souhaiter une recentralisation du RSA (ou qui, du moins, insistent avant tout sur la dimension "solidarité nationale" de la prestation) et ceux qui demandent désormais uniquement une solution sur le reste à charge, faisant entre autres valoir, à l'instar de Jean-René Lecerf, le président du Nord, que les départements "sont les mieux placés pour faire jouer le volontarisme de la remise à l'emploi" des allocataires (voir ci-dessous notre article du 11 octobre). D'où, probablement, une formulation quelque peu complexe dans la motion de l'ADF, avec la demande d'une "correction verticale des iniquités existantes quant au poids du reste à charge pour chaque département".
A l'unanimité, sur le court terme, tous demandent la reconduction du fonds d'urgence, qui s'était élevé à 200 millions d'euros pour cette année. A défaut de projet de loi de finances rectificative, l'ADF demande la budgétisation d'un fonds d'un montant au moins équivalent dans le projet de loi de finances. "Il n'y aura pas de discussion s'il n'y a pas de fonds d'urgence", a prévenu Pierre Camani, le président du Lot-et-Garonne, qui anime au sein de l'ADF un groupe de travail spécifique sur les départements ruraux les plus en difficulté. Et ce même si, à terme, l'objectif reste bien de "sortir de la logique des fonds d'urgence" et de trouver une formule pérenne de financement des allocations. En partant notamment de la proposition Dagbert-Lecerf visant à créer une dotation versée par l'Etat aux départements dont le reste à charge par habitant serait supérieur à la moyenne nationale.
La priorité serait donc un renforcement de la péréquation verticale, même si certains avancent que la péréquation horizontale, notamment sur les droits de mutation, pourrait elle aussi être accentuée. Ils attendent par ailleurs l'obtention d'une part de CSG, sur le modèle de la part de TVA qui sera transférée aux régions. Le consultant en finances locales Michel Klopfer les a d'ailleurs alertés sur le fait que "les 4 milliards de TVA aux régions seront insérés dans une enveloppe globale qui ne progressera que de 0,5%, ce qui va impliquer des baisses de dotations pour les autres niveaux de collectivités".

Mineurs non accompagnés : vers une solution satisfaisante ?

Intervenant ce jeudi après-midi à l'issue de la table ronde consacrée aux finances, Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires, a d'emblée prévenu qu'il ne pouvait déflorer ce que le chef du gouvernement viendra dire aux élus départementaux. Ni sur les AIS, ni sur l'autre grand sujet qui a pris une ampleur inédite cette année, celui des mineurs non accompagnés (MNA). De 19.200 fin 2016, leur nombre devrait atteindre 25.000 fin 2017 et leur prise en charge représente, selon l'ADF, un coût annuel d'un milliard d'euros pour les départements. Un dossier qui relève, selon eux, de la politique nationale de l'immigration dont la charge doit être assumée par l'Etat.
Là-dessus, c'est Edouard Philippe qui, le matin même sur Public Sénat, a quelque peu dévoilé les choses. Les départements "ont raison, il faut qu'on trouve une solution, parce qu'on ne peut pas les laisser dans cette situation qui s'accroît", a-t-il reconnu. "Il faut que nous permettions aux départements de de [mener à bien] ce qui relève explicitement de leurs compétences et que l'Etat prenne à sa charge des choses qui relèvent de compétences plus régaliennes, c'est-à-dire d'une capacité à décider notamment de la majorité ou de la minorité" des jeunes étrangers arrivés en France, a-t-il expliqué. "Je dirai (vendredi) les conditions dans lesquelles nous voulons mettre en oeuvre ces mesures", a poursuivi Edouard Philippe, en assurant : "Je pense que nous trouverons des solutions qui sont conformes à ce que souhaitent les départements."

Jacques Mézard : "Un moment de stabilité"

Jacques Mézard est pour sa part surtout revenu sur les enjeux institutionnels liés aux départements, en commençant par rappeler qu'il avait, en tant que sénateur, été de ceux qui ont "mené bataille pour que les conseils départementaux existent encore". De ceux, aussi, qui avaient combattu la carte des grandes régions conçue par le précédent gouvernement. L'idée est bien aujourd'hui de bénéficier d'un "moment de stabilité" institutionnelle et de ne "pas revivre de big bang"… cas du Grand Paris mis à part. L'idée de fusionner certains départements ne sera pas imposée, pas plus que ne seront imposées d'éventuelles fusions entre métropoles et départements, a insisté le ministre.
Tout au long de la journée, la notion de cohésion des territoires avait en tout cas été très présente dans les interventions des élus, qui y voient le sens même de la plupart des politiques départementales. "Derrière la cohésion des territoires se cache autre chose qu'une enveloppe budgétaire à raboter (…). Les départements réinvestissent les zones blanches des services publics", devait ainsi lancer André Viola. Son nouvel homologue du groupe DCI (droite, centre, indépendants) de l'ADF, François Sauvadet, qui succède à Benoît Huré (lequel abandonne son mandat de président des Ardennes pour conserver celui de sénateur), a lui aussi insisté sur la nécessité de "réintroduire la notion d'aménagement du territoire".