Les départements réclament un fonds de soutien pour les plus fragiles d'entre eux

Lors d'un entretien ce 29 septembre avec la Première ministre, François Sauvadet, le président de Départements de France, exposera la situation sensible financièrement de douze à quinze départements et sollicitera sans doute une aide de l'État.

La situation financière des départements est "préoccupante", s'alarme François Sauvadet, le président de Départements de France (DF). D'un côté, leurs dépenses connaissent une vive augmentation, notamment du fait de décisions de l'État. DF a fait le bilan : depuis février 2022, ce sont 2,5 milliards d’euros annuels de dépenses supplémentaires que l’État "a imposé" aux départements. D'un autre côté, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) enregistrent un recul brutal, en lien avec la conjoncture du marché immobilier. Selon DF, ils étaient en repli de 18% à fin août 2023 (par rapport à la même époque de 2022). Or, le produit de cette taxe représente en moyenne 20% des recettes de fonctionnement des départements. Dans le même temps, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit le gel en euros courants de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements. Ce qui signifie qu'en tenant compte de l'inflation, cette dernière sera en réduction.

Ces évolutions simultanées donnent lieu à "un effet ciseaux dangereux pour les départements", qui est "potentiellement fatal pour les 12 à 15 départements déjà en grande difficulté", alerte DF.

François Sauvadet brossera ce tableau, au cours d'un entretien ce 29 septembre avec la Première ministre, Élisabeth Borne. Une entrevue qui devrait permettre aussi d'aborder les solutions à mettre en place pour les départements les plus fragiles financièrement. La commission des finances de DF travaille depuis plusieurs mois à leur mise au point, en relation avec les services de l'État.

Réserve de 60 millions d'euros

Les présidents de département ont d'abord estimé qu'ils se devaient, dans la conjoncture actuelle, d'utiliser les marges de manœuvre dont ils disposent. Ils ont en particulier opté pour que l'intégralité des recettes alimentant le fonds national des DMTO en 2023, à savoir 1,91 milliard d'euros - un montant élevé, du fait de la bonne tenue des DMTO l'an dernier -, soit répartie entre les 70 départements "bénéficiaires nets". Un scénario prévoyant qu'aucun euro n'est mis en réserve en 2023, et que le comité des finances locales (CFL) - à qui revient la décision sur ce dispositif - a logiquement retenu (voir notre article du 13 juillet).

Pour DF, il existe d'ores et déjà, aussi, un second levier : le fonds de sauvegarde, qui a été constitué à l'occasion du remplacement, dans le panier fiscal des départements, de la taxe sur le foncier bâti par de la TVA. Depuis 2022, ce fonds de sauvegarde est alimenté par la croissance d'une part fixe de TVA de 250 millions d'euros. D'un montant prévisionnel de 59 millions d'euros pour 2023, il a vocation à "être mobilisé, le cas échéant, pour aider les départements confrontés à une dégradation soudaine de leur équilibre financier", indiquait, en mars 2020, le ministère de la Cohésion des territoires, dans une réponse à la question écrite d'un sénateur.

Pour DF, la conjoncture actuelle doit conduire à utiliser ce mécanisme, à condition que les critères sur lesquels il repose aujourd'hui, soient modifiés. Certains des critères définissant les départements éligibles, comme la condition d'une "forte baisse des DMTO", ne seraient pas pertinents. DF propose que l'éligibilité au fonds de sauvegarde s'appuie, à l'avenir, essentiellement sur trois critères, détaille Nicolas Fricoteaux, président du département de l'Aisne et vice-président de la commission des finances de l'association : le taux d'épargne brute, le revenu par habitant et le reste à charge en ce qui concerne les allocations individuelles de solidarité (AIS) et l’hébergement dans les établissements relevant de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Sur de telles bases, une dizaine de départements bénéficieraient du fonds de sauvegarde. Parmi eux, on trouverait certains des départements les plus ruraux : les Ardennes, l’Aisne ou encore la Meuse. Si le gouvernement entérine ces premières propositions, DF s'attèlera à déterminer de nouveaux critères de répartition du fonds de sauvegarde.

Fonds de soutien

Mais, selon les présidents de département, le dispositif est insuffisant et l'État doit accorder une rallonge. "Nous avons demandé que l'État abonde du même montant ce financement" - autrement dit près de 60 millions d'euros -, révèle Valérie Simonet, présidente du département de la Creuse. L'enveloppe supplémentaire devrait, selon DF, permettre de constituer un "fonds de soutien." Les critères d'éligibilité et de répartition du dispositif seraient identiques à ceux du fonds de sauvegarde.

Dans l'entourage de la Première ministre, on se montre plutôt ouvert sur l'évolution du fonctionnement du fonds de sauvegarde : "Si les critères ne sont pas les bons, il faut en tirer les conséquences", dit-on sobrement, en mettant en avant l'utilité d'un "travail collectif avec les départements". En revanche, Matignon ne semble pas se laisser convaincre facilement de la nécessité d'une aide de l'État. "La démarche consistant à faire un chèque ne peut pas être pérenne. Il y a un fonds qui existe : l'idée, c'est plutôt de mobiliser le fonds de sauvegarde, on est plutôt sur cette vue", déclare la Rue de Varenne.

Mais les négociations entre DF et le gouvernement, qui devraient s'intensifier probablement à l'approche des Assises nationales des départements – qui se tiendront du 8 au 10 novembre à Strasbourg – sont encore longues.

 

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