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Réforme des collectivités - Les députés s'apprêtent à franchir l'avant-dernière étape

Les jeux sont presque faits : l'Assemblée doit en principe procéder, ce 28 septembre, au vote en deuxième lecture du projet de réforme des collectivités, dans une version très proche de sa première lecture. Ne restera plus ensuite que la commission mixte paritaire, attendue à la mi-octobre.

Sauf énorme surprise, les députés devraient, ce 28 septembre, adopter solennellement en seconde lecture le projet de réforme des collectivités territoriales. Si la majorité UMP est plus large à l'Assemblée qu'au Sénat, il n'est pas impossible que, comme au mois de juin lors de la première lecture, les abstentionnistes soient nombreux dans les rangs du groupe majoritaire et du Nouveau Centre. En outre, certains élus UMP ont déjà annoncé qu'ils voteraient contre la réforme – ils avaient été huit à le faire à l'issue de la première lecture. D'autant que la version soumise au vote des députés est très proche de celle sur laquelle ils avaient eu à se prononcer à la fin du printemps. On se souvient qu'ensuite, début juillet, le Sénat avait vidé le texte de ses dispositions concernant le mode de scrutin pour l'élection du conseiller territorial, le schéma de répartition des compétences des collectivités et les règles de cofinancement. Les députés n'ont pas eu peur d'engager le bras de fer avec la Haute Assemblée en rétablissant ces dispositions, le 8 septembre, en commission.

A la faveur d'un amendement gouvernemental, le mode de scrutin du conseiller territorial est donc redevenu le scrutin majoritaire à deux tours, qui est aujourd'hui celui des conseillers généraux. Un choix que les présidents de conseil régional accusent de conduire à la "cantonalisation" de la région. En clair, le conseiller territorial n'aurait que pour seul souci les affaires de son canton, se désintéressant du niveau régional ou ne s'intéressant à lui que pour solliciter des subventions au profit de son canton. Cet argument a "choqué" le rapporteur, Dominique Perben, et le ministre en charge de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier. Lors des débats en séance, le 16 septembre, tous deux ont défendu un mode de scrutin qui n'est selon eux pas incompatible avec une certaine vision régionale et qui aura de surcroît pour avantage de donner à la région "une réalité qu'elle n'a pas aujourd'hui [en] l'enracinant dans des territoires".

En outre, par amendement du rapporteur, les députés n'ont pas hésité à réintroduire, quasiment tel qu'il avait été voté en première lecture, le dispositif concernant la répartition des compétences. Celui-ci était passé à la trappe au Sénat, l'idée étant que le sujet devait être abordé dans une loi spécifique. Pour l'essentiel, le texte qui devrait être adopté ce 28 septembre prévoit que les départements et les régions exercent des compétences qui leur ont été attribuées à titre exclusif par la loi. Les deux collectivités ne disposent donc plus de la clause générale de compétence. Toutefois, elles peuvent, par "délibération spécialement motivée", se saisir de tout sujet "pour lequel la loi n'a donné compétence à aucune autre personne publique". De plus, le sport, le tourisme et la culture restent des compétences partagées.

Tractations intenses

A la demande des députés centristes, un "comité de suivi" présidé par un élu local sera créé avant fin 2014 afin de procéder à l'évaluation de la mise en oeuvre du dispositif. Le gouvernement soutient que, loin de favoriser l'uniformité, celui-ci sera au contraire souple : en séance, Michel Mercier a qualifié d'"innovation fondamentale" la possibilité qu'auront les conseillers territoriaux d'organiser les compétences entre l'institution départementale et l'institution régionale. "Nous n'aurons pas le même système dans toutes les régions françaises. Cela permet de prendre en compte la diversité des situations. […] Ce sera un vrai progrès", a souligné le ministre. Le conseiller territorial sera "la clé de voûte" du nouveau système, a affirmé pour sa part le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux.

Sur les métropoles aussi, les députés sont revenus aux dispositions antérieures, avec toutefois une nuance. Le rapporteur a dû céder face au tir d'artillerie venant de toutes parts pour s'opposer au transfert au nouvel EPCI de la taxe foncière des communes, un dispositif qu'il avait conçu. Le rapporteur s'est défendu en affirmant qu'il était indispensable d'unifier les taux de cette taxe entre les communes d'une même agglomération, afin d'"éviter les distorsions dans leur développement". Les partisans de l'"autonomie" des communes l'ont finalement emporté.

Ces mêmes députés, notamment Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), restent en revanche inquiets concernant la possibilité qu'auront les communes, à la majorité des deux tiers, de décider la création de communes nouvelles. Selon eux, le principe de l'unanimité serait plus respectueux des communes. Le président de l'AMF espère que la commission mixte paritaire, qui se réunira en octobre (il "se murmure" pour le moment à l'Assemblée que "sous toutes réserves", cette réunion aurait lieu le 13 octobre), optera finalement pour cette règle. A ce moment-là, les tractations seront intenses. D'autant plus que plusieurs associations d'élus ont saisi le gouvernement dans l'espoir d'ultimes retouches, notamment sur la question du cofinancement (voir nos articles ci-contre). Et l'on peut imaginer, à l'instar de Bernard Derosier, député et président du conseil général du Nord, que les députés ont choisi volontairement de revenir intégralement à "leur" version du texte, pour faire plus facilement, au moment final, des concessions vis-à-vis des sénateurs.
 

Thomas Beurey / Projets publics
 

Seconde lecture à l'Assemblée : les nouvelles dispositions

Conseillers territoriaux
- Ils sont élus au scrutin majoritaire à deux tours dans le cadre du canton et non du "territoire", terme qui disparaît. Ils sont renouvelables intégralement tous les six ans.
- L'accès au second tour est réservé aux candidats ayant recueilli 12,5 % des inscrits au premier tour.
- Un amendement gouvernemental modifie le nombre de conseillers territoriaux dans six régions.
- La qualité de chef-lieu de canton est maintenue aux communes qui la possèdent aujourd'hui.

Clarification des compétences
- L'article 35 a été repris dans sa forme votée en première lecture à l'Assemblée nationale. Une exception à la limitation des cofinancements est ajoutée. Elle concerne "les projets d'investissements destinés à réparer les conséquences d'une calamité publique".
- Un comité créé avant fin 2014 sera chargé d'évaluer la mise en oeuvre du nouveau dispositif relatif aux compétences des collectivités. Il proposera "les mesures d'adaptation" qu'il jugera nécessaires.

Intercommunalité
- La date d'achèvement de la carte intercommunale est fixée non plus au 1er mars, mais au 30 juin 2013.
- Un amendement précise que la commission locale d'évaluation des transferts de charges est créée par le conseil communautaire qui en détermine la composition à la majorité des deux tiers.
- La réforme du cumul des mandats est ajournée. Elle a paru "prématurée" à Michel Piron, auteur de l'amendement.
- Les incompatibilités de fonctions entre élus et responsables de cabinets d'élus à l'échelon de l'intercommunalité ont été réintroduites.

Communes nouvelles
- La consultation des électeurs n'est plus automatique. Une commune nouvelle peut être créée à la demande des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres d'un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, représentant plus des deux tiers de la population totale (dans la version adoptée par le Sénat, il fallait l'accord de toutes les communes).

Métropoles
- L'intérêt métropolitain est défini à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole (contre la majorité simple auparavant).
- Le transfert à la métropole de la taxe foncière des communes disparaît.