Archives

Open data - Les députés unanimes sur le principe de gratuité des données publiques

Les députés viennent d'adopter, en première lecture, le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public déposé fin juillet par Clotilde Valter, la secrétaire d'Etat chargée de la réforme de l'Etat et de la simplification. Ce texte, qui transpose dans le droit français la directive européenne 2013/37/UE, devrait préciser les modalités marchandes et non marchandes de réutilisation des informations publiques tout en instituant des gardes fous sur leur éventuelle exploitation commerciale.

Simplifier l'accès aux données publiques en vue de leur réutilisation

La liberté d'accès des citoyens et des personnes morales aux documents publics est garantie depuis 1978 par la loi Cada (1). Cette liberté est étendue dès l'article "1er B" du nouveau texte, qui institue une "mise à disposition sous forme électronique" de l'information publique, si possible dans un "standard ouvert et aisément réutilisable, c'est-à-dire lisible par une machine". Au-delà de l'accès, ce sont les modalités de la réutilisation des données publiques qui motivent ce texte. Alors que la directive européenne n'impose qu'un plafonnement du montant des redevances pour la réutilisation des informations publiques, le projet de loi va plus loin en instituant un principe général de gratuité (article 3). Les députés présents lors des débats ont largement salué l'ambition du texte en matière d'open data public et nombre d'amendements retenus sont venus renforcer les dispositions en faveur d'une plus grande transparence des administrations publiques.

Gratuité comme principe de base, mais avec maintien de certaines redevances

Les limitations apportées au principe de gratuité (article 3) ont fait l'objet de débats au sein de l'hémicycle, certains députés souhaitant limiter plus fortement le nombre des exceptions. Sur ce point, le gouvernement a maintenu le cap, dans la mesure où la gratuité intégrale poserait la question des compensations liées aux pertes de recettes des administrations nationales et locales. C'est pourquoi, par réalisme budgétaire, certaines catégories d'administration – dont la liste, révisée tous les 5 ans, sera fixée par décret – et notamment celles qui sont tenues de couvrir par des recettes propres "une part substantielle" des coûts liés à "l'accomplissement de leurs missions de service public " (Insee, IGN), pourront établir une redevance. Par ailleurs, les bibliothèques, les musées et les archives auront également la possibilité d'instituer une redevance pour la réutilisation de leurs fonds et de leurs collections numérisés. Un décret viendra ultérieurement préciser la liste des informations ou catégories d'informations produites par l'Etat, éligibles au paiement d'une redevance. Le texte précise également les modalités de calcul de cette redevance selon des "critères objectifs, transparents, vérifiables et non discriminatoires". Ainsi, le montant ne pourra dépasser le coût réel de production et de mise à disposition des données, c'est à dire les dépenses liées "à la collecte, à la production, à la mise à la disposition du public ou à la diffusion de leurs informations publiques". Le choix a été fait, par amendement, d'en réviser le montant tous les 5 ans. Par ailleurs, les conditions de réutilisation des données, le montant des redevances ainsi que les "bases de calcul" retenues devront être rendus publics (article 5).

Limitation des périodes d'exploitation exclusives

Au delà des redevances, le projet de loi vise à instituer des règles de protection, notamment, sur le patrimoine culturel immatériel. Ainsi, les périodes d'exclusivité délivrées par la puissance publique pour l'exploitation des fonds par des fournisseurs seront désormais limitées à 10 ans et devront être réexaminées tous les 3 ans (article 2). Une dérogation sera possible pour les jeux de données culturelles pour lesquels l'amortissement des investissements est souvent plus long. La période d'exclusivité, initialement non limitée, a été réduite par amendement à 15 ans et devra faire l'objet d'un réexamen au cours de la 11e, puis de la 13e année. Cette limitation ne s'appliquera cependant pas aux accords conclus entre plusieurs personnes publiques. Ces derniers seront réévalués une première fois au cours de la 11e année puis ensuite à intervalles réguliers de sept années. Un amendement a  également été voté afin de rendre la procédure d'octroi plus transparente. Il imposera aux administrations la publication, dans un format électronique, de leurs accords d'exclusivité (et de leurs avenants), des critères retenus ainsi que des conditions générales de leur négociation. Certains députés estimant cet amendement trop imprécis ont toutefois souhaité – sans le remettre en cause – qu'il soit plus étayé au cours de la navette parlementaire. Les administrations concernées se verront par ailleurs remettre gratuitement par les bénéficiaires de ces accords, dans un format ouvert et librement réutilisable, une copie des ressources numérisées et des données associées pour lesquelles elles ont accordé un droit d'exclusivité. Les textes précisant les conditions de la signature d'accords d'exclusivité, notamment en contrepartie de prestations de numérisation des fonds par des acteurs privés, sont notamment destinés à instituer des barrières de protection plus solides. On se souvient notamment du partenariat signé en 2008 par la bibliothèque de Lyon avec Google (comme beaucoup d'autres bibliothèques dans les pays européens). Les conditions imposées par l'opérateur américain, en contrepartie d'une numérisation gratuite des fonds anciens, avaient en effet suscité une vive polémique sur les zones d'ombre autour de cet accord. Le projet de loi entend instituer un principe de clarté et établir de nouveaux gardes fous plus restrictifs sur la durée des accords et sur la transparence des conditions générales établies entre les parties. Au final, un texte dont les députés ont salué la nature consensuelle puisqu'ils l'ont adopté, dans sa forme amendée, à l'unanimité.

Philippe Parmantier / EVS

(1) Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.
 

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis