Réindustrialisation - Les Français favorables à un protectionnisme européen
"C'est en France que l'attention à l'origine nationale d'un produit est la plus significative chez le consommateur", révèle une étude de l'institut Ifop pour la fondation Jean-Jaurès. Pour 27% des Français, l'origine du produit est le critère qui compte le plus lors de leur achat, soit davantage qu'aux Etats-Unis (25%) ou en Espagne (14%). L'écart est encore plus saisissant avec les deux grandes puissances émergentes que sont la Chine et le Brésil (9%), ou encore les Pays-Bas (8%). Et 92% des Français considèrent comme important le fait d'indiquer l'origine du produit. Cette appétence pour les produits nationaux prime sur les considérations environnementales...
"Ceci constitue déjà un élément encourageant pour les tenants d'une politique de promotion du made in France", analyse le directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise de l'Ifop, Jérôme Fourquet, auteur de cette étude. Alors que la plupart des candidats à l'élection présidentielle se sont emparés du thème de la réindustrialisation, ce résultat a de quoi les conforter dans leur choix. Il intéressera aussi les nombreuses collectivités qui ont décidé de lancer leur propre marque locale (sur le sujet voir ci-contre notre article du 20 décembre 2011 : "Fabriqué dans la région", un modèle pour "acheter français").
Environ 500 entreprises ont d'ores et déjà fait part de leur intérêt pour le label "Origine France garantie" créé il y a six mois, dans la foulée des Etats généraux de l'industrie. Mais attention, avertit Jérôme Fourquet, "ce critère ne pourra constituer à lui seul l'axe majeur d'une politique publique de réindustrialisation". Les Français affichent d'ailleurs un certain pessimisme sur la capacité des pouvoirs publics à redresser la situation. Moins d'un Français sur deux pense que la France est encore une grande puissance industrielle. Si une majorité d'entre eux considèrent qu'il est encore possible de sauver les usines (54%), une forte minorité (46%) est acquise à l'idée qu'elles sont amenées à fermer au profit des pays à bas salaires...
Protectionnisme et TVA sociale
Cette résignation particulièrement prononcée chez les ouvriers (55%) tranche avec la perception des Allemands. Alors que 52% des Français estiment que leur pays est plutôt désarmé pour faire face à la compétitivité mondiale, 65% de leurs voisins pensent au contraire que l'Allemagne est plutôt bien placée. "La désindustrialisation apparaît comme le symptôme et la cause du déclin français", résume Jérôme Fourquet, qui rappelle la perte de 500.000 emplois industriels ces dix dernières années.
Le patriotisme économique des Français s'exprime également à travers le recours au protectionnisme. Faisant le lien entre l'ouverture des frontières et les destructions d'emplois, ils sont favorables à 65% à ce que l'on augmente les taxes sur les produits importés en provenance de pays comme la Chine ou l'Inde. Une vision qui transcende les clivages politiques. Mais les Français pensent que l'Europe est mieux à même que l'Etat pour mener cette politique : 80% d'entre eux envisageraient des tarifs douaniers aux frontières de l'Europe plutôt qu'aux frontières nationales (20%).
Cette demande de protectionnisme est largement partagée par les autres pays européens : elle touche 67% des Italiens, 61% des Allemands et 60% des Espagnols... La Commission européenne, qui avance à pas de loup sur le chemin de la politique industrielle, a de quoi méditer.
En revanche, l'idée souvent évoquée de TVA sociale ou taxe anti-délocalisation a encore du mal à passer. Elle ne recueille que 36% d'opinions favorables. "Si cette mesure visant à faire payer une partie du coût de notre protection sociale par les importations et à diminuer le coût du travail en France peut sembler intellectuellement séduisante, elle ne passe pas dans l'opinion publique, très sensible à la question du pouvoir d'achat", analyse Jérôme Fourquet.