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PLFSS 2017 - Les gîtes ruraux victimes collatérales de l'encadrement d'Airbnb ?

Pour la Fédération nationale des Gîtes de France, "l'intention était bonne". Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le gouvernement avait prévu de mieux encadrer l'économie collaborative, en particulier dans la location de meublés. Il avait ainsi fixé à 23.000 euros le seuil de revenus annuels obligeant les propriétaires louant leur appartement à se déclarer en travailleur indépendant, et donc à cotiser au RSI… Un seuil assez élevé pour ne pas léser les personnes qui se constituent par ce biais un petit pécule. En effet, comme le rappelle Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au Budget, cela représente pas moins de 230 nuitées à 100 euros. Ce qui n'est pas négligeable. En comparaison, le revenu moyen généré par Airnb en France s'élève à 300 euros par mois, soit 3.600 par an, bien moins que le seuil proposé. Il s'agissait, par ce moyen, de lutter contre la concurrence déloyale à l'encontre des chambres d'hôtes, des gîtes, et bien sûr des hôtels qui, comme hier les taxis avec Uber, voient d'un mauvais œil l'arrivée sur leur marché de professionnels déguisés qui échappent à toutes cotisations. Seulement, le 16 novembre, les sénateurs ont abaissé ce seuil à 15.691 euros au lieu de 23.000. Ce qui a conduit la Fédération des gîtes à sortir de ses gonds. Car la loi ne fait pas le distinguo entre les propriétaires de gîtes et ces particuliers exerçant une activité dissimulée. Aujourd'hui, les propriétaires de gîtes ont le statut de loueur de meublé de tourisme et doivent se déclarer en mairie. Ils sont soit professionnels soit non-professionnels, la frontière étant un seuil de recettes annuelles de 23.000 euros, le même que celui prévu dans le PLFSS. Or 90% d'entre eux pratiquent cette activité en tant que non-professionnels. Ils relèvent du régime de droit commun des micros entreprises (BIC) pour la déclaration de leurs revenus. Leurs hébergements sont soumis à la taxe foncière, taxe d'habitation, taxe de séjour, redevance télévisuelle.

Désertion fiscale

Mais demain, en cas de dépassement du seuil, ils seraient contraints de payer des cotisations sociales et de s'affilier au RSI. "Il risquent d'être les victimes collatérales d'un arsenal et fiscal qui ne leur est pas destiné" et seraient "vite découragés, voire dissuadés de poursuivre leurs activité", s'insurge la fédération qui rappelle que les gîtes sont essentiellement situés à la campagne où ils contribuent au maintien d'un équilibre, avec 2 milliards d'euros de retombées économiques, 474 millions d'euros investis chaque année dans la rénovation du patrimoine rural et près de 468 millions d'euros de recettes fiscales. La sénatrice communiste du Val-de-Marne Laurence Cohen a estimé, lors des discussions au Sénat le 16 novembre, que "la priorité devrait être de soumettre à contribution les plateformes dites 'collaboratives' avant de concerner les particuliers dont nous estimons qu'ils sont plus des salariés de ces plateformes". Car c'est toute l'ambiguïté de cette mesure : si elle fait rentrer dans le giron certaines activités dissimulées, elle touche les particuliers et laisse de côté la question de ces plateformes qui, de Uber à Airbnb, sont des champions de l'optimisation fiscale, pour ne pas dire de la désertion fiscale, et exercent de fortes pressions sur leurs "collaborateurs". En 2015, Airbnb a généré entre 60 millions et 160 millions d'euros de chiffre d'affaires, a rappelé Laurence Cohen, alors qu'elle n'a déclaré que 4,9 millions d'euros et acquitté seulement 69.000 euros d'impôt ! Car les contrats sont conclus avec Airbnb Ireland et non en France. "La valeur boursière d'Airbnb avoisinerait 30 milliards de dollars, soit deux fois plus que les hôtels Accor et leurs 500.000 chambres", a aussi fait valoir la sénatrice.
En retour, le secrétaire d'Etat s'est dit favorable à un retour au seuil des 23.000 euros à l'Assemblée. Il a aussi assuré être en mesure de "demander à certaines plateformes quels sont leurs utilisateurs qui dépassent un certain niveau de revenu". "Nous le faisons. Je n'en parlerai pas plus, mais, pour le dire pudiquement, des vérifications sont en cours."
 

 

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