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Réforme des collectivités - Les grandes métropoles préparent déjà leurs nouveaux atours

En région, les plus grandes agglomérations françaises s'organisent déjà en vue de la réforme des collectivités devant donner un statut à la métropole de demain. Mais elles suivent, à l'inverse du Grand Paris, des processus plus lents et plus autonomes. Détour par Lyon, Bordeaux et Marseille.

Le Sénat examinera à partir du 18 janvier 2010 le projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales, qui prévoit notamment la création d'ici à 2014 d'une poignée de métropoles, des agglomérations à statut particulier. Des agglomérations dont la liste sera fonction des critères exacts qui seront finalement retenus dans le texte que la commission des lois du Sénat a déjà commencé à examiner. Sont a priori concernées celles de Lille, Bordeaux, Lyon, Marseille, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg – et peut-être celles de Montpellier, Rouen, Toulon, Rennes... Objectif affiché du gouvernement : mettre en œuvre des politiques publiques intégrées pour répondre à "la montée en puissance de l'urbain" et positionner ces métropoles dans "la compétition entre les grandes agglomérations, européennes ou internationales".
Ces structures seront des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), "regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 450.000 habitants" dotés de "compétences élargies en matière de développement économique, d'urbanisme, d'habitat, de transport et d'infrastructures, d'éducation, dont certaines par transfert des départements et des régions". Le projet de loi propose aussi, au-delà de ce statut de métropole, "qui ne concernera qu'un nombre limité de grandes agglomérations", l'instauration de pôles métropolitains pour favoriser la coopération entre EPCI existants, en réponse à la revendication de territoires tels que Metz-Nancy-Epinal-Thionville.

 

Le "grand Monopoly" du Grand Paris ?

Si les grandes métropoles vont devoir se construire sur cette base, le Grand Paris fait un peu bande à part avec un projet de loi spécifique, qui a été adopté par les députés début décembre 2009. Le Grand Paris fait aussi office d'exception pour les polémiques qu'il a provoquées, deux visions très différentes s'opposant dans la conception de ce projet. A savoir, pour simplifier, d'une part une "ville-monde", côté gouvernement, capable de concurrencer les autres grandes métropoles du monde et se focalisant sur l'attractivité et la compétitivité du territoire. Et, d'autre part, la vision défendue par les élus, sans doute davantage centrée sur le bien-être des habitants… Il faut dire que dans ses grandes lignes, le projet du Grand Paris est principalement symbolisé par un métro automatique à grande capacité destiné à relier les grands pôles d'activité comme Roissy, Orly, La Défense et Saclay. Ou comment aiguillonner la croissance de la zone.
Les élus sont aussi très remontés contre un projet qui ne leur laisse pas beaucoup de place. Sur ce sujet, les choses ont un peu évolué après le passage du projet de loi à l'Assemblée nationale : il est maintenant prévu que le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, qui va gérer le projet, soit composé "de représentants de l'Etat, de parlementaires, de représentants de la région d'Ile-de-France et de chaque département de cette région, ainsi que d'un représentant des communes et EPCI compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme dont le territoire est situé sur l'emprise d'un projet d'infrastructure du réseau de transport public du Grand Paris".
Autre difficulté rencontrée par le Grand Paris : les équipes d'architectes qui travaillent sur le projet se sentent mises à l'écart du projet et se montraient jusqu'à peu très opposées au projet de grande boucle de métro, qualifiée de "grand Monopoly".... Nicolas Sarkozy les a rassurées le 15 décembre 2009, leur annonçant la création en janvier 2010 de l'Atelier international du Grand Paris (AIGP), sous la forme d'un groupement d'intérêt public. Une construction du Grand Paris qui se fait donc au prix d'une bataille acharnée entre les différents camps, Etat, collectivités et même architectes...

 

Une métropole "multipolaire"

Les autres métropoles ne rencontrent pas toutes les mêmes difficultés. "Au niveau du Grand Lyon, on n'a pas du tout le même cadre réglementaire car nous n'avons pas de choses imposées du gouvernement, comme le projet de boucle de métro. Nous avons un processus plus lent et plus autonome", explique Arabelle Chambre-Foa, chargée de mission au cabinet du président de la communauté urbaine de Lyon.
Le projet développé par Gérard Collomb, maire de Lyon, vise à créer une "métropole multipolaire". "Les villes qui marcheront demain dans la compétition internationale sont celles qui innoveront, et l'innovation provient de la mise en réseaux des laboratoires avec les entreprises, les universités…", détaille Arabelle Chambre-Foa. Un pôle métropolitain devrait être ainsi créé l'an prochain, avec pour partenaires les villes de Lyon, de Saint-Etienne Métropole et la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (Capi). Prochainement, Vienne pourrait rejoindre le groupe. "L'an dernier, nous avons commencé le dialogue et nous avons mis en place une plateforme de travail, détaille Arabelle Chambre-Foa. En 2010, nous allons signer un protocole d'accord à trois." Avec des intentions ambitieuses : construire une métropole agréable à vivre, densifier les villes et garder les "coupures vertes" (espaces verts ou agricoles) entre les villes… "Les difficultés viendront peut-être plus tard, quand il va falloir faire des choix", estime Arabelle Chambre-Foa. La grande métropole aura quatre champs d'intervention : le développement économique, l'innovation, l'organisation d'événements métropolitains, la construction d'un réseau de transport.

 

"L'étalement urbain est une véritable catastrophe écologique"

Pour Bordeaux, les choix sont assez différents. "Notre idée est de densifier la ville, explique Michel Duchen, adjoint au maire de Bordeaux. Nous sommes favorables à la métropole, mais sur son territoire actuel." Bordeaux ne va donc pas chercher à s'étendre à travers des alliances avec d'autres villes limitrophes. "L'étalement urbain est une véritable catastrophe écologique qui entraîne une utilisation de l'espace insupportable pour les humains", assure Michel Duchen, qui cite en contre-exemple Los Angeles, "une politique urbaine à ne pas suivre".
L'idée est donc de se concentrer sur Bordeaux avec des actions destinées à éviter cet étalement urbain : développer des logements collectifs, des modes de transport circulaires, inciter à densifier les centres bourgs. Côté périmètre, les acteurs locaux visent le million d'habitants, en s'inscrivant dans le schéma de cohérence territoriale (Scot) avec 90 communes. "On ne peut pas imaginer des villes sans fin, il faut donner des limites aux villes et préserver nos espaces naturels", assure Michel Duchen, qui reconnaît toutefois que "c'est peut-être plus facile pour Bordeaux que pour une autre ville car il y a des grandes friches portuaires en cœur de ville…". Pourtant, Marseille, qui bénéficie aussi d'une situation avantageuse, peine à construire son propre projet. L'idée du "Grand Marseille" développée par Renaud Muselier, conseiller municipal UMP, qui s'étendrait d'Avignon à Toulon en passant par les bords de l'étang de Berre, a du mal à prendre. Les cités voisines, qui ont de très fortes identités, craignent de perdre leur indépendance et voient surtout dans le projet une opportunité pour Marseille de renflouer ses caisses avec leur budget. Mais Renaud Muselier veut y croire et s'appuie sur l'expérience réussie en matière de culture, Marseille ayant été choisie comme capitale européenne de la culture pour 2013. Le 30 novembre 2009, son association "Pensons le Grand Marseille" organisait une grande réunion au palais des Congrès de Marseille, rassemblant 800 décideurs pour traiter deux thèmes principaux : les transports et la culture.
Quoi qu'il en soit, certaines de ces grandes métropoles vont être amenées à s'organiser rapidement sur une question bien précise : la police. Brice Hortefeux, le ministre de l'Intérieur, a en effet validé fin novembre les projets de transferts d'unités de gendarmerie vers la police - ou inversement - prévus par les projets d'agglomérations de police de Marseille, Lille et Lyon. Des polices d'agglomérations seront ainsi créées sur le modèle du Grand Paris où le dispositif place la sécurité des 6,4 millions d'habitants et ses trois proches départements sous l'autorité du seul préfet de police de Paris. Une réforme que le ministre de l'Intérieur souhaite voir mise en œuvre dès 2010.

 

Emilie Zapalski
 

 

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