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Développement durable - Les groupes de travail sur l'adaptation au changement climatique en France ont remis leur rapport

Les trois groupes de travail à pied d'œuvre depuis janvier dernier pour préparer le futur plan national d'adaptation au changement climatique ont remis leur rapport à la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, ce 15 juin. Ce document, qui contient un peu plus de 200 recommandations dans des domaines très variés touchant pour la plupart directement les collectivités (biodiversité, ressources en eau, risques naturels, infrastructures de transport, tourisme, urbanisme…) marque la première étape d'une démarche de concertation associant les cinq collèges du Grenelle de l'environnement (élus et collectivités, Etat, employeurs, associations) sous la présidence de Paul Vergès, président de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc). D'autres réunions de concertation vont se tenir outre-mer d'ici la fin juin et dans les régions métropolitaines en septembre-octobre. Une consultation est également prévue sur internet. Fin octobre, une table ronde finale rendra ses arbitrages et la rédaction du plan national prévu par la loi Grenelle 1 sera effectuée en novembre-décembre.

 

Un plan d'adaptation pour 2011

"La France sera le premier pays à se doter d'un plan d'adaptation à objectif 2011", a affirmé Chantal Jouanno. La secrétaire d'Etat à l'Ecologie en a rappelé les enjeux. "Les effets du changement climatique s'observent déjà et ce plan s'inscrit en complément des actions d'atténuation permettant de réduire l'effet de serre prévues par le Grenelle. Il s'agit cette fois d'anticiper les impacts à long terme, notamment tous les enjeux en termes de sécurité (risques d'inondations, de submersion, politique énergétique, santé)."
Le rapport des trois groupes met en avant plusieurs recommandations transversales. En amont de la décision publique, quatre actions apparaissent ainsi prioritaires : le renforcement de la recherche fondamentale et appliquée, "notamment dans la connaissance des aléas, des méthodes d'évaluation des effets directs ou indirects, de la réduction de la vulnérabilité et de la résilience aux événements extrêmes" ; la collecte de données sur le long terme et leur mise à disposition de l'ensemble des acteurs et des territoires ; la mise en place de méthodes d'évaluation permettant de tirer tous les enseignements des épisodes passés (canicule, inondations, incendies, etc.) et la participation des citoyens à l'élaboration de la décision et à sa mise en œuvre. Le rapport invite aussi l'Etat à fixer des valeurs de référence et des scénarios climatiques à prendre en compte pour aider les acteurs à prendre des décisions, notamment sur les investissements de long terme (urbanisation, infrastructures, énergie, secteur forestier, etc.). Il plaide également pour l'organisation rapide d'une réflexion collective permettant de définir la notion de "risque acceptable" jugée déterminante lorsqu'il s'agit par exemple de choisir entre une stratégie de protection et une stratégie de rempli sur le littoral. Il estime aussi nécessaire de mieux distinguer "ce qui relève de la solidarité nationale de ce qui relève de la responsabilisation des individus et des professionnels" et préconise de mener "de manière expérimentale" des politiques prenant en compte l'adaptation dans des zones tests volontaires.
Les groupes de travail sont tombés d'accord sur le fait que certaines mesures dites "sans regret" devront être prises dès maintenant car elles se justifient quel que soit l'ampleur du changement climatique. C'est le cas des décisions prises en matière d'urbanisme : du fait de leurs effets à long terme sur l'aménagement du territoire, l'intégration de la problématique de l'adaptation doit être faite le plus tôt possible. Il en va de même pour les décisions d'investissement dans les infrastructures.
"La politique d'adaptation passera davantage par l'intégration de l'adaptation dans nos politiques actuelles que par la création d'une politique spécifique qui risquerait d'être incohérente", souligne encore le rapport qui insiste sur le fait que cette politique devra être construite à la fois "l'échelle nationale et à l'échelle territoriale".

 

Biodiversité, eau, risques naturels : un renforcement de la prévention

En charge des thématiques de la biodiversité, des ressources en eau, des risques naturels et de la santé, le groupe de travail n°1, présidé par le député du Rhône Michel Havard, a formulé 81 recommandations. Outre la poursuite de la mise en place de la trame verte et bleue et de la stratégie nationale de création d'aires protégées, marines et terrestres, il propose notamment de faire prendre en compte la biodiversité dans les documents d'urbanisme et de constituer un fonds national pour financer des inventaires communaux de la biodiversité et de promouvoir la nature en ville et la gestion différenciée des espaces verts. Il propose aussi d'expérimenter l'adaptation sur des territoires volontaires en trois étapes - réalisation d'un catalogue de mesures favorisant l'adaptation de la biodiversité des territoires, identification des territoires prioritaires et de réseaux de partenaires associés (collectivités, espaces protégés, etc.) et définition d'une démarche contractuelle s'appuyant sur une réglementation adaptée et des financements spécifiques. Face à la raréfaction de la ressource, le rapport appelle à favoriser les économies d'eau dans tous les secteurs et par tous les usagers et à développer des technologies alternatives (gestion active des ressources en eau souterraine, réutilisation des eaux usées, stockage de l'eau, gestion adaptée des eaux pluviales). Le groupe de travail préconise aussi de renforcer la politique actuelle de prévention et de gestion des risques naturels (amélioration de la connaissance des aléas, des méthodes d'évaluation des enjeux, des personnes exposées et de leurs vulnérabilités, généralisation de la prise en compte des risques dans les documents d'urbanisme, révision régulière des plans de prévention des risques et des documents d'urbanisme en fonction de l'évolution des connaissances, évaluation de l'efficacité des ouvrages et mises à niveau de ceux protégeant de l'érosion et de la submersion marine, généralisation des plans communaux de sauvegarde dans les zones vulnérables). Parmi les mesures nouvelles, il recommande de développer des méthodes d'évaluation de l'impact et de l'efficacité des mesures de prévention envisagées pour permettre une analyse coûts bénéfices.

 

Des recommandations pour les secteurs les plus exposés

Le groupe de travail n°2, présidé par le climatologue Jean Jouzel, était chargé de passer en revue les impacts sectoriels du changement climatique (agriculture et forêt, énergie, infrastructures de transport, tourisme, urbanisme et cadre bâti) et a émis une cinquantaine de recommandations. On retiendra la maîtrise de l'évolution de l'usage des terres agricoles, l'optimisation de la consommation d'eau des cultures, le maintien de la biodiversité agricole mais aussi dans le domaine de l'énergie, le fait de garantir que les valeurs de référence utilisées dans les contrats de service public restent bien adaptées dans un contexte de changement de climatique ou la nécessité, en matière d'infrastructures, de passer en revue et d'adapter les référentiels techniques pour la construction, l'entretien, l'exploitation et la sécurité des systèmes de transport. Pour le secteur du tourisme, le groupe de travail préconise la réalisation d'une étude prospective sur la transformation générée par le changement climatique, un état des lieux précis de la vulnérabilité des stations de montagne au manque de neige, les mesures d'adaptation à envisager dans les zones littorales ainsi qu'une actualisation des dispositifs d'alerte lors des événements climatiques extrêmes. En matière d'urbanisme, il recommande d'agir contre le phénomène d'"îlot de chaleur urbain", d'améliorer la prévention des risques d'inondation et de submersion, d'aller plus loin dans le confort d'été des bâtiments (climatisation passive, par exemple), de mieux prendre en compte le comportement des sols et sous-sols en interaction avec le cadre bâti et de manière générale d'intégrer les conséquences du changement climatique dans les documents d'urbanisme.

 

Quelques propositions financières

Enfin, le groupe de travail n°3 présidé par Martial Saddier, député de Haute-Savoie, s'est intéressé aux questions de financement, de gouvernance, d'information, d'éducation et de recherche. Il recommande notamment de mettre en place, lorsqu'elle n'est pas encore prévue, "l'évaluation notamment environnementale des documents de planification qui orientent les choix d'investissement publics et privés (schémas régionaux, documents d'urbanisme, plans climats…) en incluant l'adaptation au changement climatique et l'évaluation préliminaire des risques". Autres préconisations intéressant le monde local : il propose une contribution au financement du recours à l'aide technique spécialisée pour les communes de moins de 10.000 habitants, ainsi que l'intégration de l'adaptation au changement climatique dans les critères d'éligibilité des investissements à des financements publics et privés ou encore l'instauration de financements en faveur de l'adaptation au changement climatique dans les programmes destinés au développement territorial (contrats de projet Etat-régions ou fonds européens). Il estime aussi qu'il faudrait examiner "l'opportunité et la faisabilité" de mécanismes qui inciteraient les collectivités locales à provisionner une partie de leurs ressources pour anticiper des investissements futurs dans l'adaptation (urbanisme, reconversion économique…) ou se couvrir contre le risque climatique en alimentant des fonds individuels ou mutualisés.
 

Anne Lenormand