Les maires franciliens se mobilisent pour défendre le "bouclier de sécurité" régional
Valérie Pécresse a réuni des maires de toute l'Île-de-France, mercredi, pour défendre le "bouclier de sécurité" mis en place en 2016 et aujourd'hui contesté en justice par l'opposition communiste. Selon elle, l'intervention de la région se justifie par la "complémentarité" et "l'intérêt régional direct". Verdict dans quelques jours.

© @iledefrance
Sus au "désengagement de l’État". Plusieurs dizaines de maires franciliens ceints de leur écharpe tricolore étaient réunis dans l’hémicycle de la région à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), mercredi 2 juillet, pour apporter leur soutien au "bouclier de sécurité" mis en place par Valérie Pécresse en 2016. Un dispositif mis en danger par le recours du groupe communiste devant le tribunal administratif, au motif que la région outrepasserait ses compétences. La décision du tribunal est attendue d’ici une quinzaine de jours mais l’inquiétude monte alors que le rapporteur public a déjà demandé l’annulation de trois des quatre subventions attaquées par l'opposition. Il y a "urgence", la situation est d’une "extrême gravité", a clamé la présidente de région devant une salle comble.
"Non-assistance à Franciliens en danger"
Élue au lendemain des attentats du Bataclan alors que le pays était en "vigilance attentat", Valérie Pécresse avait voulu instaurer ce bouclier pour aider les maires à développer leur "police de proximité", a-t-elle rappelé. Le sujet "s’est répandu bien au-delà de tous les clivages", a-t-elle ajouté. Pour preuve : "la conversion" de la mairie de Paris avec ses 5.000 policiers municipaux. Depuis 2016, la région a ainsi dépensé 145 millions d’euros pour son bouclier, et aidé 732 communes (soit une sur deux) représentant 90% de la population à équiper leurs policiers municipaux (véhicules, radios, caméras piétons, gilets pare-balles…) ou installer quelque 17.000 caméras de vidéoprotection, est venu préciser le vice-président chargé de la sécurité, Frédéric Péchenard. Sans compter les efforts réalisés pour la sécurisation des lycées ou la rénovation des locaux de police municipale, des commissariats et des gendarmeries. "Supprimer le bouclier de sécurité, ce serait de la non-assistance à Franciliens en danger", a affirmé Valérie Pécresse, précisant que 18 communes communistes en ont bénéficié : Varenne, Corbeil-Essonnes, Fleury-Mérogis, Nanterre, Bobigny, Tremblay-en-France ou encore Gentilly…
De la décision du tribunal dépend aussi le sort de quelque 198 communes pour lesquelles la région vient de voter une subvention le 18 juin. "Ce juridicisme est ubuesque", s’est offusquée Valérie Pécresse avançant plusieurs arguments en faveur de l’intervention régionale dans un domaine qui n’est a priori pas de sa compétence.
L’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales dit que la région a le droit de "compléter l’action de l’État et des collectivités locales", fait-elle valoir. "Nous avons le droit de le faire pour les maisons médicales, pour les écoles primaires, pour les crèches. (…) Or on n’a pas la compétence santé, petite enfance ou sur les écoles primaires. (…) On devrait nous annuler toute la politique contractuelle ", relève-t-elle encore. La présidente de région s’appuie aussi sur l’article L. 4211-1 qui autorise l’intervention de la région quand elle concourt à "l’intérêt régional direct". Or, selon elle, la sécurité est le "préalable" à toutes les actions de la région, notamment en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. "Il y a des inégalités sur le territoire francilien", ce qui justifie l’intervention de la région "pour que chaque territoire ait le même degré de sécurité", a-t-elle argué.
"On voit la clochardisation de la police nationale"
Deux départements – le Val d’Oise et la Seine-et-Marne – accordent eux aussi des aides à la sécurisation des communes, quand deux autres - l’Essonne et le Val-de-Marne -ont dû renoncer au vu de leur situation financière. Or la jurisprudence s’appliquerait aussi à eux. Ce serait la "double peine" pour leurs habitants, a insisté Valérie Pécresse. "Ce n’est pas l’État ruiné qui viendra vous aider", a-t-elle déclaré. "Si l’État faisait son boulot, ni la région, ni le département ne seraient obligés d’intervenir", a abondé la présidente du Val d’Oise, Marie-Christine Cavecchi.
La région a voulu donner la parole aux maires pour donner plus de poids à son argumentation. Un mot revient souvent dans leur bouche : le désengagement de l’État. Logiquement, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) doit servir à financer les projets des communes. Mais "il n’y a plus un radis dessus", s’est emporté le maire de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet. "On parle beaucoup de continuum de sécurité, sauf que sur le terrain, heureusement qu’on est là, on voit la clochardisation de la police nationale", a renchéri le maire d’Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza, pour qui le recours contre le bouclier est "un scandale politique", "un aveuglement idéologique" et "une trahison envers nos populations". En un mot : un "sabotage institutionnel". "Si la région n’aide pas la ville d’Aulnay, qui aidera les policiers nationaux ?", a-t-il ajouté. La ville de 86.000 habitants a bénéficié de plus d’1 million d’euros de subventions depuis 2016 pour l'achat de 215 caméras, 13 véhicules, 30 gilets pare-balles et 20 caméras piétons. Elle a vu les cambriolages baisser de 53% et les violences physiques de 61% depuis lors.
Valérie Pécresse a appelé toutes les communes à prendre une délibération pour apporter leur soutien à cette politique. Hasard du calendrier ? Vendredi, elle inaugurera avec Frédéric Péchenard le nouveau commissariat d’Élancourt (Yvelines), en présence du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. L’occasion de bien montrer que l’État est lui aussi bénéficiaire de ce bouclier.