Les maires peuvent-ils enjoindre l'État à mettre en place un plan d'urgence d'accès à la santé dans leur département ?

Constat : Face aux nombreux défis qui s’imposent à la vie locale, certains maires, pour préserver les intérêts de ses administrés, peuvent choisir de « monter au créneau ». Quand, dans certaines zones rurales, d’après l’IPSOS, certaines personnes sont tenues de réaliser au moins 46 minutes de route pour se rendre chez un ophtalmologue, le maire peut-il imposer la mise en place d’un plan d'urgence à la santé ? 

Réponse : Le Tribunal Administratif de Rennes a eu l’occasion de se prononcer en la matière. Un maire confronté à la difficulté grandissante d’accès à la santé dans son Département a décidé, par arrêté, d’enjoindre l'Etat à créer les conditions pour recruter du personnel médical, en recourant, s’il le faut, à des accords internationaux. 

Le préfet a saisi le Tribunal administratif en demandant la suspension de l’arrêté. Le juge a estimé la requête recevable. Le Maire retira son arrêté, rendant la demande soutenue par le préfet comme sans objet. Toutefois, à l'appui des arguments avancés par les services préfectoraux, une telle pratique ne semble pas ouverte aux édiles des communes, notamment en considération des points suivants :

> Les articles L2212-1 et L2212-2 du CGCT régissent les pouvoirs de police du Maire et, «le manque de professionnels de santé ou la restructuration de services de santé ne sont pas considérés comme les causes d'un trouble à l'ordre public » ;

> Aucune disposition législative ou réglementaire ne permet au Maire d’enjoindre l’Etat “de mettre en place un plan d'urgence d'accès à la santé, de doter les hôpitaux du département de moyens supplémentaires, ni d'assortir ces injonctions d'une astreinte ; en tout état de cause, l'affectation de personnels et de moyens dans les hôpitaux publics ne s'inscrit pas dans le champ de compétence de la commune”;

> Le pouvoir de police du Maire ne vaut que dans les limites du territoire de la commune dont il est élu. 

Bien qu’à l’évidence les Maires ne disposent pas de la faculté d’agir à l’encontre de l’Etat en l’enjoignant de mettre en oeuvre un plan d’urgence d'accès aux soins, il est important de retenir deux choses :

> Le tribunal administratif ne s’est pas prononcé en raison du retrait de l’acte en cause ;

> Dans une situation qui pourrait être considérée comme analogue, le Conseil d’Etat a admis l’action d’une commune à l’encontre de l’Etat. En effet, tenant compte des engagements internationaux de la France, une commune avait mis en demeure l’Etat de prendre des mesures complémentaires. Même si le Conseil d'Etat n’a pas donné suite à la demande portée par la commune, il reconnaît le droit d’actions des communes, sous réserve de la recevabilité de la requête. Il est possible d’admettre que face aux engagements de l’Etat en matière d’accès au soin, une commune puisse, après mise en demeure, solliciter la prise de décisions concrètes ou complémentaires.

Références :

Tribunal administratif, Rennes, 13 Septembre 2024, n° 2405038 ; Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 1er juillet 2021, n° 427301

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