Les médecins libéraux sur le point de refuser la convention et ses "engagements territoriaux"

Dans leurs négociations avec la Sécu, les deux principaux syndicats de médecins libéraux rejettent les propositions de nouveaux tarifs de consultation prévoyant notamment un tarif supérieur pour ceux qui accepteront de prendre quatre "engagements territoriaux" par exemple liés aux gardes, à leur participation aux communauté professionnelle territoriale de santé ou à la régulation des SAS.

Les deux principaux syndicats de médecins libéraux rejettent les propositions des nouveaux tarifs de consultation, le ministre de la Santé déplore leur absence de "responsabilité" : le ton monte et les négociations vont vraisemblablement se conclure sur un échec. "Il n'y aura pas d'accord d'ici demain [mardi] soir, c'est à peu près certain, même si je veux toujours croire au bon sens", a déclaré ce lundi 27 février le ministre François Braun sur France Inter. Les six syndicats de médecins représentatifs ont jusqu'à mardi soir pour dire s'ils acceptent ou non la nouvelle grille de tarifs proposée pour cinq ans par la Sécu. C'est "non" pour les deux principaux syndicats de médecins libéraux, chez les généralistes et les spécialistes, ont-ils indiqué dimanche soir.

La Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) prévoit que toutes les consultations médicales seraient revalorisées de 1,50 euro. Pour les généralistes, cette revalorisation sans condition porterait la consultation de base à 26,50 euros, contre 25 euros depuis 2017. Les praticiens acceptant de prendre des "engagements territoriaux" obtiendraient un tarif de consultation supérieur, à 30 euros par exemple pour les généralistes.

Jusqu'ici nommé "contrat d'engagement territorial", ce dispositif comprend deux séries d'objectifs. Des "objectifs nationaux" tout d'abord, qui portent d'une part sur "l'augmentation de l'offre médicale" (niveau et évolution de la "file active" de patients et de la patientèle médecin traitant, emploi d'un assistant médical), d'autre part sur "l'accès financier aux soins" (être en secteur 1, seuil minimal d'activité, adhésion à l'option pratique tarifaire maîtrisée). Sur ces deux volets, chaque médecin devra cocher un engagement.

Et puis il y a les ""objectifs territoriaux" : exercice dans une zone d'intervention prioritaire (ZIP), accueil d'un stagiaire, participation aux soins non programmés issus du service d'accès aux soins (SAS) ou du 15, participer une fois par mois à la régulation du SAS, participer à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) également une fois par mois, ouvrir le samedi matin 28 fois par an, participer aux actions de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), exercer en maison de santé (MSP), participer à une équipe de soins primaires (ESP), collaborer avec un infirmier en pratique avancée…

Les médecins devront choisir seulement deux engagements dans cette longue liste. "Quand on dit faire une garde, c'est une garde par mois, donc arrêtons de dire que c'est une pression intolérable", a déclaré François Braun, selon lequel "ce n'est pas travailler plus, c'est travailler différemment".

Avec le rejet des deux organisations pesant plus de 30% chacune parmi les généralistes et les spécialistes, le projet d'accord soutenu par le gouvernement est sur le point de tomber à l'eau. "On passe à côté d'une occasion d'améliorer la prise en charge de nos concitoyens, je trouve que les syndicats de médecins ne sont pas responsables", a réagi François Braun, disant ne pas comprendre "une position aussi fermée". Il a rappelé que la proposition représentait un effort de l'État de 1,5 milliard d'euros, "plus que ce qu'on n'a jamais fait dans les conventions précédentes". "26,50 euros, ce n'est pas du tout la valeur de la consultation. Un médecin a plus de 20% de son revenu qui est fait de forfait, payé par l'assurance maladie, ce qui fait une consultation de base à 36,50 euros", a-t-il aussi rappelé.

Avec un rejet de l'accord, les nouveaux tarifs seront fixés par un "arbitre" - en l'occurrence, une haute fonctionnaire désignée par l'exécutif - qui aura "trois mois pour proposer un texte (...) qui s'imposera pendant au moins deux ans", a précisé le ministre. "On va perdre du temps", a-t-il déploré.

Certains syndicats agitent désormais la menace d'un déconventionnement de nombreux médecins, désireux de retrouver leur liberté tarifaire. Cela "pénaliserait encore plus les Français en créant une médecine à deux vitesses, avec seuls les riches qui pourraient se soigner. Ce n'est pas ça l'esprit de la Sécurité sociale", a jugé le ministre de la Santé. Il a rappelé que "la rémunération moyenne d'un médecin généraliste est de 90.000 euros par an". "On peut considérer que c'est une rémunération juste, surtout qu'avec cette convention on va rajouter 20.000 euros de plus par an", a-t-il dit. Reste que le probable échec des négociations aura des conséquences concrètes pour les quelque 6 millions de Français actuellement sans médecin traitant. Pour les 600.000 personnes atteintes d'une maladie chronique sans médecin, des solutions seront trouvées, a promis François Braun, précisant qu'il ferait des annonces "la semaine prochaine".

 

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