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Les opérateurs engagés sur dix ans pour la couverture mobile : mode d'emploi

Dans une note publiée le 22 janvier, l’Arcep et la direction générale des entreprises décrivent les engagements pris par les opérateurs mobiles pour améliorer la qualité de couverture et résorber les zones blanches, sur fonds propres. Un programme précis et ambitieux, qui lève de nombreuses zones d’ombre sur les annonces récentes du gouvernement. Certains engagements prendront effet dès 2018, bien avant l’attribution des fréquences. Ils "revêtiront le caractère d’obligations contraignantes pouvant faire l’objet de sanctions de l’Arcep en cas de non-respect", précise le régulateur.

De nouvelles antennes-relais en nombre

Le dispositif prévoit tout d’abord la couverture par chacun des opérateurs de 5.000 nouvelles zones, soit 20.000 zones en cinq ans, en substitution du plan France Mobile qui prévoyait la couverture de 1.300 zones dans les mêmes délais, avec un financement public important. Car c’est le principal acquis de ce "New Deal" : l’opérateur prendra à sa charge l’ensemble des coûts de couverture induits (équipements actifs, construction d’un éventuel pylône, collecte…).
Le déploiement de ces nouvelles infrastructures se veut plus réfléchi et ciblé : chaque année, "le gouvernement arrêtera, en concertation avec les collectivités territoriales, la liste des zones à couvrir au titre de ce dispositif". Sont ainsi prévues entre 600 et 800 nouvelles couvertures de zone par an et par opérateur, ceux-ci étant tenus d’apporter un service (voix et 4G) dans l’année si un terrain d’accueil de l’infrastructure favorable est proposé (viabilisé, raccordé au réseau électrique et purgé de tout recours d’urbanisme), et sous deux ans dans tout autre cas. Ces déploiements seront systématiquement mutualisés lorsque les conditions de partage ne dégradent pas la qualité de service. A compter de la délivrance des autorisations d’utilisation de fréquence (entre 2021 et 2024), pour tout nouveau pylône, il sera proposé aux autres opérateurs de s’installer dans des conditions de partage passif "raisonnables" et "garantissant l’effectivité de l’accès". L’Arcep, précautionneuse sur ce point sensible, se réserve le droit de revenir sur cette obligation si les opérateurs proposent d’eux-mêmes des offres ouvertes de partage d’infrastructures : une incitation qui pourrait lever bien des contraintes pour les opérateurs.

Le haut débit mobile pour tous

Les objectifs territoriaux de couverture reflètent l’intention exprimée par le gouvernement "d’en finir avec les zones blanches" : chaque site existant équipé en 2G/3G devra être équipé en 4G dès 2020, "de sorte à assurer en zone peu dense un service raisonnablement équivalent à celui qu’ils offrent sur le reste du territoire". En ce qui concerne les nouvelles infrastructures, 2.000 nouveaux pylônes mutualisés entre les quatre opérateurs seront installés par chacun d’entre eux dans les bourgs dont la couverture 3G / 4G est insuffisante tous opérateurs confondus, tandis que 3.000 points hauts seront localisés à la discrétion des élus locaux, sans critère particulier sur leur détermination. Les modalités de sélection de ces points "libres" doivent être définies prochainement, précise la note.
Les axes routiers prioritaires, soit 55.000 km de routes, feront l’objet d’une couverture 4G "de qualité" d’ici 2020, et "plus élevée" dès l’année de réattribution des fréquences 1800 MHz (soit entre 2021 et 2024 selon les cas), la différence tenant à la disponibilité du service 4G assurée à l’extérieur des véhicules avant 2020, et à l’intérieur d’un véhicule en déplacement après réattribution des fréquences. En ce qui concerne les axes ferroviaires régionaux, soit 23.000 km de lignes, l’engagement des opérateurs n’est effectif qu’à l’issue de la réattribution des fréquences : 90% des lignes devront être couvertes en 4G en 2025, "à des fins de collecte de la couverture Wifi à l’intérieur des trains".
Enfin, les opérateurs sont appelés à proposer, dès 2018, une offre de 4G fixe destinée au grand public dans les zones insuffisamment couvertes (un débit inférieur à 8 Mbit/s est retenu comme critère d’appréciation). Ces offres pourront être imposées sur des zones géographiques ciblées par le gouvernement, une disposition qui vient rappeler le pouvoir décisionnaire de l’Etat en matière d’aménagement numérique du territoire.

L’Arcep vigilante, le rôle des territoires reste à définir

L’Arcep, invoquant le credo de la transparence, veillera à la densification "dans la durée" des réseaux mobiles en imposant des mesures sur le terrain attestant du respect des niveaux de qualité de service négociés lors des futures autorisations d’utilisation des fréquences. De sorte que les échéances de déploiement s’échelonnent jusqu’en 2029, pour les attributions les plus tardives.
Les nombreuses concessions ainsi obtenues de la part des opérateurs (objectifs contraignants de couverture, prise en charge des coûts d’investissement, systématisation des mutualisations) l’ont été, certes, en contrepartie d’un effort financier substantiel de l’État qui renonce à faire monter les enchères d’attribution des fréquences entre 2021 et 2024. Elles entérinent le principe d’un financement plus cadencé et exclusivement privé de l’aménagement numérique des prochaines années, sans vraiment lever le voile sur la capacité d’intervention réelle des acteurs territoriaux dans la hiérarchisation des priorités de déploiement qui seront fixées chaque année entre l’Etat et les opérateurs. L’Avicca se montre bienveillante, en évoquant un "sans-faute peut-être historique".