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Les réponses du Cese pour redonner du sens aux métiers de l'action sociale et éducative

Si les raisons du manque d'attractivité des métiers sociaux et éducatifs sont diverses, la perte de sens et la diminution du temps dédié à l'accompagnement des personnes sont décisives, souligne le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Dans un avis adopté ce 12 juillet 2022, la "chambre de la participation" appelle à combiner mesures d'urgence – augmentations salariales, campagne de recrutement et de formation en alternance – et dispositions de plus long terme pour revaloriser ces métiers, redonner du temps et du sens aux professionnels et améliorer le cadre d'intervention notamment par un renouvellement des modalités de financement et de pilotage.    

Dans un avis adopté ce 12 juillet 2022, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s'est intéressé aux "métiers de la cohésion sociale", c'est-à-dire à un vaste ensemble de métiers de l'action sociale et éducative – travailleurs sociaux, aides médicopsychologiques, assistants familiaux, accompagnateurs d'élèves en situation de handicap, animateurs… Comme d'autres "métiers de l'humain" (voir notre article), ces professions sociales et éducatives traversent une crise que la "chambre de la participation" analyse en détail, sur la base de remontées de terrain – quelque 5.000 contributions ont notamment été déposées sur une plateforme participative en ligne.

Alors que les besoins sociaux augmentent, en particulier avec le vieillissement de la population, les difficultés de recrutement s'amplifient tant pour des raisons conjoncturelles – l'impact de la pandémie de Covid-19 – que structurelles – la diminution du nombre d'étudiants dans ces filières, les départs en retraite, etc. "Ces métiers, méconnus et mésestimés, sont exigeants et difficiles, comme le prouvent un important turn-over et une forte incidence d'épuisement physique et psychique", a souligné Thierry Beaudet, président du Cese, lors de la séance plénière de ce 12 juillet. Le ton de l'avis est souvent grave, le Cese indiquant même que l'enjeu est d'"[éviter] une dégradation encore plus grande". 

Une perte de qualité et de sens expliquée en partie par l'éloignement du management de direction

Dans ces travaux rapportés par Evanne Jeanne-Rose, animateur de métier et conseiller au titre de la cohésion sociale et de la vie associative, le Cese insiste particulièrement sur "la perte de sens et la diminution des temps d’accompagnement des personnes", qui "jouent fortement sur le moral des professionnels" et qui ne sont "même plus compensés par un niveau suffisant de rémunération". En cause notamment : l'évolution des organisations liée au mouvement de concentration dans le secteur. "L’éloignement du management de direction des niveaux intermédiaires d’encadrement a réduit la visibilité des centres de décision sur les enjeux de métier sur le terrain, en particulier sur les temps de présence, la stabilité des effectifs et la qualité humaine des services rendus". Parmi les autres facteurs d'explication du malaise grandissant dans le secteur, sont évoquées les "contraintes de financement public très fortes" et le manque de professionnalisation – avec "la permanence des stéréotypes de genre, dans des métiers à prédominance d’effectifs féminins, tendant à considérer les vocations comme 'naturelles', et ne nécessitant que peu de formation". 

Des "réponses urgentes" sont demandées pour répondre "à la pénurie de personnels et au malaise des professionnels". Parmi elles, des augmentations de salaires – avec le maintien des classifications pour garantir des évolutions –, ce qui inclut la mise en œuvre effective de la hausse de 183 euros annoncée lors de la conférence des métiers sociaux (voir notre article de février 2022 et notre article d'avril 2022) pour l'ensemble des salariés, y compris ceux qui ne sont pas couverts par des conventions collectives. Le Cese préconise également le lancement d'une campagne de recrutement et de formation en alternance dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) et les accueils collectifs de mineurs, ce qui "implique de relever en urgence les capacités de formations des écoles financées par les régions".

Insuffisance du temps consacré aux personnes : renforcer le dispositif d'alerte

L'assemblée appelle aussi à "renforcer la capacité d'alerte" des comités sociaux et éducatifs (CSE) – les représentants du personnel – notamment sur l'insuffisance de temps consacré aux personnes accueillies, en s'appuyant sur la définition de l'alerte figurant dans le référentiel d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux de la Haute Autorité de santé (HAS) (voir notre article). Autre mesure d'urgence : la promotion des métiers du social dans le cadre d'une campagne de communication nationale.     

Sur le moyen terme, le Cese formule différentes recommandations pour "redonner la priorité au sens du travail" dans ces métiers de la cohésion sociale. Il préconise en particulier de "supprimer toute limitation a priori de durée d’accompagnement ou de présence, dans les nomenclatures d’actes ou indicateurs de pilotage imposés aux professionnels". L'assemblée représentative de la société civile organisée appelle aussi à renforcer les ratios de personnel, à "prévoir dans les financements publics l’ensemble des temps consacrés à la réflexivité, au travail d’équipe, à l’analyse des situations et à la préparation des actions à mener" et à mettre en place systématiquement des espaces de concertation des familles et usagers et des professionnels dans les établissements. Autre préconisation : la généralisation de modalités d'évaluation qualitatives et co-construites par les différentes parties prenantes et l'adaptation systématique des budgets si l'évaluation révèle "des objectifs difficilement, ou non atteints faute de moyens financiers et humains suffisants". 

Simplifier le financement et le pilotage des établissements et services  

En matière de financement, le Cese demande une simplification par la mise en place d'un "forfait global unique de la prestation des seuls services assurés par les opérateurs", en excluant les soins de ville et produits de santé qui devraient être "pris en charge au titre du droit commun de l’assurance maladie". Autre évolution jugée nécessaire : le renouvellement du dialogue de gestion et du pilotage des moyens par la négociation entre tous les partenaires d'un "contrat unique d’objectif et de financement de l’utilité sociale" qui remplacerait tous les contrats existants.

Le Cese consacre un dernier volet de propositions au renforcement des capacités d'anticipation du secteur et de la formation continue. Il préconise l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle dédiée à la revalorisation de ces métiers, ainsi que la création d'un "conseil national à l'investissement social" placé sous l'autorité du Premier ministre. L'assemblée plaide également pour davantage de financements consacrés à la connaissance et à l'expérimentation, notamment via un programme d'investissement d'avenir dédié aux "dispositifs innovants d’accompagnement et d’innovation socio-éducative". Elle recommande enfin de renforcer le rôle du Haut Conseil au travail social (HCTS), de systématiser les comités locaux du travail social et de confier à ces derniers "une mission permanente d’évaluation et de conseil sur les politiques d’action sociale et de développement social de leur département".