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Social - Les travailleurs sociaux s'inquiètent du projet de loi sur le renseignement

Avec un peu de retard - le texte a été adopté en première lecture le 5 mai à l'Assemblée -, l'Association nationale des assistants de service social (Anas) s'invite dans le débat autour du projet de loi relatif au renseignement. Dans un communiqué du 4 mai, l'association s'interroge en effet sur l'impact possible de ce texte sur le travail social. La question porte sur l'un des sujets les plus sensibles chez les travailleurs sociaux : le secret professionnel.

Conserver des "espaces préservés"

Plus précisément, l'Anas estime que "le dispositif prévu pourrait décrédibiliser la fonction de 'confident nécessaire' dévolue aux professionnels soumis au secret". Et l'association de s'interroger : "Comment pourrions-nous garantir la confidentialité des informations confiées aux personnes qui viennent nous rencontrer ? Nous pouvons exercer auprès de publics spécifiques ayant pu commettre des infractions pénales ou craignant plus simplement le jugement que la société pourrait porter sur eux". Plus largement, "les informations échangées entre un professionnel soumis au secret et la personne qui le consulte sont-elles si essentielles aux services de renseignement qu'il faille les inclure dans le dispositif ?".
Forte de constat, l'Anas estime donc qu'"une République démocratique doit conserver des espaces préservés au sein desquels les professionnels interviennent auprès des personnes dans leur réalité, avec des objectifs de construction de projet, en dehors de toute logique de contrôle, de surveillance ou de jugement". Elle rappelle par ailleurs que l'article 226-14 du Code pénal prévoit déjà une possibilité de levée du secret professionnel pour les "professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une".

Travailleur social, profession "particulièrement sensible" ?

Si l'Anas réagit aussi tardivement à un débat qui agite les politiques et la société civile depuis plusieurs semaines, c'est sans doute qu'elle pense désormais détenir la réponse à ses interrogations. Le gouvernement a en effet déposé des amendements (N°386 et 410 sur l'article Ier) instaurant un encadrement renforcé des techniques de renseignement lorsqu'elles visent certaines professions, dites "particulièrement sensibles".
L'amendement 410 prévoit ainsi que la procédure d'urgence - qui permet la mise en œuvre d'une technique de renseignement sans avis préalable de la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement - n'est pas possible lorsque ladite technique vise un magistrat, un avocat, un journaliste ou un parlementaire. Il s'agissait en l'occurrence, pour le gouvernement, de répondre notamment à l'avis du 16 avril de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), estimant "que les personnes astreintes à un secret professionnel doivent faire l'objet d'un régime juridique particulier".
L'Anas demande donc une extension de ces deux amendements, afin que l'ensemble des professions soumises à un secret professionnel - dont les assistants de service social - soient couvertes par cet encadrement renforcé. Il reste que si la question des médecins - et même celle des notaires et des huissiers - ont bien été discutées - et écartées - lors de l'examen de ces deux amendements, le cas des travailleurs sociaux n'a en revanche pas été évoqué...

Jean-Noël Escudié / PCA