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Sécurité - Les villes et la grippe aviaire : "trop d'information tue l'information" ?

Elus et scientifiques se sont réunis le 16 mars à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort pour faire le point sur la grippe aviaire. Cette rencontre a mis en lumière les difficultés des mairies à gérer l'information locale.

Alors que la grippe aviaire poursuit sa progression géographique, des responsables politiques se pressent de prendre des mesures de précautions, interdisant la consommation de volailles dans les cantines, achetant des masques et des antiviraux... Une réunion d'élus, de médecins et d'experts a eu lieu à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort (94), jeudi 16 mars, sous l'égide du Conseil de développement du Val-de-Marne, pour réfléchir sur le rôle des collectivités face à la crise. "On assiste à une confrontation entre une information continue mondialisée générant toutes sortes de craintes et la volonté des citoyens d'avoir l'information dans leur village", a expliqué Michel Herbillon, député-maire de Maisons-Alfort. Face à ce problème, le maire se trouve en première ligne et cela d'autant qu'une circulaire du 20 janvier 2006 sur les conditions d'application du plan gouvernemental "Pandémie grippale" lui confère toute une série d'obligations (voir ci-contre). Cela n'a pas empêché certains ratés retentissants : le maire de Joyeux (Ain), où a été découvert le premier cas français de H5N1 sur une oie sauvage le 22 février dernier, avait déclaré avoir été informé par la radio ! Le professeur Bernard Toma, professeur de maladies contagieuses à l'école d'Alfort, a dénoncé l'amalgame entre la maladie avérée sur les animaux et le risque possible de pandémie humaine : "On confond toujours ces deux problèmes. Les médias naviguent de l'un à l'autre, ce qui ne fait qu'attiser les peurs."


"Comportements irrationnels"

Le professeur Toma a également critiqué le "comportement totalement irrationnel des municipalités qui interdisent la consommation de volaille dans les cantines". Pour l'heure, aucun cas de contamination sur l'homme n'a été découvert en Europe, a-t-il rappelé. Les intervenants ont salué les mesures de lutte contre l'épizootie prises en France, soulignant qu'il n'y avait aucun risque à consommer des produits d'origine aviaire. Ils se sont inquiétés, en revanche, de la situation en Afrique. Les conditions d'hygiène et le manque de moyens laissent craindre une propagation très rapide. Quatre pays sont déjà  touchés : le Nigeria, l'Egypte, le Niger et le Cameroun.  "Sous douze à vingt-quatre mois, la quasi-totalité des pays d'Afrique seront concernés. On ne peut l'empêcher. On risque d'être soumis chaque année à une contamination ponctuelle du fait des oiseaux migrateurs", s'est alarmé Bernard Toma.
Les intervenants sont revenus sur les déclarations du directeur de l'institut de virologie de l'Académie des sciences médiales de Moscou, Dmitri Lvov. La semaine dernière, celui-ci a estimé à 90% la probabilité que le virus mute et devienne contagieux d'homme à homme. Selon ce scientifique, il touchera un tiers de la population mondiale et causera la mort de plus de 10 millions de personnes ! De quoi faire froid dans le dos, mais selon le professeur Jeanne Brugère-Picoux, de l'école vétérinaire d'Alfort, ce processus de mutation pourrait prendre une vingtaine d'années. "D'ici là, on aura les moyens de lutter", a-t-elle déclaré.

 

Des moyens de surveillance insuffisants pour contrer une pandémie

Pour Gilles Brücker, directeur de l'Institut de veille sanitaire (InVS), "la question est de savoir comment organiser les systèmes de surveillance pour connaître tout ce qui se passe partout, tout le temps, et ce qui va se passer dans un mois, dans six mois. On a besoin à la fois d'un thermomètre et d'un baromètre". L'InVS a mis en place un système réactif de surveillance de la mortalité et des formes sévères de grippe. Il dispose également d'un département international qui tient à jour les dernières données sur l'évolution à travers le monde. Tous les décès par grippe sont répertoriés par les vingt-deux directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass). Les laboratoires départementaux veillent, eux, aux pathologies des animaux d'élevage. Ce maillage en apparence convaincant ne satisfait pas le docteur Antoine Flahault, responsable du réseau de médecins Sentinelles : "On a la certitude qu'il y a aura des pandémies, qu'elles soient portées par le virus H5N1 ou un autre ; or, nulle part dans le monde, on n'a débloqué les investissements suffisants pour s'y préparer. Pour la grippe saisonnière, les virologues font des prélèvements l'hiver, mais pas en été. On ne sait presque rien sur l'arrivée des virus aujourd'hui." Selon lui, pour être efficace, une politique de prévention doit tenir compte de trois variables : la "probabilité de transmission" liée aux mesure d'hygiène, la "distance sociale" reposant sur la limitation des échanges, et la "durée de contagion", sur laquelle les campagnes de vaccination peuvent agir. C'est ainsi que l'exercice de pédagogie voulu par l'atelier du 16 mars a aussi montré ses limites : les nombreux médecins des services d'hygiène et de santé venus chercher des réponses sont repartis avec de nouvelles interrogations? voire des inquiétudes.

 

Le rôle du maire face la "pandémie grippale"


Une circulaire du 20 janvier 2006 précise le rôle des maires en cas de pandémie grippale.

 

Suivant les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le gouvernement a lancé le 6 janvier 2006 un plan "Pandémie grippale" en trois phases : la période interpandémique (sans risque de maladie humaine), la période d'alerte pandémique et la période pandémique.
Une circulaire du 20 janvier 2006 est venue préciser "l'action des maires dans la gestion d'une crise sanitaire de type pandémie grippale". Afin de faciliter la coordination avec les services de l'Etat, les maires sont invités, dans le cadre de leurs pouvoirs de police municipale, à prendre les mesures adéquates en fonction de la phase du plan activée :
- en période interpandémique (phase actuelle), le maire doit diffuser aux administrés les informations de la direction départemental des services vétérinaires (DDSV) à destination des propriétaires d'élevage. Il doit apporter son concours à la DDSV pour le recensement des élevages situés sur sa commune. En cas de suspicion ou d'épizootie déclaré, il doit participer aux mesures d'isolement et de confinement des élevages ;
- en phase d'alerte pandémique, le maire doit désigner un correspondant "pandémie grippale" et transmettre ses coordonnées au préfet et au conseil général. Il doit mettre en place une cellule de veille et mobiliser le service gestion des risques, s'il existe. Ce dernier pilote les mesures à prendre. Le maire est chargé de constituer un annuaire de crise pandémique et formaliser un plan de continuité des services communaux en fonction des priorités à leur accorder. Il doit recenser à la fois les besoins en masque de protection (FFP2 et FFP1) pour le personnel communal exposé et les lieux de stockages sécurisés. La ville doit apporter une attention particulière aux personnes isolées ou fragiles ;
- en phase pandémique, le maire déclenche le plan communal de sauvegarde, s'il existe, et met en place une cellule de crise municipale (CCM). Il met en œuvre le plan de continuité des services municipaux. Le maire a une mission de communication et d'information (messages d'alertes à la population, points de situation au préfet, etc.).
"Les communes seront les premières concernées par les effets de la crise, la désignation d'un correspondant 'pandémie grippale' s'impose dès à présent", précise la circulaire.

 

 

 

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