Développement - Les villes locomotives de l'Europe
Dans les grandes métropoles européennes, le PIB par habitant dépasse de 25% la moyenne de l'Union européenne. L'audit urbain de la Commission européenne rendu public le 26 juillet est sans équivoque : les villes sont le moteur de la croissance européenne. Passant au crible les 258 plus grandes villes des vingt-sept Etats membres, cette bible de 227 pages contient une mine d'indicateurs (plus de 300) sur la vie dans les agglomérations européennes. A l'heure des appels à projets urbains menés dans le cadre de la politique régionale 2007-2013, cette étude "peut nous aider à déterminer et à quantifier les enjeux auxquels nous devons répondre, ainsi qu'à mieux cibler nos investissements en zone urbaine", estime Danuta Hübner, la commissaire à la politique régionale.
En 2007, pour la première fois, la population mondiale est devenue majoritairement citadine, rappelle l'audit. Et en Europe, 60% de la population vit dans des agglomérations de plus de 50.000 habitants. Un chiffre en constante augmentation : la population urbaine européenne croit au rythme de 0,35% chaque année, soit près du double du reste de la population. Londres, Dublin et Madrid sont les capitales qui ont connu la plus forte croissance. Les villes françaises se situent dans une bonne moyenne mais doivent faire face à un défi important : "l'intégration d'un grand nombre d'immigrés venus essentiellement d'Afrique du Nord", souligne l'étude. A l'inverse, environ 80 villes sur les 258 enregistrent un déclin démographique, essentiellement en Allemagne de l'Est et dans les pays d'Europe centrale et orientale, à l'exception de la Bulgarie.
"Paradoxe urbain"
En termes de niveau de vie, les citadins de l'Est peinent à rattraper leur retard. Le PIB par habitant varie de 1 à 50 entre Vidin en Bulgarie et Frankfurt ! Londres, Paris, Amsterdam, Bruxelles, Hambourg et les capitales nordiques se détachent assez nettement. Entre 1996 et 2001, les villes estoniennes et polonaises ont toutefois connu la plus forte croissance, talonnées par les villes grecques et espagnoles. Curieusement, l'audit ne mentionne pas le cas du "tigre celtique", Dublin, qui a enregistré une croissance sans précédent ces dernières années.
La richesse créée ne se traduit pas nécessairement dans les créations d'emplois. Ce que l'audit appelle le "paradoxe urbain". Malgré une forte concentration des emplois en ville, les citadins européens ne sont pas tous logés à la même enseigne. Les différences selon le sexe ou le quartier restent criantes. Ainsi, seulement 30% des femmes des villes d'Italie du Sud ont un emploi, contre 70% pour les villes du nord de l'Europe. Le chômage dépasse les 25% en Pologne, en Belgique et en Italie du Sud et atteint jusqu'à 60% dans les quartiers les plus défavorisés d'Europe. Les disparités avec la banlieue sont particulièrement fortes en France, en Belgique et en Italie du Sud, insiste l'audit. Dans les villes de l'Europe occidentale, les services sont de loin la première source d'emploi. Sur les cinq plus grands marchés de l'emploi de l'Union (Londres, Paris, Berlin, Madrid et Rome), le tertiaire représente entre 80 et 90% des emplois.
Fort de ce constat, l'audit s'intéresse à la "marge de manoeuvre" des collectivités européennes pour agir sur la croissance. Niveau des finances locales, structures administratives : là encore, les différences restent importantes d'une collectivité à l'autre.
Forte tradition décentralisée
Les métropoles des pays nordiques et d'Italie sont les mieux dotées financièrement. Les dépenses locales représentent plus du quart du total de la dépense publique en Suède et au Danemark contre à peine 5% dans les villes de Grèce, Malte et Chypre. Les collectivités françaises se situent dans une bonne moyenne avec 18%.
Les pays à plus forte tradition décentralisée sont les pays nordiques et les Pays-Bas. Mais les Etats d'Europe centrale et orientale (Pologne, Hongrie) et les pays baltes (Lituanie et Lettonie) ne sont pas en reste. Le cas de l'Allemagne est atypique avec ses trois cités-Etats (Berlin, Hambourg et Brême) et ses 116 "Kreisfreie Städte" qui sont à la fois villes et départements. "Contrairement aux idées reçues, les collectivités britanniques ont beaucoup de responsabilité, notamment en matière d'éducation, de développement économique et de logement", souligne l'audit. Le rôle des collectivités françaises, lui, apparaît plus réduit, en dépit du haut niveau des dépenses locales, ce qui s'explique par "l'importance des budgets locaux en matière de développement économique au détriment de l'éducation et des transports qui sont d'une responsabilité partagée entre les niveaux local et régional".
Cette étude, la plus importante de ce type jamais réalisée en Europe, selon la Commission, sera d'un apport précieux dans le cadre de l'agenda territorial. L'enjeu sera de donner plus de poids aux collectivités dans la politique de l'Union.
Michel Tendil