Lestiac-sur-Garonne : un habitat partagé et participatif pour les retraités (33)

Porté par le village de Lestiac-sur-Garonne, avec l'association Habitats des possibles, un logement partagé pour les aînés est en train de naître, au cœur de ce village rural, après trois ans de réflexion collective.

« À l’origine du projet, début 2017, il y a eu… comme un alignement de planètes ! Il y avait d’une part, la volonté du village de Lestiac-sur-Garonne de transformer les anciens bureaux de la communauté de communes du Vallon de l’Artolie, situés au cœur du bourg, en un bâtiment portant haut la culture de solidarité du territoire. D’autre part, le manque criant de structures d’accueil pour les personnes âgées, dont nombre vivant dans des maisons vétustes et devenues trop grandes pour elles. Et enfin, il y a eu la rencontre avec l’association Habitats des possibles, œuvrant pour favoriser le lien intergénérationnel et le maintien des aînés dans leur commune, et contribuer à la redynamisation des territoires ruraux. » Daniel Bouchet, maire de Lestiac-sur-Garonne, petit village du Sud-Gironde situé à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux, sourit.

À l’époque, il était adjoint au sein d’une équipe municipale emmenée par Guy Moreno, également conseiller départemental. Les projets d’habitat partagé pour les aînés commençaient à émerger, mais ils étaient encore relativement confidentiels. Cofondatrice et directrice d’Habitats des possibles, Florence Delisle-Errard opine. « Il y a vraiment eu une conjonction de facteurs favorables : une équipe municipale enthousiaste, disponible, et qui nous a fait confiance, alors que nous avions à peine six mois d’existence ; un vrai besoin de logement adapté à l’avancée en âge ; et un territoire [la communauté de communes du Vallon de l’Artolie tout juste dissoute] qui avait déjà engagé un travail de fond sur la place des aînés. »

La richesse du participatif

En deux temps trois mouvements, la réflexion s’est engagée, « sous forme d’ateliers participatifs réunissant les acteurs ressources du territoire qui le souhaitaient, puis les retraités », souligne Daniel Bouchet. Les aînés du territoire ont été parmi les premiers à se mobiliser. Une petite dizaine d’ateliers participatifs d’assistance à maîtrise d’usage ont permis de définir les pièces nécessaires à l’habitat, leur agencement et leurs spécificités. Les architectes ont interprété ce cahier des charges et adapté les plans puis les ont soumis aux futurs habitants. Ont ensuite été proposés des ateliers de définition du projet de vie de la maison qui – un temps interrompu en raison de la crise Covid-19 – ont repris il y a peu.

Ce temps de réflexion partagée a permis d’affiner le projet pour que celui-ci corresponde pleinement aux attentes des futurs habitants. « Lors de ces ateliers, nous avons par exemple beaucoup travaillé sur l’intergénérationnel, explique Florence Delisle-Errard Nous nous sommes rendu compte que, certes, c’était un élément important pour les retraités, mais qu’en fait… elles n’avaient pas vraiment envie de partager leurs futurs espaces de vie communs avec des plus jeunes au quotidien. Nous avons donc conçu ce futur habitat partagé spécifiquement pour et avec les retraités. »

« Cette démarche participative a réellement été très constructive. Elle a permis à chacun de cheminer. Pour des personnes qui n’étaient pas toutes sur le même niveau d’engagement au départ – l’habitat participatif pouvant en interroger plus d’un – ces ateliers ont été synonymes de maturation, permettant aux éventuels futurs habitants de se projeter dans ce logement d’un nouveau genre », ajoute Daniel Bouchet.

Ce projet est donc le fruit d’une réflexion autour d’un choix d’habitat qui fait sens, dans un village soucieux de remettre la relation au cœur de son centre-bourg, de recréer de la convivialité via les citoyens eux-mêmes. Aujourd’hui, le projet entre dans sa phase finale. Le chantier est lancé et la première pierre a été posée le 22 février dernier.

En cœur de bourg

Située en centre bourg du village, la maison partagée de 445 m2 pourra accueillir entre 8 et 10 locataires, à compter du printemps 2022. Elle comptera 8 espaces privatifs comportant chacun un espace nuit et un espace jour, une kitchenette et une salle d’eau, préservant l’indépendance et l’intimité de chacun. Seront partagés en plus un grand salon, une cuisine équipée, une grande salle à manger, une buanderie ainsi qu’un jardin.

Le site est actuellement composé de deux corps distincts, une maison en pierre de taille (siège de l’ancienne communauté de communes) et une vaste salle ayant longtemps servi d’école communale. Le chantier en cours prévoit de rénover ces deux bâtiments et de les joindre par un bâtiment neuf, tout en transformant l’actuelle cour en jardin. L’habitat partagé présentera un haut niveau qualitatif aux plans architectural, ergonomique et écologique, et les lots ont été attribués à une quinzaine d’entreprises locales.

Autre axe fort du projet : l’attention portée à l’accessibilité sociale. Les loyers devraient osciller entre 315 et 575 euros par mois, selon les surfaces et les revenus des locataires. La mairie de Lestiac-sur-Garonne restera propriétaire de la future maison, qui sera gérée par Habitats des possibles. Et l’accompagnement de l’association ne s’arrêtera pas à de la pure gestion. Il mêlera, comme l’explique Florence Delisle-Errard, veille individuelle, pour faire face à l’avancée en âge de chacun et aux éventuels besoins pouvant émerger, et accompagnement collectif à l’autogestion, avec la visite, une fois par semaine, d’un salarié de l’association.

Habitats des possibles vient de rouvrir les candidatures auprès des retraités du territoire tentés par l’expérience. Et quatre d’entre eux n’ont déjà qu’une hâte : intégrer leur futur logement. « La plus jeune a tout juste 75 ans, enthousiasmée par le projet depuis le départ. Une autre a 77 ans ! Il y a aussi un couple d’octogénaires, 82 et 87 ans plus précisément », sourit Florence Delisle-Errard. Lors de la pose de la première pierre, des partenaires financeurs ont, tour à tour, dit à quel point ce projet faisait sens pour eux. L’un soulignant qu’il n’avait jusqu’alors « plus beaucoup d’espérances » mais que ce projet lui donnait justement « envie d’espérer », une autre évoquant un projet « illustrant aussi la réconciliation entre l’action citoyenne et l’action politique. » Quant à Suzanne, future habitante, son enthousiasme est réel : « ça nous permet d’avoir un choix de vie. Ce n’est pas les enfants qui vont prendre en charge nos fins de vie. On va vivre avec des personnes qui sont comme nous. Les réunions ça permet de nous connaître, si nous avons les mêmes pensées – même si nous avons nos défauts propres ! Il y a sûrement une harmonie qui va se créer et j’en suis très heureuse ! Et puis on s’est senties intégrées, soutenues, on sait où on va, c’est important pour nous. On a tous confiance. »

Un projet multipartenarial

Département, Région, État, Europe, caisses de retraite, partenaires privés… L’habitat partagé de Lestiac-sur-Garonne a séduit une multitude de partenaires, qui se sont engagés financièrement pour que ce projet innovant devienne réalité (cf encadré), comme souligné par tous lors de la pose de la première pierre. « Le fait de dire "nous ne pouvons pas concevoir comme des sachants, il faut associer celles et ceux qui vont souhaiter habiter sur le site" [...] permet que l’appropriation soit la plus complète possible en amont pour garantir l’épanouissement et l’harmonie en aval », a ainsi souligné Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde. Le directeur territorial Banque des territoires, Jean-Paul Terren, a évoqué quant à lui ce futur habitat comme un potentiel « point d’ancrage pour la revitalisation de ce centre bourg ».

« Oui, ce projet peut donner une image innovante à notre village, commente Daniel Bouchet. Son atout tient surtout au fait qu’il a été pensé avec ses futurs locataires et avec les habitants du territoire. En ce sens, c’est pour nous aussi une clé pour lutter contre l’isolement des personnes âgées, recréer de la convivialité citoyenne, dynamiser son centre bourg. Voyez, à Lestiac-sur-Garonne, il n’y a plus de commerces, mais qui sait… ces futurs habitants vont peut-être faire émerger de nouveaux besoins ! Et puis c’est un logement situé au cœur du village, avec, déjà, des liens imaginés avec l’école, et avec certaines associations locales. »

Source d’inspiration

« Cet habitat partagé pour les retraités, c’est un projet école, et à taille humaine, qui, je l’espère sera source d’inspiration pour d’autres », poursuit Daniel Bouchet. « Un projet qui a du sens », insiste-t-il, sans pour autant occulter combien sa mise en œuvre a pu être complexe. « Aujourd’hui, l’habitat participatif est à la mode. Des projets fleurissent un peu partout sur le territoire. Mais pour des petites communes de la taille de Lestiac-sur-Garonne, ce n’est pas forcément évident. Il y a eu des frais à engager, avant même d’être sûrs que les subventions nous seraient attribuées – pour l’étude de sols par exemple – qui ont pu donner quelques cheveux gris à certains ! À cet égard, l’accompagnement par Habitats des possibles a été crucial – c’est leur équipe qui nous a aidés à aller chercher les subventions qui s’imposaient », souligne l’édile.

Florence Delisle-Errard confirme. De tels projets mettent souvent 3 à 5 ans avant de sortir de terre. Il ne faut pas l’oublier. « Avant de s’engager dans une démarche de ce type, il y a trois préalables : une équipe municipale engagée, une compréhension du projet par les acteurs ressources du territoire, soignants, clubs seniors, associations…, et une adhésion des éventuels futurs habitants au principe de l’habitat participatif », explique-t-elle.

Signe de l’intérêt de la démarche, Habitats des possibles, qui porte déjà un projet du même type dans la commune voisine de Castillon-la-Bataille, est contactée par un nombre croissant de collectivités, des mairies et des communautés de communes essentiellement, curieuses et désireuses de s’engager elles aussi dans ce type de projet. L’association vient ainsi de démarrer la réflexion avec la mairie d’une petite ville de Gironde, Saint-Selve. Elle est également en discussion avec trois communautés de communes de Gironde, et avec trois communes du Lot-et-Garonne. Membre du réseau national de l’habitat partagé et accompagné (Réseau HAPA), elle envisage aussi essaimer en Nouvelle-Aquitaine. À suivre.

Le financement du projet

Le budget total des travaux de la maison partagée est de 1,029 million d’euros TTC . Porteuse du projet, la commune de Lestiac-sur-Garonne participe à son financement à hauteur de plus de 160.000 €, via un prêt de la Banque des Territoires (PLS) de 116.061 €, et un prêt à taux zéro de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) Aquitaine de 44.809 €. Le reste des travaux est financé via des subventions.

Subventions publiques :

  • Le Département de la Gironde : 317.740 €
  • L’État (DSIL) : 120.518 €
  • La Région Nouvelle-Aquitaine : 89.731 €
  • Le Pôle Sud Gironde (Leader) : 30.000 €
  • La Carsat Aquitaine : 121.077 €

Subventions privées :

  • L’Agirc-Arrco : 146.400 €
  • La Mutualité sociale agricole (MSA) Gironde : 26.000 €
  • La Fondation Terre plurielle : 10.000 €

L’association Habitats des possibles a également été soutenue en ingénierie de projet et travaux, notamment par le département de la Gironde (10.000€), la Fondation Agir sa Vie (15.000€), et la Fondation de France (15.000€).

Commune de Lestiac-sur-Garonne

Nombre d'habitants :

580
1 Chemin de l’église
33 550 Lestiac-sur-Garonne
mairie-lestiac@wanadoo.fr

Daniel Bouchet

Maire

Association Habitats des possibles

24 rue du 8 mai 1945
33 640 Portets
contact@habitatsdespossibles.org

Florence Delisle-Errard

Directrice

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