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Cour des comptes - L'Ile-de-France à la traîne pour le traitement des déchets ménagers

L'Ile-de-France affiche des performances "insuffisantes" dans la gestion de ses déchets, estime la Cour des comptes dans son rapport public annuel publié le 8 février. La haute juridiction met en avant des coûts élevés et un taux de recyclage inférieur à la moyenne nationale.

Organisation institutionnelle et financement "peu adaptés", performances de traitement en "net décalage" avec les moyennes nationales et celles d'autres métropoles européennes, prévention insuffisante, tri sélectif à renforcer… Dans son rapport public annuel publié ce 8 février, la Cour des comptes porte un jugement très sévère sur la politique de traitement des déchets ménagers en Ile-de-France. Avec 5,5 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés collectés en 2013, la région, qui compte 12 millions d'habitants (1.000 hab./km²), produit 15% des déchets ménagers en France, rappelle la Cour. Dans le cadre du service public de gestion des déchets, les collectivités territoriales doivent prendre en charge ceux produits par les ménages comme ceux des entreprises et des administrations. En 2013, les collectivités franciliennes ont ainsi prélevé 1,5 milliard d'euros pour financer la collecte et le traitement de ces déchets. L'organisation de ce service public en Ile-de-France rencontre des contraintes spécifiques liée à la forte densité de population en cœur de région et par des écarts très nets entre la zone centrale de la métropole du Grand Paris (20% du territoire régional) et le reste du territoire (80%), essentiellement rural.

Une organisation institutionnelle éclatée

Les Sages de la rue Cambon pointent d'abord des problèmes d'organisation institutionnelle. Celle-ci se trouve éclatée entre 26 organismes d'échelle très variée : la région comprend à la fois le plus grand syndicat de traitement d'Europe, le Syctom, qui couvre à la lui seul 5,7 millions d'habitants et 44% des déchets produits tandis qu'à l'opposé, 12 syndicats couvrent chacun moins de 200.000 habitants. "La carte et l'organisation des syndicats de traitement ne prennent pas du tout en compte la recomposition de fond du paysage de l'intercommunalité à fiscalité propre actuellement en cours en Ile-de-France, relève la Cour. Les initiatives en matière de rationalisation de l'organisation du traitement sont quasi inexistantes et la loi continue à autoriser une intercommunalité à adhérer à plusieurs syndicats de traitement à la fois, bloquant toute possibilité d'évolution de l'organisation institutionnelle du traitement des déchets en Ile-de-France." 

Coût de gestion par habitant supérieur à la moyenne nationale

Dans ce contexte, le coût de gestion du service public des déchets, s'il a tendance à baisser, reste nettement supérieur au reste du territoire national (72 euros HT par habitant contre 63 euros). Alors que le financement du service public de gestion des déchets franciliens est assumé à 95% par les contribuables via la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la Cour juge "nécessaire" un rééquilibrage vers les producteurs de déchets assimilés et les metteurs de produits sur le marché, qui représentent un quart des déchets gérés par le service public dans la région. Actuellement, le financement spécifique appliqué à ces déchets via la redevance spéciale n'est en effet appliqué que par 30% des collectivités franciliennes et ne couvre que 5% du financement total de la gestion des déchets. Et si les metteurs sur le marché contribuent désormais partiellement au financement du service public de gestion des déchets, par le biais des filières de responsabilité élargie du producteur, leur contribution en Ile-de-France est inférieure à la moyenne nationale, note encore la Cour.

Taux de recyclage à améliorer

En termes de performances de traitement, l'Ile-de-France fait aussi figure de mauvais élève, quel que soit le flux de déchets concerné. En 2014, les ménages et les entreprises franciliennes ont produit 462 kg de déchets par habitant. Du fait de collectes séparées (verre, emballages, papiers) peu performantes, les déchets sont majoritairement incinérés (60%) mais 9% d'entre eux sont encore enfouis, selon des chiffres de 2013.
Seulement 26% ont été recyclés alors que la moyenne nationale est de 39%, l'Allemagne affichant 64% et la moyenne européenne 44%. "Ce taux a progressé entre 2010 et 2015" (jusqu'à 28%), note le rapport, mais il est loin de l'objectif de 45% de déchets recyclés de la loi de 2009 et des 55% prévus par la loi sur la transition énergétique en 2020". A Paris, ce taux est de seulement 14% (2015). "Ces faibles performances placent la région Ile-de-France en net retrait par rapport à plusieurs régions et métropoles européennes", soulignent les Sages, qui citent en exemple, la Flandre, les agglomérations de Tallin, Milan ou Odense (Danemark) et la Catalogne.

Mauvaises performances de tri à Paris

Le rapport signale que Paris, comme beaucoup de zones très denses, a de piètres performances de tri, notamment car de nombreux immeubles n'ont pas de bacs pour les papiers et emballages (9.900 immeubles soit 15%) et pour le verre (34%). Mais également car il n'y a pas de collecte séparée des déchets organiques auprès des restaurants par exemple.
Que ce soit auprès des professionnels ou des particuliers, la collecte de ces biodéchets est appelée à se développer, la loi sur la transition énergétique prévoyant une généralisation de ce tri à l'horizon 2025. Aucune filière n'est pour l'instant organisée en Ile-de-France, contrairement à des villes comme Lorient, Montpellier, Milan ou Barcelone, etc. Or, ces déchets organiques représentent un quart des poubelles et peuvent être transformés en engrais naturel (compost) ou en gaz naturel (usine de méthanisation). Paris va tester à partir de cet été dans deux arrondissements (IIe et XIIe) la collecte séparée de ces déchets, qui seront dirigés par une nouvelle poubelle collective orange.

Tarification incitative à développer hors des zones denses

Au chapitre des recommandations, la Cour demande à l'Etat de réorganiser la carte des syndicats mixtes de traitement des déchets, en cohérence avec la réforme de l'intercommunalité en Ile-de-France. Elle conseille à la région de mettre en place une programmation régionale des déchets intégrant les spécificités territoriales et d'améliorer la coordination des acteurs publics dans sa mise en œuvre. Elle préconise aussi d'optimiser le financement du service public de gestion des déchets en augmentant la contribution financière des producteurs de déchets mis sur le marché et en développant la tarification incitative au sein des collectivités situées hors des zones denses de l'Ile-de-France dans un premier temps. Elle suggère également de favoriser l'apport volontaire (dépôt dans des bacs dans un quartier par exemple ou création de déchetteries), de développer une collecte séparée pour quatre types de matériaux (verre, emballages légers, cartons/papiers, biodéchets) et de moderniser les centres de tri.

 

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