Urbanisme - L'inconstructibilité par suite d'une décision administrative ne permet pas d'annuler une vente pour erreur
A la suite d'un retrait de permis de construire délivré après la signature d'une vente, la Cour de cassation a considéré, dans une décision du 23 mai 2007, que la rétroactivité n'avait pas d'impact sur l'erreur, appréciée au moment de la conclusion du contrat.
A l'origine de cette décision, une société a vendu à un couple de particuliers une parcelle de terrain à bâtir située au bord d'un cours d'eau sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire. Cette condition remplie et le permis délivré, la vente a été réitérée. Or, moins d'un mois après cet accord, une crue s'est produite. Le maire a alors décidé de rapporter l'arrêté qui autorisait la construction et de refuser le permis de construire. Dans ce contexte, les époux ont demandé l'annulation de la vente de la parcelle. Devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence saisie de l'affaire, ils ont soutenu, d'une part, que leur consentement avait été vicié dans la mesure où ils n'avaient acquis la parcelle que parce qu'elle était constructible et, d'autre part, que les notaires auteurs de l'acte de vente avaient manqué à leur devoir de conseil.
Par un arrêt du 11 octobre 2005, la cour d'appel a répondu que le retrait faisait disparaître rétroactivement la décision qui en faisait l'objet - en l'espèce, la décision d'octroi du permis de construire, rapportée par arrêté municipal ; laquelle, de ce fait, était réputée n'avoir jamais existé. Les époux ayant fait insérer dans l'acte de vente la condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire et le terrain en cause étant devenu dès lors inconstructible, la cour en a déduit que le caractère constructible du terrain était un motif déterminant du consentement donné par les requérants et a conclu que la demande en nullité devait être accordée pour erreur sur la substance. En revanche, la cour d'appel a relevé que les notaires avaient pris la précaution de faire signer aux époux une fiche d'urbanisme annexée à l'acte de vente les informant notamment du caractère inondable du terrain en cause. Les juges en ont déduit qu'il ne pouvait être reproché aux notaires d'avoir manqué à leur devoir de conseil et écarté ce moyen.
Saisie du litige, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel sur le premier moyen en rappelant que la rétroactivité n'avait aucune incidence sur l'erreur qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat. En effet, l'erreur pour être prise en compte doit exister au moment de la formation du contrat. Or, en l'espèce, le terrain était devenu inconstructible postérieurement à l'acte de vente. Dès lors, la cour d'appel a violé l'article 1110 du Code civil relatif à l'erreur pour vice du consentement.
Par ailleurs, pour la Cour de cassation, la mise en garde des notaires semble insuffisante : elle considère que les juges du fond auraient dû rechercher si les notaires n'avaient pas manqué à leur devoir de conseil en omettant d'éclairer leurs clients sur les risques qu'ils encouraient en s'engageant avant que le permis de construire n'ait acquis un caractère définitif.
Antony Fage / Cabinet de Castelnau
Référence : Cour de Cassation, 3e chambre civile, 23 mai 2007, 06-11889.