Finances locales - L'investissement redémarre, les dépenses de fonctionnement restent contenues

L'heure est bien à l'embellie pour les finances du secteur public local. C'est ce qu'affirme La Banque postale Collectivités Locales dans sa note de conjoncture présentée à la presse ce 15 mai. Avec une nette progression de l'épargne locale, l'investissement poursuivra cette année la reprise entamée l'an dernier. Cerise sur le gâteau : en 2018, les collectivités devraient facilement atteindre les objectifs fixés par les contrats sur les dépenses, actuellement au centre de négociations avec l'Etat.

Le dispositif de la contractualisation sur les dépenses de fonctionnement, dont la mise en place nécessite des négociations entre l'Etat et chacune des plus grandes collectivités locales et intercommunalités et suscite de farouches critiques de la part des principales associations d'élus locaux, était-il au fond bien nécessaire ? Pour l'année 2018 en tout cas, l'exécutif aurait probablement pu en faire l'économie, selon Luc-Alain Vervisch, nouveau directeur des études de La Banque Postale Collectivités Locales (BPCL). Et pour cause : l'établissement financier s'attend à une progression des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales de 0,9% en moyenne cette année, celles-ci atteignant 182,5 milliards d'euros. L'évolution des dépenses de fonctionnement serait donc inférieure cette année à l'objectif de 1,2% de croissance en valeur de ces dépenses, que la loi de programmation des finances publiques fixe globalement pour chaque année du mandat.
La maîtrise de la croissance des dépenses de personnels (66,2 milliards d'euros à la fin de l'année) expliquerait une bonne partie de ce bon résultat. Le report de l'application du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), le gel du point d'indice, le rétablissement du jour de carence se conjugueraient pour limiter en effet à + 0,8% la progression de ces dépenses, soit l'un des plus faibles taux de ces vingt dernières années. Cette évolution est nettement inférieure à celle de l'an dernier (+ 1,4%). Les prestations sociales et les transferts versés (62,3 milliards d'euros) enregistreraient également une décélération (+ 1,2%, après + 1,8% en 2017), notamment du fait de la fin de la prise en charge par les régions du dispositif "500.000 formations supplémentaires".
En maîtrisant leurs dépenses de fonctionnement en deçà de l'objectif voulu par l'exécutif, les collectivités "dégagent de la marge pour les années suivantes", souligne Luc-Alain Vervisch. Cette petite avance sera peut-être utile dès 2019, car les dépenses de personnels pourraient repartir à la hausse. "L'objectif de + 1,2% par an en valeur n'est donc pas si facile à tenir", estime le spécialiste.

L'épargne brute devrait se redresser de près de 5% en 2018

L'évolution des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales devrait également être bien orientée cette année. Ces recettes devraient croître de 1,6% pour s'élever à 226,3 milliards d'euros. A l'arrêt de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) s'ajoute la poursuite de l'augmentation des recettes fiscales. En excluant la fraction de TVA dont bénéficient les régions en remplacement de leur DGF, celles-ci seraient en hausse de 2,3% et s'élèveraient à 150,5 milliards d'euros. La croissance des bases serait à l'origine de cette tendance, beaucoup plus que les taux d'imposition, auxquels les élus locaux auraient faiblement recours (+ 0,2%).
Avec des dépenses supérieures aux recettes, les collectivités territoriales dans leur ensemble devraient voir leur épargne brute s'améliorer pour la troisième année consécutive. En progression de 4,9%, celle-ci atteindrait 43,7 milliards d'euros, soit "un niveau inégalé en volume", selon Luc-Alain Vervisch. Ces "nouvelles marges de manœuvre financières" permettent de financer les dépenses d'investissement des collectivités locales, en particulier celles des petites communes qui, davantage que les autres, ont tendance à recourir à l'autofinancement, selon celui qui a présidé l'Afigese (association réunissant les responsables territoriaux des finances, de l'évaluation et du contrôle de gestion). La bouffée d'oxygène arrive à point nommé : au cours de la deuxième phase du mandat municipal, les communes et leurs groupements accélèrent traditionnellement dans la mise en œuvre de leurs projets.

Vers un nouveau modèle de financement

La reprise de l'investissement local entamée l'an dernier (+ 5%) s'avère solide : hors remboursements de la dette, les dépenses d'équipement des collectivités territoriales bondiraient cette année de 6,1%. Elles atteindraient ainsi 52,7 milliards d'euros à la fin de l'année. Cette reprise serait tirée essentiellement par les communes et leurs groupements. Mais aussi peut-être par les départements, dont les investissement s reculaient depuis huit ans. Si les dépenses d'investissement local progressent de nouveau de 5,5% en 2019 - une hypothèse réaliste – les collectivités territoriales auront consacré 308 milliards d'euros à ce poste, sur la période 2014-2019 qui correspond au mandat municipal en cours, estime LBPCL. Cela représente 17 milliards d'euros de moins (en euros courants) que les dépenses d'investissement engagées durant la période 2008-2013 (soit à peu près la période du précédent mandat municipal). Cela équivaut à une réduction de 5,2% de l'investissement local entre les deux mandats. Au final, "la baisse en volume de la DGF, de l'ordre de 45 milliards d'euros sur la période actuelle, aura certes pesé sur les investissements locaux, mais pas dans la proportion qu'on craignait", affirme Luc-Alain Vervisch. La bonne tenue des recettes fiscales a compensé en partie la baisse de la DGF, explique-t-il.
La possibilité qu'ont eu les départements de relever le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties leur ont permis d'amortir le choc de la baisse des dotations. Si à l'avenir les collectivités devaient être financées par davantage de fiscalité nationale, comme le préconise la mission Richard-Bur, pourraient-elles faire face à de nouvelles difficultés budgétaires ? Le directeur des études de LBPCL constate que si les propositions de la mission trouvaient grâce aux yeux du Parlement, la part des impôts nationaux partagés (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, TVA…) passerait de 10% des recettes de fonctionnement des collectivités locales cette année à 21% après la réforme. Et même à 25% dans le cas où les droits de mutation à titre onéreux départementaux étaient transférés à l'Etat (ce qui est envisagé par la mission). En parallèle, la part des recettes fiscales dont l'assiette est territorialisée, serait réduite de 56% à 46%.
La suppression de la taxe d'habitation qui serait à l'origine de cette révolution fiscale, pose aussi la question de la conservation du lien entre l'habitant et sa collectivité, considère Luc-Alain Vervisch. Selon l'expert, les élus locaux pourraient trouver une réponse au travers des tarifs des services publics. "Ce sera peut-être un chantier important au cours du prochain mandat municipal", conclut-il.