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Maîtrise de la dépense locale : les premiers contrats signés à Matignon

On avait surtout entendu ces dernières semaines des "non" et des "oui mais". Ceux-là pourtant assurent ne pas avoir hésité à dire oui : neuf élus représentant onze collectivités ou intercommunalités prêts à signer les premiers contrats de maîtrise de la dépense locale. La chose se devait d'être mise en valeur. La preuve par l'exemple. C'est donc à Matignon que ces élus, accompagnés des préfets de leurs départements respectifs, ont été invités ce 16 avril pour une séance de signatures groupées, sous la houlette d'Edouard Philippe et de trois membres de son gouvernement – Gérard Collomb, Jacqueline Gourault et Olivier Dussopt. L'occasion pour le Premier ministre, naturellement, de féliciter ces "pionniers" du nouveau mécanisme de contractualisation, en ne doutant pas que d'autres suivront rapidement.
Ces "pionniers" sont en l'occurrence la ville et la métropole de Bordeaux, les villes et communautés urbaines de Reims et de Perpignan, les villes de Nice et de Niort, et les départements du Tarn-et-Garonne, du Loir-et-Cher et de la Seine-Maritime. Pas de région dans le lot, donc.

Des contrats "très divers"

L'occasion aussi pour Edouard Philippe de revenir sur les principes et objectifs ayant présidé à cette formule du contrat, qu'il définit comme un "encadrement de l'augmentation de la dépense locale". "Certains ont laissé entendre qu'on imposerait aux collectivités une diminution de leurs dépenses de fonctionnement ; or non, il s'agit bien d'une hausse maîtrisée", limitée à 1,2%, a-t-il rappelé. L'idée était, tout en "maîtrisant l'évolution de la dépense publique", d'"éviter un gel ou une baisse des dotations" de l'Etat, d'offrir aux collectivités "de la lisibilité et de la stabilité dans l'évolution de leurs ressources", de tenir compte des "spécificités locales"… Avec le choix de se concentrer sur les plus grandes collectivités, là où se trouve l'essentiel de la dépense. Au final, on le sait, les contrats tels que définis par la loi de programmation des finances publiques doivent théoriquement concerner 322 collectivités ou EPCI.
"Le contrat, c'est la base de la décentralisation", a assuré l'ancien maire du Havre, tout en reconnaissant que l'exercice n'était "pas tout à fait simple". Un exercice "délicat" parce que "nouveau". Et parce qu'ayant parfois été "teinté d'une touche de questionnement… voire d'un peu de mauvaise foi" de la part de certains élus, a-t-il glissé.
Au final, ces onze premiers contrats seraient "très divers", a estimé le Premier ministre, y compris sur les taux d'évolution des dépenses de fonctionnement retenus.

"Ce ne sera pas facile"

Effectivement, le taux finalement retenu pour Nice par exemple, sera de 0,75%, sachant que le préfet avait au départ proposé un taux d'évolution annuelle de 1,05%, a indiqué le maire de la ville, Christian Estrosi (LR). Celui-ci n'a pas tari d'éloges sur le dispositif, qui marque selon lui "un changement de culture dans notre relation avec l'Etat", "une marque de respect vis-à-vis des collectivités". La métropole de Nice signera d'ailleurs bientôt son propre contrat.
Alain Juppé, lui, était venu signer à la fois pour sa ville et pour sa métropole. La tonalité bordelaise est elle aussi clairement positive. Alain Juppé parle d'une "démarche plus innovante et plus intelligente" qu'une baisse des dotations. "Je me suis tout de suite engagé dans la démarche", indique-t-il, soulignant toutefois que même pour une ville et une métropole "en bonne santé financière", ce "ne sera pas facile". "Cela impliquera des efforts importants", a-t-il insisté, citant quelques postes de dépenses de fonctionnement nécessairement en hausse : les dépenses de la métropole visant à la péréquation avec les territoires ruraux, la construction de nouveaux groupes scolaires liée à la croissance démographique… Et l'ancien Premier ministre d'espérer une "contrepartie" : "Que l'Etat rompe avec une vieille habitude qui consiste à nous transférer des charges qu'il ne compense pas."
D'autres voix lui ont emboîté le pas, dont celle du maire de Reims : "Attention aux transferts de charges", "il ne faut pas surcharger la barque, il y a un moment où l'on ne pourra pas faire face", a mis en garde Arnaud Robinet (LR), tout en se félicitant lui aussi du "changement de paradigme" ouvert par ces contrats.
Son homologue de Niort, Jérôme Baloge (Parti radical), se félicite notamment qu'on ait laissé les collectivités "libres de [leur] capacité d'investissement", puisque seules les dépenses de fonctionnement sont concernées par la limitation de la hausse. Il a aussi jugé que "l'écriture du contrat avec le préfet a été une démarche appréciable".

Le dossier des MNA toujours en suspens

Du côté des présidents de conseils départementaux, Nicolas Perruchot (LR), président du Loir-et-Cher, a lui aussi salué l'état d'esprit dans lequel le travail a pu se faire avec le préfet. Là encore toutefois, la volonté de faire savoir que "les contraintes sont fortes"… et l'attente de propositions gouvernementales concernant "l'APA, le RSA, les MNA, le handicap".
La semaine dernière encore, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) redisait que la plupart des départements ne signeraient pas leur contrat avec l'Etat avant qu'une solution acceptable ne soit finalisée concernant les allocations individuelles de solidarité (AIS) et les mineurs non accompagnés (MNA).
Les deux autres présidents de départements signataires présents à Matignon ce 16 avril ont également évoqué le dossier des MNA. "Nous aurions besoin d'une petite aide pour les MNA…", a glissé Christian Astruc (SE), président du Tarn-et-Garonne. Pour la Seine-Maritime, Pascal Martin (UDI), a dit attendre "une position définitive du gouvernement sur ce dossier des MNA", sachant que dans son département, les dépenses liées aux MNA sont passées de 8 à 16 millions d'euros.
"Nous sommes en train de discuter avec l'Assemblée des départements de France, le gouvernement a mis sur la table un certain nombre de propositions qui font actuellement l'objet d'une… maturation", leur a répondu Edouard Philippe.
Le Premier ministre a par ailleurs précisé que les dépenses liées aux fonds de péréquation imposés par l'Etat étaient bien "détourées", autrement dit exclues du champ pris en compte par les contrats. Ce qui n'est pas le cas, en revanche, des dépenses de péréquation ou de solidarité "librement choisies" par les collectivités ou EPCI.