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Logement outre-mer : le compte n'y est toujours pas, mais l'espoir revient

"Le logement dans les départements et les régions d'outre-mer" : dans ce rapport thématique qu'elle vient de publier, la Cour des comptes dresse, "en dépit des efforts déployés", un tableau plutôt sombre de la situation. Les causes sont multiples : rareté du foncier, pression démographique, manque d'ingénierie locale, multiplicité des acteurs... La Cour préconise de repenser le système de financement dual (incitations fiscales vs subventions) et appelle à "consolider les perspectives du deuxième plan logement outre-mer" par, notamment, une adaptation des règles ou normes et un soutien renforcé aux acteurs locaux.

La Cour des comptes livre un rapport public thématique – réalisé avec les cinq chambres régionales de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion – sur "Le logement dans les départements et les régions d'outre-mer". Celui-ci dresse un tableau plutôt négatif de la situation, en considérant qu'"en dépit des efforts déployés ces dernières années, notamment à travers le premier plan logement outre-mer (Plom) adopté en 2015, les acteurs privés et publics apparaissent en difficulté pour répondre à la demande – notamment de logements locatifs sociaux et très sociaux – et pour améliorer les conditions de logement des habitants ultramarins".

Un parc, notamment social, toujours insuffisant

Le constat a déjà été dressé par de nombreux rapports parlementaires ou autres : pour 2,15 millions d'habitants, les départements et régions d'outre-mer (Drom) comptent 775.000 habitations, dont seulement 164.400 logements sociaux (la synthèse du rapport parle curieusement de 155.000 logements sociaux), soit un taux moyen de 21,2%, allant de 25,1% en Guyane à 0,6% à Mayotte. Si ce taux moyen est inférieur au nouveau taux pivot de 25% de logements sociaux fixé par la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains), on notera quand même qu'il est très supérieur au taux moyen de la métropole, soit 14,6%. Mais il concerne des territoires où le revenu moyen des habitants est nettement plus faible qu'en métropole et où la très grande majorité de la population (1,72 million de personnes) est éligible au logement social. Le prix moyen à la location d'un logement social dans les Drom (4,82 euros/m2) est inférieur à celui de la France entière hors Ile-de-France (5,41 euros) et plus encore à celui de l'Ile-de-France (6,73 euros). Enfin, cette insuffisance de l'offre aboutit à l'existence d'un "habitat informel" spécifique aux Drom, souvent indigne et insalubre, estimé à environ 12% des logements.

Un système de financement dual à repenser

De même que le constat, les difficultés spécifiques au logement outre-mer sont également déjà bien documentées : rareté du foncier (sauf en Guyane) avec pour conséquence une hausse du coût du foncier de 40% entre 2014 et 2017, pression démographique (surtout à Mayotte et en Guyane), coût des matériaux importés, manque d'ingénierie locale, réglementation nationale et "enchevêtrement des instruments de planification" pas toujours adaptés pour l'outre-mer...

Mais la Cour des comptes pointe aussi la multiplicité des acteurs sur des territoires peu étendus et relativement peu peuplés. Si La Réunion compte 860.000 habitants, chacun des quatre autres départements ne dépasse pas la population de la Drôme. Le rapport appelle donc à "repenser profondément les nombreux dispositifs d'intervention dont dispose la puissance publique", qui "doivent être recentrés à partir de la réalité des situations locales et des besoins des populations". Contrairement à un discours habituel, la Cour recommande "une meilleure prise en compte de l'importance majeure du secteur privé, dans lequel loge 85% de la population".

Elle préconise aussi de repenser le système de financement dual, avec d'un côté les incitations fiscales mises en place en 2009 et, de l'autre, les subventions financées par la ligne budgétaire unique (LBU) du programme 123 "Conditions de vie outre-mer", géré par le ministère des Outre-mer. La Cour des comptes avait déjà pointé, notamment dans un référé de 2013, que les incitations fiscales, qui ont pris progressivement la place des subventions, jouent peu sur la production de logements sociaux et ne sont pas dénuées d'effets pervers, comme des surcoûts profitant à des intermédiaires. Le rapport estime ainsi qu'avant 2010, un million d'euros de financement public (à l'époque uniquement d'origine budgétaire), permettait de construire 38 logements outre-mer, "alors que depuis cette date, majoritairement appuyé sur des dépenses fiscales, il ne permet plus que de construire 16 logements".

Les perspectives intéressantes du Plan logement outre-mer 2020-2022

Enfin, le rapport appelle à "consolider les perspectives du deuxième plan logement outre-mer" (sur le contenu du Plom 2020-2022, voir notre article ci-dessous du 4 décembre 2019). Après les "résultats inégaux" du premier Plom, la Cour souligne en effet "l'intérêt des orientations qui inspirent le nouveau Plom" : territorialisation de la politique du logement, association des communes et des EPCI, partenariat plus étroit entre les acteurs locaux...

Pour cela, le rapport propose notamment de déployer des politiques régionalisées, d'adapter les règles d'urbanisme et les normes de construction aux réalités de chaque Drom, de diversifier l'offre du parcours résidentiel (avec davantage de logement locatif très social – LLTS –, mais aussi le développement d'une offre de qualité dans le logement intermédiaire et libre), de renforcer le soutien aux acteurs locaux (dont les collectivités) qui "peinent à faire face à des plans de charges irréguliers ou à des délais de paiement excessifs"...

Parmi les 14 préconisations du rapport qui doivent concrétiser ces orientations, on retiendra notamment la création de ZAC en concertation avec les offices publics fonciers, la mise à disposition des collectivités d'un service d'ingénierie public, le transfert de la dépense fiscale sur la LBU (ligne budgétaire unique) et la contractualisation de cette dernière sur la période du plan, la priorité systématique au LLTS dans la politique d'agrément des opérations HLM, ou encore l'encouragement à la mutualisation des achats de matériaux de construction au profit des professionnels du BTP et des bailleurs sociaux.

 

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