Loi SRU : un bilan triennal "décevant"... et, dans certains cas, "catastrophique"

C'est ce que constate la Fondation Abbé Pierre dans son palmarès 2020-2022 d'application de l'article 55 de la loi SRU sur les objectifs de production de logements sociaux. 64% des 1.031 communes soumises à la loi SRU n'ont pas atteint leurs objectifs triennaux. C'est plus qu'il y a trois ans.

Il y a trois ans, la Fondation Abbé Pierre évoquait "des objectifs globalement atteints". Elle publiait alors son "palmarès" de la période 2017-2019 d'application de l'article 55 de la loi SRU sur le pourcentage de 20 ou 25% de logements sociaux. Le nouveau palmarès publié ce 6 décembre, qui porte sur la période triennale suivante, soit 2020-2022, est plus négatif. En moyenne en effet, "à l’échelle de l’ensemble des communes SRU, le taux d’atteinte est de 67%, en chute par rapport aux périodes triennales précédentes : 116% en 2017- 2019 ; 106% en 2014-2016 (voir ci-dessous nos articles sur les deux précédentes périodes). La fondation parle donc d'un "tableau d'ensemble très décevant".

Plus précisément, sur 1.031 communes soumises à la loi SRU, "659 n'ont pas atteint leurs objectifs 2020-2022, soit 64% des communes, alors qu’elles n’étaient que 47% dans ce cas-là trois ans plus tôt". Et ce, alors même qu'en théorie, les communes étaient censées "combler la moitié de leur retard en trois ans" pour atteindre les objectifs d'ici 2025. Certes, depuis, la loi 3DS est venue prolonger la loi SRU au-delà de 2025.

La fondation évoque plusieurs explications à ces trois années "très négatives au niveau de la production HLM en général" : le covid, les mesures telles que la hausse de la TVA et la ponction RLS sur les organismes HLM, la hausse des prix, la rareté foncière… mais aussi la "frilosité voire opposition de certains élus locaux" face à la production de logements sociaux.

Le constat n'est évidemment pas le même partout. Avec des contrastes notables selon les régions. Tandis que la Normandie, la Bretagne ou les Hauts-de-France sont "toutes au-delà de 100% d'atteinte de l'objectif", une région se distingue au contraire par de mauvais résultats, la région Paca. En Paca en effet, 158 des 166 communes (soit 95%) "n'ont pas atteint leurs objectifs". "Ce manque de volonté parfois revendiqué n'est pas nouveau mais semble encore se renforcer ces dernières années", peut-on lire. Et cela concerne y compris les plus grandes villes de la région : Marseille, Nice, Aix-en-Provence, Cannes, Toulon...

Partout en France d'ailleurs, les grandes villes ne sont pas les plus exemplaires. La fondation relève ainsi que "parmi les douze villes de plus de 100.000 habitants concernées, seule une a respecté ses objectifs légaux" : Montpellier. On rappellera qu'au-delà de l'objectif quantitatif, les communes doivent également répondre à un objectif qualitatif de "répartition des logements produits entre les différentes catégories de logement" (au moins 30% de logements très sociaux PLAI et pas plus de 30% ou 20% de logements "peu sociaux" PLS).

Ainsi, Paris a bien respecté ses objectifs quantitatifs (la ville "a plus que doublé son taux de HLM en vingt ans" et a ainsi atteint son objectif de 25%), mais en revanche a réalisé "un peu trop de PLS". Nice aurait quant à elle "abusé des PLS". A contrario, Annecy par exemple a atteint son objectif qualitatif mais pas quantitatif. D'autres grandes villes n'ont réalisé ni l'un ni l'autre : Lyon, Bordeaux, Perpignan, Boulogne-Billancourt… pour ne citer que des cas hors Paca.

Le "palmarès" détaille les situations des 646 communes n'ayant pas atteint leur objectif quantitatif triennal. Il y celles qui, en trois ans, n'ont produit aucun logement social (Périgny, Coubron, Mimet…), les villes "riches" qui atteignent un minuscule pourcentage de l'objectif (1% à Neuilly, 2% à Rambouillet), celles qui ont même un score négatif en ayant réalisé moins de logements qu'elles n'en ont vendu ou démoli (Saint-Rémy-lès-Chevreuse, Prades-le-Nez, la Seyne-sur-Mer…).

Au final, la fondation pointe du doigt "douze communes qui ont été systématiquement carencées lors des six premières périodes triennales pour leur inaction" et constate que ces communes affichent cette fois encore "un bilan catastrophique".

A la fin de chaque période triennale, le préfet est chargé d'indiquer "son intention ou non de 'carencer' la commune, en prenant en compte sa bonne ou mauvaise volonté". La fondation constate "une sévérité très inégale des préfets", ceux-ci n'ayant carencé qu'environ la moitié des communes qui n'ont pas respecté leurs objectifs. Selon elle, les arguments avancés par les préfets pour ne pas carencer seraient parfois "peu pertinents".

En conclusion, le document formule quelques recommandations pour améliorer le dispositif SRU : application plus ferme, sanctions plus strictes avec la reprise des compétences d'urbanisme ou d'attributions de logements sociaux… Et en matière d'attributions justement, la fondation plaide pour "une loi SRU des attributions HLM, en particulier à travers une application réelle des quotas en faveur des ménages prioritaires et des ménages pauvres". Elle prend ainsi le contrepied de ce qui a été énoncé lors du comité interministériel des villes de fin octobre, à savoir le fait d'"interdire le relogement des ménages prioritaires Dalo dans les quartiers défavorisés" (voir notre article sur ce CIV).

 

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