Enfance - L'Onpes pointe "l'invisibilité" de l'entourage familial des enfants placés à l'ASE
L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) publie, dans sa dernière Lettre, les résultats d'une étude sur "L'entourage familial des enfants placés dans le cadre de la protection de l'enfance". Les relations entre les professionnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et les familles des enfants placés constituent un sujet complexe et récurrent, nettement moins étudié que la situation des enfants eux-mêmes.
Des relations globalement difficiles avec les professionnels de l'ASE
L'étude a été menée, pour le compte de l'Onpes, par le cabinet FORS-Recherche Sociale et repose à la fois sur une revue de littérature sur le sujet et sur la conduite et l'analyse transversale de dix entretiens semi-directifs approfondis de membres de l'entourage familial d'enfants placés. Ce caractère très limité de l'échantillon, mais aussi l'absence de prise en compte du point de vue des professionnels, constituent toute la limite de l'étude. Une limite d'ailleurs reconnue par ses auteurs, qui revendiquent "un point de vue totalement subjectif, partial et assumé comme tel".
Ce biais méthodologique n'obère pas pour autant l'intérêt intrinsèque de l'étude. Celle-ci met en effet en évidence "les formes d'invisibilité vécues par les parents d'enfants placés". Cette invisibilité porte sur leurs conditions de vie matérielle, sur leur rôle éducatif, sur leur bonne volonté et leurs efforts, sur la mise entre parenthèses de tous les aspects de leur existence sociale durant la période de placement...
Les entretiens témoignent aussi de relations globalement difficiles avec les professionnels de l'aide sociale à l'enfance : "Les parents ont à la fois l'impression de ne pas pouvoir entrer en contact avec l'institution, mais également d'être tenus à distance. Ils se sentent démunis face à l'omnipotence de l'ASE, mais aussi son 'silence', et la violence, en creux, qu'elle exerce sur eux. Ils disent ne pas être entendus et ne pas avoir la possibilité de s'exprimer". Ils ont aussi le sentiment de ne pas être soutenus en tant que parents. Ceci vaut d'ailleurs pour les travailleurs sociaux comme pour les juges pour enfants.
Le sentiment d'être humilié
La mesure de placement a également des conséquences "externes". Elle engendre en effet elle-même une obligation d'invisibilité, afin ne pas révéler à l'entourage et aux relations l'absence des enfants et les raisons de cette absence. L'étude souligne toutefois que ce processus "d'invisibilisation" était souvent déjà engagé avant l'intervention de l'ASE. Dans ce cas, il résulte le plus souvent d'une succession de ruptures se traduisant par une exclusion sociale.
Mais cette invisibilité n'est pas la seule difficulté évoquée par les parents d'enfants placés. Ces derniers évoquent en effet aussi le sentiment d'être scrutés et jugés par les professionnels de l'ASE qui prennent en charge leurs enfants. Ils déplorent une trop grande focalisation sur leur vie privée et le non-respect de leur intimité. Ils "expriment massivement le sentiment d'être humiliés, non reconnus, non pris en compte, stigmatisés".
L'étude y voit la manifestation du paradoxe du phénomène de l'invisibilité sociale : "pour être mal vu, il faut avoir été préalablement vu, mais une visibilité grevée de représentations négatives stéréotypées" (voir notre article ci-contre du 23 novembre 2015).