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Finances publiques - Lons-le-Saunier, pilote du traitement mutualisé des factures avec l'Etat

Des agents du centre des finances publiques et des agents territoriaux réunis dans un seul et même service : cette organisation originale va devenir une réalité à Lons-le-Saunier. Elle va permettre de traiter plus efficacement les factures de la ville et de la communauté d'agglomération notamment. Après cette première nationale, d'autres collectivités pourraient se lancer dans l'aventure.

"Une avancée décisive en matière de modernisation du service public rendu à nos concitoyens." C'est en ces termes élogieux que le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, a décrit, le 6 février, à l'hôtel de ville de Lons-le-Saunier, le "service facturier commun" que le chef-lieu du Jura et sa communauté d'agglomération, d'une part, et la trésorerie, d'autre part, mettront en place le 1er mai prochain.
Cette initiative, presque inédite, correspond à un stade avancé de coopération entre le secteur public local et la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce véritable service mutualisé aura pour mission de traiter l'ensemble des factures émises par les fournisseurs de cinq entités : la ville et la communauté d'agglomération, le centre communal d'action sociale, le syndicat mixte pour la gestion de la cuisine centrale et le pôle d'équilibre territorial et rural du pays lédonien. Implanté dans des locaux dans lesquels la trésorerie emménagera à partir d'avril prochain, ce service sera composé de deux agents mis à disposition par la ville et la communauté d'agglomération et de deux agents de l'Etat.

Mutualisation des tâches

Placés sous l'autorité de l'adjoint au comptable public chargé du secteur communal, ces agents conserveront les droits et obligations prévus par leur statut d'origine et les règles de vie au travail, ainsi que le traitement et le régime indemnitaire de leur administration. Dans un premier temps, ils exerceront leurs attributions habituelles. Mais, après avoir suivi les formations nécessaires, ils mutualiseront progressivement leurs tâches. Les quatre agents seront responsables de l'ensemble de la chaîne de la dépense : réception des factures des fournisseurs, opérations de liquidation, de mandatement ainsi que de contrôle et de règlement des dépenses. Pour cela, ils disposeront d'un accès aux systèmes informatiques et de l'ordonnateur (Ciril) et du comptable (Hélios).
Ainsi, comme l'indique la DGFIP, "la frontière entre les services de l'ordonnateur et ceux de son comptable public assignataire sera assouplie, notamment en matière de liquidation de la dépense". Sans toutefois remettre en cause la séparation entre l'ordonnateur et le comptable et les compétences et responsabilités fondamentales de chacun de ces acteurs. Par exemple, aucun des personnels du service ne pourra ordonnancer une dépense et certifier le service fait. "Seul l'ordonnateur ou un délégataire pourra disposer de cette compétence", précise la DGFIP.
La réorganisation est profonde, mais les structures et les agents concernés y étaient bien préparés. "On ne part pas de zéro, fait remarquer Philippe Gremet, directeur des finances de la ville et de la communauté d'agglomération de Lons-le-Saunier. Au cours des dernières années, nous avons mis en place des conventions entre nos collectivités et la trésorerie, dans le but d'améliorer les procédures. Dans ce cadre, nos équipes avaient déjà des échanges."

Un meilleur suivi des factures

Du rapprochement des compétences en un même lieu est attendue une amélioration de la qualité et de la fiabilité du traitement des factures, sans remise en cause du principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable. Un meilleur suivi devrait aussi résulter de la mutualisation. "Aujourd'hui, on ne sait pas toujours à un instant 't'où se situe exactement la facture, si elle est chez l'ordonnateur ou chez le comptable", explique-t-on dans l'entourage du secrétaire d'Etat au budget. Le service facturier va permettre d'éliminer cette incertitude.
Surtout, il va entraîner un raccourcissement de la chaîne de la dépense. Au lieu de procéder séparément à des opérations de contrôle en amont et en aval, les agents territoriaux et de l'Etat effectueront un unique contrôle. Conséquence : le comptable ne rejettera plus de mandats, comme cela arrive parfois. Au total, comme l'a dit Christian Eckert lors de son déplacement, la chaîne de la dépense sera "fluidifiée" et les délais de paiement seront réduits significativement. "Dans certains cas, nous pourrions parvenir à diviser par deux le délai global de paiement de trente jours maximum", précise un proche du secrétaire d'Etat. "On évitera ainsi à nos fournisseurs, qui sont parfois de très petites entreprises, d'avoir des difficultés de trésorerie", se félicite Philippe Gremet.
Des économies d'échelle seront à la clé, notamment du fait de la suppression des opérations redondantes. Pour Bercy, les employeurs en profiteront pour limiter leurs effectifs, ou pour redéployer ceux-ci sur des sujets présentant des enjeux forts.

D'autres collectivités sont sur la grille de départ

Après une concertation, notamment avec les associations d'élus locaux, le pouvoir réglementaire a prévu il y a déjà plus de quatre ans (par l'article 41 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique) l'organisation de "services facturiers placés sous l'autorité du comptable public". Mais, pour que les premières expériences voient le jour, il a fallu attendre le déploiement de la dématérialisation des échanges entre les ordonnateurs locaux et les comptables publics. Celle-ci "démultiplie les avantages du service facturier", indique une source proche de Christian Eckert.
En étroite relation avec la DGFIP, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et plusieurs ministères ont été les premiers à fonctionner sous ce mode. Le secteur public local restait quant à lui à l'écart. Mais, comme d'autres élus, sensibilisé à la démarche par les services de l'Etat, le député-maire de Lons-le-Saunier, Jacques Pélissard, a été convaincu de son intérêt et a placé sa collectivité et la communauté d'agglomération en pole position. Avant lui, les élus de la ville de Paris ont signé le 6 juillet 2016, avec la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France, une convention pour la mise en place d'un service facturier. Cette unité de plus de 150 agents devrait être opérationnelle en septembre prochain. D'autres collectivités pourraient se lancer dans l'aventure. Selon la DGFIP, le département du Gard et la communauté d'agglomération Nîmes Métropole l'"envisagent", tandis que la ville et l'agglomération d'Agen "ont engagé une phase de réflexion avec la direction départementale des finances publiques". Ce n'est peut-être là qu'un début. La DGFIP rappelle que l'obligation pour les entreprises de transmettre des factures électroniques à leurs clients publics, qui entre en vigueur progressivement depuis le 1er janvier 2017, "constitue une occasion notable de réflexion sur l'optimisation des organisations locales".