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L'outre-mer en tête des plus importants bénéficiaires de la PAC et de la politique de cohésion en France

Une étude – dans une version encore provisoire – du Parlement européen dresse la liste, pour chaque État membres, des 50 plus grands bénéficiaires de la politique agricole commune en 2018 et 2019 et de la politique de cohésion sur la dernière programmation (2014-2020). En France, l'outre-mer y occupe les premières places. Dans les deux cas.

Non, la reine d'Angleterre n'était pas la première bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC). C'est l'Association des criées belges Lava qui détenait le titre en 2018 pour l'ensemble de l'UE. Outre-Manche, c'est le "Natural England" qui occupait la première place (et la seconde en 2019). Créé par une loi de 2006, cet organisme public se veut le "conseiller du gouvernement pour l'environnement en Angleterre", avec pour objectif de "contribuer à la conservation, à l'amélioration et à la gestion de l'environnement au profit des générations présentes et futures, contribuant ainsi au développement durable". On est loin de l'image d'Épinal du grand céréalier.
L'information est tirée de la version provisoire de l'étude sur les 50 plus importants bénéficiaires, dans l'UE et dans chaque État membre, de la PAC et de la politique de cohésion réalisée par des chercheurs du think-tank CEPS et que vient de publier le Parlement européen. Pour mémoire, ces deux politiques représentaient en 2020 les deux tiers du budget de l'Union.

292 dispositifs de recension, dont 31 ignorés de la Commission européenne

Cette étude se fonde sur les quelque 292 dispositifs de recension (reporting en bon français) en vigueur dans les États membres pour retracer les fonds alloués. Si chaque État dispose d'un dispositif unique (un site web) pour la PAC, il en va en effet tout autrement pour la politique de cohésion, pour laquelle on en recense 264 au total (sites web, mais aussi fichiers excel ou PDF) ! Un même État membre peut en compter jusqu'à 30 différents ; c'est le cas de l'Allemagne et de l'Italie (25 en France et 21 en Pologne). Plus étonnant encore, l'étude relève que 31 de ces dispositifs sont ignorées de la liste officielle établie par la Commission européenne... Fort heureusement, le plus souvent (mais ce n'est pas le cas de six États membres), un système consolidé rassemblant tous les bénéficiaires existe toutefois. En revanche, déplore l'étude, ces dispositifs, qui différent les uns des autres, n'offrent pas toujours la possibilité de télécharger les données quand ils sont en ligne, voire limitent le nombre de résultats consultables ou les critères de recherche. Fort logiquement, ses auteurs plaident pour l'institution d'une banque de données unique au niveau communautaire, couvrant tous les projets financés par les fonds de cohésion, le FSE, le Feader, le Feaga, le Feamp et le Feder. Un message entendu par la commission du contrôle budgétaire du Parlement, qui a débattu des résultats de l'étude le 25 janvier dernier et pour laquelle "le manque de données fiables et comparables sur les bénéficiaires finaux des fonds européens est une préoccupation constante", comme le déclare la députée Monika Hohlmeier (PPE, Allemagne). Un projet pilote, normalisant informations et format de données, est d'ailleurs en cours de développement, réunissant six États membres, dont la France. L'objectif est que le système soit opérationnel pour la programmation 2021-2027.

Des bénéficiaires "finaux" souvent inconnus

L'étude est aussi le fruit de l'analyse d'environ 10 millions de "bénéficiaires" de la PAC en 2018 et 2019 et de plus de 500.000 projets ayant bénéficié chaque année de fonds de cohésion entre 2014 et 2020. Analyse imparfaite toutefois, puisque qu'aucun de ces dispositifs ne permet de connaître l'ensemble des "bénéficiaires finaux (ou ultimes)" – ceux qui touchent in fine les fonds –, seuls les "bénéficiaires directs" à qui les fonds sont versés étant tous reconnus. Une connaissance "ultime" jugée inatteignable, compte tenu de l'impossibilité de connaître les actionnaires d'entreprises ou les détenteurs de parts de coopératives, les réels bénéficiaires d'organismes publics ou d'associations dépourvus de droits de propriété ou encore de l'anonymisation des bénéficiaires de la politique de cohésion percevant des sommes inférieures à 1.250 euros. Lors des débats le 25 janvier, les représentants de la Commission ont ainsi mis en avant les obstacles juridiques à une réforme en ce sens du système : principe de subsidiarité, protection des données personnelles et… charge administrative supplémentaire.
On relèvera toutefois que pour la PAC, les États membres étaient tenus de mettre en place des registres des bénéficiaires effectifs pour les sociétés et autres entités juridiques avant le 10 janvier 2020 et pour les fiducies et montages juridiques similaires avant le 10 mars 2020, les registres centraux devant par ailleurs être interconnectés via une plate-forme centrale européenne d'ici le 10 mars 2021 (en juin dernier, 23 États membres avaient créé un tel registre central, certains accessibles au public comme en Suède ou au Danemark, d'autres non, comme en France ou en Espagne).

PAC : le sucre mène la danse en France

En France, la liste (provisoire donc) des 50 plus importants bénéficiaires de la PAC en 2018 pourra là encore surprendre le public non averti, puisqu'on y retrouve par exemple le conseil régional de la Guadeloupe à la deuxième place, avec plus de 18 millions d'euros de fonds alloués, et le département de la Réunion à la septième place. De manière générale, l'outre-mer et l'industrie sucrière s'accaparent les premières places (première place pour la SAS Sucrière de la Réunion, du groupe coopératif Tereos, avec plus de 31 millions d'euros reçus – ce qui en fait le troisième bénéficiaire à l'échelle de l'UE – , troisième pour la sucrerie de Bois-rouge, autre sucrerie de la Réunion du groupe Tereos, quatrième pour la SA Gardel, sucrerie de Guadeloupe, cinquième pour l'Union réunionnaise des coopératives agricoles, huitième pour l'Association réunionnaise interprofessionnelle pour le bétail et les viandes, etc.). 
Les filières laitière (Centre national interprofessionnel de l'économie laitière, Lactalis ingrédients, la coopérative laitière du grand ouest Laita,…), maraîchère et fruitière (Cerafel, une association d'organisations de producteurs bretonne représentant 1.500 exploitations en fruits, légumes frais et plants de pomme de terre, les coopératives Saveol, Oceane…) et viticole (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, Castel Frères, Union des coopératives vinicoles d'Aquitaine, Perrier-Jouet, GH Mumm et Cie…) y sont également bien représentées. Mais, on l'a vu, ces chiffres cachent des réalités bien différentes.
On retrouve peu ou prou les mêmes aux mêmes places en 2019 (SAS Sucrière de la Réunion avec plus de 30 millions d'euros, suivie de Cerafel, Sucrerie de Bois Rouge, Urcoopa, SA Gardel…), avec le conseil régional de Guadeloupe à la dixième place, le département de la Réunion à la vingt-deuxième place et le conseil départemental de Mayotte à la trente-septième.

Politique de cohésion

Comme pour la PAC, l'outre-mer fait la course en tête pour la politique de cohésion 2014-2020, puisque la région de La Réunion est la première bénéficiaire (avec plus de 275 millions d'euros alloués). L'on retrouve également la région Guadeloupe en huitième position, la collectivité territoriale de Martinique à la neuvième, le département de la Réunion à la treizième, la collectivité territoriale de Guyane à la quinzième, le département de Guadeloupe à la seizième, l'université de la Réunion à la dix-septième ou encore le grand port maritime de Guyane à la vingtième. Sans surprise, les régions occupent globalement les premières places (Hauts-de-France deuxième, Occitanie troisième, Grand Est quatrième, Auvergne-Rhône-Alpes cinquième, Île-de-France sixième, Paca septième, etc.). On relève la présence à la vingt-quatrième place de SNCF Gares et connexions, désormais société anonyme, chargée de la gestion des gares du réseau.

 

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