L’Uniopss appelle à ne pas renoncer à une "grande loi sur l’autonomie"

De l’ambition, de la visibilité et de la convergence entre personnes âgées et personnes en situation de handicap : c’est en substance ce que demande l’Uniopss dans son "Plaidoyer pour une politique d’autonomie", rendu public ce 6 avril 2023. Pour le président du réseau associatif représentant quelque 25.000 établissements sanitaires et sociaux, le calendrier de la réforme grand âge tel qu’amorcé par l'actuelle proposition de loi ne permet pas un débat intelligible. L’Uniopss plaide pour un vrai débat de société et une loi de programmation jugée indispensable pour faire face au "mur démographique qui est devant nous".

Deux jours après la restitution du Conseil national de la refondation sur le "Bien vieillir" et l’annonce des principales orientations de la réforme du grand âge (voir notre article), l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) a dévoilé ce 6 avril 2023 son "Plaidoyer pour une politique d’autonomie". Fruit d’un travail de six mois avec les unions régionales et les adhérents du réseau, cette contribution est destinée à remettre sur le devant de la table "une approche globale de l’autonomie" consistant à "prendre d’un même tenant le grand âge et le handicap, l’établissement et le domicile", a expliqué Daniel Goldberg, président de l’Uniopss, ce jour lors d’une conférence de presse.

En cinq chapitres et 50 fiches-actions, l’Uniopss porte 350 propositions pour une pleine et commune prise en compte des droits et de la citoyenneté des personnes âgées et en situation de handicap, sur l’attractivité des métiers et des formations, la gouvernance et le pilotage de ces politiques, les finances et l’innovation. L’Union demande en particulier l’abrogation "définitive" de "la barrière d’âge" des 60 ans pour l’obtention de la prestation de compensation, la mise en place d’un "droit opposable à l’accompagnement" et la création d’un service public territorial de l’autonomie (SPTA) qui ne soit pas "un guichet de plus dans le millefeuille administratif". Pour Étienne Petitmengin, président de la commission autonomie de l’Uniopss, l’enjeu pour ces futurs services sera de faciliter non pas seulement l’accès aux droits mais également la mise en œuvre de ces droits avec la perspective de délais réduits, en associant le plus d’acteurs possible – Éducation nationale, santé, urbanisme, transports, emploi...

Un grand débat de société sur l’autonomie "peut rassembler très largement"

Plus largement, l’Uniopss considère dans son plaidoyer qu’"une politique structurelle s’impose au regard des enjeux d’évolution de notre société", alors que la question de l’autonomie des personnes "réapparaît comme un boomerang à chaque crise majeure" – canicule de 2003, crise Covid de 2020, scandale Orpéa de 2022… – et que les réponses publiques sont alors souvent formulées dans l’urgence. Pour l’Uniopss, "face à la fois à des inquiétudes de très court terme et du manque de visibilité à long terme, l’absence d’une loi ambitieuse qui affirmerait des principes, les déclinerait de manière organisationnelle et poserait un engagement pluriannuel s’apparente à une forme de refus d’obstacle de notre pays".

L’Uniopss n’a donc pas renoncé à la fameuse "grande loi sur l’autonomie". Dans "un moment particulier de notre histoire sociale" où l’on parle des retraites, de la pénibilité au travail, de l’emploi des seniors, de la fin de la vie, "il manque une brique, dans ce débat de société, qui est l’accompagnement des vulnérabilités tout au long de la vie et ce débat-là peut rassembler très largement", estime Daniel Goldberg. Examinée depuis le 3 avril 2023 à l’Assemblée nationale, la proposition de loi (PPL) de la majorité n’est "pas suffisante" ni "nécessaire dans son calendrier", poursuit le président de l’Uniopss. Il juge que la "mise à l’agenda par le gouvernement" de cette PPL, juste avant la restitution du CNR et avec très peu de temps laissé aux députés pour formuler des amendements, n’est pas de nature à favoriser l’"intelligibilité de la loi" et du débat public en général. "Pour affronter le gros temps, avec le mur démographique qui est devant nous, ce n’est pas forcément avec une planche à voile qu’on s’y prend le mieux", tacle l’ancien député socialiste.  

La nécessité d’une loi de programmation pluriannuelle

Sur les différentes "briques" de la réforme présentées par le ministre des Solidarités le 4 avril, l’Uniopss pointe également "deux bémols" sur le financement. Jean-Christophe Combe renvoyant à l’automne pour la discussion sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), Daniel Goldberg rappelle que "les grands arbitrages ont lieu pendant l’été" et que "c’est donc maintenant qu’il faut en discuter". Avec en outre une "nécessité absolue" : celle d’une "loi de programmation qui tienne compte de l’évolution démographique", appuie Etienne Petitmengin. "Autrement, ajoute-t-il, on va dans le mur."

L’Uniopss demande ainsi la mise en place d’un "plan interministériel et pluriannuel de prévention et d’accompagnement de l’autonomie", prévoyant des "objectifs concrets à atteindre pour l’inclusion de tous et l’accessibilité universelle" et élaboré "avec l’ensemble des citoyens et des acteurs des solidarités". Ce plan doit notamment permettre d’"assurer une dimension interministérielle aux sujets portés par la cinquième branche". Dans une fiche du plaidoyer intitulée "Donner les justes financement et périmètres à la cinquième branche Autonomie", l’Uniopss s’inquiète des déficits actuels de la branche et de la trajectoire envisagée (+ 2,4 milliards d’euros en 2024 selon le ministre des Solidarités), au regard des 9 milliards d’euros jugés nécessaires à horizon 2030 par Dominique Libault dans son rapport de 2019.  

Sur le financement et la structuration de la branche autonomie, les réflexions du CNR "Bien vieillir" et de la Conférence nationale du handicap doivent "converger" de façon globale, "au-delà de la question des publics handicapés vieillissants", recommande l’Uniopss. Parmi les sujets cités : la répartition de l’effort entre État et départements, l'égalité́ territoriale de traitement ou encore l’éventuelle intégration de l’aide sociale départementale (ASH) au périmètre de la cinquième branche.

Cette cinquième branche, "pour l’instant c’est une coquille un peu vide", estime Etienne Petitmengin, qui se dit "confiant" sur la prise en compte des propositions de l’Uniopss pour "nourrir cette perspective historique".