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Lutte contre les algues vertes en Bretagne : un nouveau rapport sénatorial plaide pour plus d'éco-conditionnalité dans les aides de la PAC

Après un premier rapport sur l’efficacité des moyens de lutte contre les marées vertes sur les côtes bretonnes, le sénateur Bernard Delcros vient de présenter un second rapport sur l’évolution de la situation et le suivi de ses recommandations. Tout en reconnaissant de réelles avancées, il juge indispensable de passer à la vitesse supérieure, notamment en réorientant des crédits de la politique agricole commune (PAC) dans les territoires touchés par le phénomène. Pour agir plus efficacement contre la pollution par les nitrates, il préconise davantage d'aides conditionnées au respect de pratiques agricoles prenant en compte le contexte environnemental spécifique de ces baies.

Près de dix mois après la publication de son rapport faisant état d'"avancées très largement insuffisantes" dans la politique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, le sénateur Bernard Delcros (UC, Cantal), vient de présenter devant la commission des finances un nouveau rapport sur l’évolution de la situation et le suivi de ses recommandations. Alors que les échouages hivernaux d'algues vertes ont encore atteint un niveau historiquement élevé en 2021, le sénateur reconnaît que certaines avancées ont bien été obtenues mais qu'elles ne sont pas suffisantes.
Il fait valoir des "améliorations rapides" favorisées par les publications rapprochées et convergentes des rapports du Sénat et de la Cour des comptes sur le financement de la politique de lutte contre les algues vertes, d’une part, et par un jugement rendu par le tribunal administratif de Rennes en juin 2022 enjoignant à l’État de prendre des mesures supplémentaires, d’autre part. Malgré cela, le rapporteur spécial constate toujours une "inadéquation entre les moyens consacrés à la lutte contre la prolifération des algues vertes et les enjeux, ainsi qu’un déséquilibre entre les volumes de crédits du PLAV (plan de lutte contre les algues vertes, NDLR) et ceux du droit commun de la politique agricole commune (PAC)". D’autre part, estime-t-il, "la mise en place d’une réglementation, limitée pour l’instant aux seuls agriculteurs volontaires, restreint l’ampleur du renforcement réglementaire à la fois nécessaire et souhaité par de nombreux acteurs". 

Mise en oeuvre du plan de lutte contre les algues vertes 2022-2027

Parmi les "progrès notables" enregistrés ces derniers mois, il cite la mise en œuvre d’un PLAV 2022-2027 désormais officialisée dans le contrat de plan État-région 2021-2027. Plusieurs nouveaux outils vont être déployés, notamment une nouvelle "mesure agroenvironnementale et climatique" (MAEC) qui devrait être spécifiquement centrée sur les algues vertes. D’autre part, le dispositif de paiements pour services environnementaux (PSE), dont l’expérimentation financée par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne est en cours sur trois baies algues vertes, devrait être complété par un dispositif analogue financé par l’État au travers du programme des interventions territoriales de l’État (PITE). Il devrait être doté de 4 millions d’euros par an à partir de 2022. "L’objectif est que 40% des agriculteurs des baies algues vertes soient engagés dans une forme de contractualisation visant à la lutte contre la pollution par les nitrates d’ici 2024, souligne le rapporteur. "Cet objectif est ambitieux, mais il n’est pas certain qu’il soit réellement atteignable sur la base du seul volontariat", prévient-il toutefois.

Création de zones soumises à contraintes environnementales dans les baies "algues vertes"

Dans sa décision du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes considère qu’un "renforcement des actions mises en œuvre demeure nécessaire afin de restaurer durablement la qualité de l’eau en Bretagne" et enjoint à l’État d’y procéder dans les quatre mois. En outre, la décision du tribunal rend obligatoire "la définition précise d’un mécanisme de mise en œuvre de mesures réglementaires contraignantes supplémentaires". Le préfet de Bretagne a donc signé un nouvel arrêté en novembre 2021 modifiant le programme d’actions régional de lutte contre la pollution par les nitrates (PAR 6). "La principale innovation est la création au plus tard en juillet prochain de programmes d’actions spécifiques à chaque baie 'algues vertes', sous la forme de zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE)", constate Bernard Delcros.

Actions préventives jugées "lacunaires"

Mais pour le rapporteur spécial, les avancées de ces derniers mois restent insuffisantes pour un réel recul du phénomène des marées vertes. "Au-delà du ramassage des algues qui ne traite pas le problème en amont, les actions préventives restent lacunaires dans les vasières du Morbihan, grandes oubliées du PAR 6 révisé, pointe-t-il. Par ailleurs, si la mise en place des ZSCE peut constituer un outil intéressant, les nouvelles mesures réglementaires qui y seront déployées ne seront pas contraignantes avant 2025 au plus tôt. D’ici là, seuls les exploitants volontaires seront concernés. Il n’est donc pas certain que cela permette à court terme de progresser efficacement en matière de lutte contre les pollutions par les nitrates."

Des crédits de la PAC à réorienter

Bernard Delcros dit approuver la hausse de 6 millions d’euros (soit un doublement des crédits) qui devrait être accordée après 2022 à la lutte contre les algues vertes au travers du PITE, dont 2 millions dédiés au renforcement de l’accompagnement des agriculteurs. En revanche, les montants consacrés à la lutte contre la pollution par les nitrates sont selon lui "dérisoires" par rapport aux aides de droit commun de la PAC, accordées pour l’essentiel en l’absence de toute conditionnalité environnementale, qui pourraient s’élever en Bretagne à 426 millions d’euros en 2022. "Seule une réorientation des crédits de la PAC vers davantage d’aides conditionnées au respect de pratiques agricoles prenant en compte le contexte environnemental spécifique de ces territoires permettrait d’agir efficacement et durablement contre la pollution par les nitrates", insiste le sénateur. Il  regrette en outre que les moyens consacrés aux effectifs de contrôle ne soient pas augmentés, "alors qu’un renforcement des contrôles doit constituer une priorité pour accompagner les évolutions réglementaires".
 

 

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