Maison de l'Economie Solidaire du Pays de Bray : un générateur de projet d'innovation sociale, porteur d'un modèle d'ingénierie mutualisée

Implantée sur le Pays de Bray, dans l’Oise, la Maison de l’Économie Solidaire (MES) constitue un ensemble de structures complémentaires, coopératrices ou partenaires, qui se destine à développer l’activité économique sur son bassin de solidarité et à la rendre accessible aux publics prioritaires. Ce chemin de 25 ans d’histoire l’amène aujourd’hui à mener un nouveau programme de recherche et développement par l’innovation sociale, destiné à mettre en lumière, les régularités et les spécificités des processus de coopérations économiques sous l’angle des pratiques solidaires, afin d’identifier leur rôle dans la réussite des dynamiques territoriales et dans l’émergence de processus d’innovation sociale. Aujourd’hui, la Maison de l’Économie Solidaire représente environ 145 ETP pour un chiffre d’affaire globalisé de plus de 4 millions d’euros.

L’ensemblier trouve son origine avec la création en 1990 de l’association intermédiaire Pays de Bray Emploi (PBE), première structure de l’IAE pour la lutte contre l’exclusion au sein de la communauté de communes du Pays de Bray. Fort de cette dynamique, les mêmes porteurs, dans le même but, créent 5 autres structures dans le domaine de l’aménagement d’espaces verts, de la formation, des services aux personnes et dans l’écoconstruction.

Lieu de rassemblement physique, structurel et organisationnel pour mutualiser des moyens

Afin de renforcer l’émergence d’un parcours global d’insertion, un rassemblement physique, structurel et organisationnel de ces organismes s’impose. Les initiateurs du projet souhaitent en outre que la mutualisation des moyens favorise le portage d’un projet de développement local d’envergure. C’est ainsi que la Société Coopérative d’Intérêt Collectif «Maison de l’Économie Solidaire» est constituée en 2004 et prend forme sur la commune de la Chapelle aux Pots. Ses missions s’axent autour de l’accueil et l’orientation du public en insertion, l’administration générale et la comptabilité des 6 entreprises, le service paie et le suivi socio professionnel, les relations entre entreprises, la coordination des programmes de formation, et la recherche et développement.

Le rapprochement et la mutualisation engendrés par la constitution de la SCIC, engagent alors l’ensemble de ses structures à se rapprocher d’autres acteurs locaux dans une logique de projets structurants destinés à dynamiser le territoire et à favoriser la création d’un bassin de solidarité économique sur l’ensemble du Pays de Bray, soit environ 101 communes. L’idée de départ n’est pas de prédéterminer les formes concrètes d’activités économiques pouvant être développées, mais de chercher à définir les activités pertinentes pour ce territoire et construire collectivement les conditions de leur émergence.

La Société coopérative d’intérêt collectif, outil intégrateur et de formalisation des partenariats

C’est une des évolutions importantes de l’écosystème de Bray. Cette coopérative a vu le jour en 2004 en étant la première SCIC créée dans la région Nord Pas-de-Calais. Le capital détenu s’élève à 271.000€. On dénombre en son sein, plusieurs collèges : les salariés des structures fondatrices, les usagers (structures qui utilisent les moyens mutualisés), les entreprises associées qui partagent un pacte d’associés, des collectivités partenaires, et des militants. Elle a conduit sa première levée de fonds en 2004 ; ce qui a permis la création de la recyclerie, d’une entreprise d’insertion et d’une structure de services aux personnes. La MES a ensuite été recapitalisée, d’abord uniquement à partir de ces acteurs, puis au-delà, permettant alors une levée de 100.000 € sur un projet précis. Les statuts prévoient qu’il n’y ait pas de remontée de dividendes même si cela aurait été possible. Ils sont réinjectés dans l’activité.
La SCIC permet de rassembler un certain nombre d’acteurs autour d’un projet global territorial et de lier l’ensemble des acteurs sous forme de convention mais aussi de prises de participation au sein de la MES qui, selon les dirigeants, sont nécessaires dès qu’un partenaire bénéficie des services de la MES sur la concrétisation de projets. D’un point vu capitalistique, ce montage permet aussi des prises de participation capables de financer des projets de développement.

Les partenariats entre acteurs du territoire sont formalisés soit au travers de la participation au capital de la SCIC SA, soit par l’établissement de conventions, ou encore de manière plus informelle dans le cadre du pilotage du projet ou des cellules de réflexion liées à sa mise en œuvre. Ils rassemblent des PME socialement responsables, des collectivités locales, des centres de recherche et d’organismes de formation. Lauréats de l’appel à projet PTCE, ils mettent en œuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques innovants de développement local durable.

Le président de la SCIC, Rachid Cherfaoui, a joué un rôle prépondérant dans l’émergence de la structure et dans son développement. Il a assuré à la fois le rôle de développeur et de tiers de confiance dans des mises en relations, et remplit aussi désormais une fonction de nature politique. Cette posture est assumée de manière claire par l’ensemble des sociétaires de la coopérative, mais aussi par l’équipe de direction qui s’est structurée autour au fil du temps. Ce rôle politique s’entend par des fonctions de représentation, mais aussi par la force de propositions de Rachid Cherfaoui et ses capacités à assumer la vision d’un projet territorial au nom des acteurs qui l’habitent.

Innovation sociale au service d’une vision partagée du territoire

L’innovation sociale est un des fondements de l’activité de la Maison de l’Economie Solidaire. Ces années de travail ont montré que l’innovation sociale ne se décrète pas, mais qu’elle se construit au quotidien sur la base de pratiques solidaires et de l’intervention d’acteurs multiples tous coordonnés dans une vision partagée du territoire et un même désir de développement endogène qu’il convient de réaliser collectivement.
L’innovation sociale s’illustre par la rupture opérée pour aborder le territoire et par l’interconnexion d’acteurs multiples à la fois issus d’organisations privées, de collectivités locales, de la société civile. Elle s’élabore en partant systématiquement du contexte socio-économique du territoire et de ses besoins propres. Elle favorise l’accès à l’emploi des publics prioritaires, et imagine l’avenir du territoire sous l’angle d’un idéal qu’il faut collectivement construire. Elle montre ainsi aux acteurs locaux qu’ils ont une capacité d’action réelle sur la réalisation de cet idéal, et en essaime des pratiques solidaires au sein de tous types d’organisation.

Programme de R&D en lien avec l’Institut Godin

Convaincus de la nécessité de s’associer à de la recherche scientifique pour dépasser la simple animation du territoire, et aller vers une démarche de mobilisation des acteurs, la Maison de l’Economie Solidaire a développé un vrai axe de recherche-action en développement social. Elle s’est associé pour cela à des organismes de recherche tels que l’Institut Jean Baptiste Godin, l’université Picardie Jules Verne. L’objectif général est de mettre en lumière les régularités et les spécificités des processus de coopérations économiques sous l’angle des pratiques solidaires, afin d’identifier leur rôle dans la réussite des dynamiques territoriales et dans l’émergence de processus d’innovation sociale. Ce programme débouchera sur une modélisation qui permettra un travail de comparaison et de transfert de "bonnes pratiques". Cette démarche permet d’avoir recours à des financements qui dépassent la simple dimension de fonctionnement mais qui sont liés à l’innovation (FRISO, Crédit impôt recherche, …)

L’apparition de ce nouveau type d’acteurs interroge naturellement le rôle et la posture de l’élu qui en principe assurait auparavant ce rôle. Au vu de la baisse des assises financières des collectivités territoriales et des attentes de participation de plus en plus forte de la société civile, l’enjeu est donc de trouver les lieux adéquats et les bonnes modalités de régulation du groupe dans de nouvelles formes de gouvernance territoriale.

Nous avons bien à faire à un double processus :

  • un processus technique qui s’articule souvent autour de l'économie de la fonctionnalité et qui répond soit à une opportunité, soit à la réponse d'un besoin social
  • un processus de co-construction avec un alignement d'intérêt, construit sur la confiance. L'innovation technique est prétexte à l'innovation sociale qui en assure la légitimité et la pérennité.

 

- Ces expériences sont intéressantes mais difficilement essaimables en tant que telles car elles procèdent de processus itératifs qui sont souvent expérimentaux. Nous sommes dans l'innovation sociale ; et la modélisation n'arrive qu'après l'expérimentation, contrairement au modèle industriel. Par ailleurs, la structuration juridique ou économique, élément plus facilement duplicable, n'est pas toujours l'objectif, ou est relativement complexe dans son montage car construit sur les réalités de terrain.
- De ce fait, ceci ne facilite pas le financement de ce type d'initiative car l'ingénierie projet au service de l'animation ou de la co-construction est délicate alors qu'il est plus facile de trouver des financements pour de la structuration.
- Le rôle du personnage porteur (et du récit!) est intéressant. A travers ce prisme, il serait intéressant de comprendre dans une approche descriptive le rôle qu'il joue sur le territoire ou dans le collectif pour identifier les fonctions clés de réussite (légitimation, caution financière, entreprenariat), et identifier du coup le rôle de l'élu ou de la collectivité territoriale.
- Enfin, la maturité du territoire est un facteur crucial qui explique sans doute telle ou telle expérience. Le rôle de l'entrepreneur de territoire n'est sans doute pas anodin dans cette montée en compétence, même si à l’origine, dans certains cas, il a d'abord développé son entreprise sur les besoins du territoire, en transférant ensuite cette ambition au territoire lui-même.

Cette monographie a été rédigée dans le cadre du dossier Entrepreneuriat de territoire décrivant des dynamiques innovantes portées au sein des territoires. 

Maison de l'économie solidaire du Pays de Bray

Rachid Cherfaoui

Directeur de la Maison de l'emploi solidaire

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