Maîtrise du foncier agricole : six communautés de communes se mobilisent

Six communautés de communes du parc naturel régional Livradois-Forez ont créé en 2005 un "réseau Installation foncier en Livradois-Forez" dont l'objectif est de renouveler les actifs agricoles sur le territoire. Son fonctionnement repose sur l'engagement d'un animateur et associe la Safer et l'Adasea du Puy-de-Dôme.

A partir de 2000, le conseil général du Puy-de-Dôme a financé des diagnostics fonciers agricoles visant notamment à recenser les exploitations dont l'exploitant est proche de la retraite et sans successeur. Entre 2001 et 2007, six communautés de communes situées dans le parc naturel régional (PNR) du Livradois-Forez (Puy-de-Dôme, Haute-Loire) se sont engagées dans la réalisation de tels diagnostics. Dans ces communautés rurales et de type montagnard, l'on trouve des exploitants proche de la retraite, travaillant des surfaces assez petites et pratiquant souvent la double activité. L'élevage domine, notamment bovin (viande et lait) et ovin. Afin de valoriser les résultats des diagnostics et d'agir sur la problématique de gestion de l'espace, ces communautés ont décidé de former ensemble un réseau intitulé "réseau Installation foncier en Livradois Forez". Pour formaliser ce réseau, une convention a été signée avec le PNR et le conseil général du Puy-de-Dôme et une personne a été recrutée début 2005 pour l'animer. "L'objectif assigné à ce réseau est de renouveler les actifs agricoles sur le territoire", explique l'animateur, Nicolas Delorme. "De ce point de vue, les diagnostics ont fait apparaitre deux  enjeux : la cessation d'activités sans repreneur et la problématique foncière. En effet, les territoires concernés sont caractérisés par une structure foncière parcellaire avec, dans certaines communes, des îlots d'exploitation (ensemble de parcelles) inférieurs à un hectare. Cela est notamment dû au fait qu'ici, lors des successions, les terres étaient partagées entre tous les enfants et non transmises à l'aîné comme cela pouvait se faire ailleurs. Il y a donc un éparpillement et un manque de foncier pour installer des agriculteurs ou conforter ce qui existe."

 

Partenariat avec l'Adasea et la Safer, pour lancer des actions de maîtrise foncière

Le premier travail du réseau a été la mise en commun des données techniques et cartographiques existantes en créant un système d'information géographique (SIG) sous la forme d'un extranet, accessible gratuitement par les communautés, mis à jour en temps réel, et permettant d'avoir une vision de l'état du territoire : qui exploite quoi, où, sur quelle surface, pour combien de temps ? En parallèle, les organismes agricoles ont été sollicités pour participer à la démarche et aux objectifs du réseau : l'Adasea, la chambre d'agriculture locale et la Safer. Une convention de partenariat a été signée avec l'Adasea qui prévoit un échange d'informations concernant les cessations, les installations et autres évolutions advenant sur le secteur. La Safer est également mobilisée pour intervenir rapidement dans la perspective du départ d'un agriculteur ou d'une vente de terres. "Nous avons, par exemple, été informés de la vente d'une maison avec dix hectares de terres, qui avait toutes les chances d'être vendue en résidence secondaire. Les terres auraient été perdues pour l'agriculture, raconte Nicolas Delorme. Nous avons prévenu la Safer pour qu'elle achète les terres et la maison. Elles seront rétrocédées à un agriculteur avec l'engagement de maintenir pendant dix ans la vocation agricole de ce lot. Actuellement, un candidat à l'installation propose d'y installer une activité équine." Autre exemple : sur la communauté de communes du pays d'Arlanc, un agriculteur qui s'apprêtait à cesser son activité sans repreneur a été contacté plusieurs fois afin qu'il ne laisse pas partir ses terres à l'agrandissement. Ses propriétaires ont signé avec la Safer une convention de mise à disposition par laquelle ils louent leurs terres à la Safer le temps que soit trouvé un candidat, auquel ils loueront ensuite directement. En attendant, les terres sont exploitées en bail précaire par d'autres agriculteurs. Parallèlement, l'Adasea a préparé pour cet agriculteur un dossier de préretraite. "Sur les 30 hectares qui étaient en jeu, 20 ont ainsi pu être maîtrisés. Un autre exploitant se trouve dans la même situation avec 15 hectares en jeu. Dans ces actions de maîtrise foncière, le rôle du réseau est de faire en sorte que les partenariats fonctionnent dans un même objectif et que les différents interlocuteurs ne se marchent pas sur les pieds !", conclut l'animateur.

 

Réaliser des échanges amiables entre agriculteurs à l'échelle d'un territoire

Le réseau a également expérimenté une opération d'échanges amiables de parcelles, reposant sur le volontariat. L'objectif est de rapprocher les ilots d'exploitation et de diminuer leur nombre, par regroupement. L'expérimentation a eu lieu dans la communauté du Bassin Minier Montagne caractérisée par un parcellaire très morcelé (70% des îlots ont une surface inférieure à 1,34 ha). "Les échanges permettent une restructuration rapide et peu couteuse du parcellaire, explique Nicolas Delorme. L'expérimentation, menée avec l'Adasea, s'est déroulée sur six mois. Nous avons réuni les agriculteurs, discuté des parcelles pouvant faire l'objet d'échanges, et nous avons fait une simulation avec le SIG." Les échanges sont de trois types : échanges de jouissances ou échanges de culture (pas de changement de propriétaire ni de fermier, seul change l'utilisateur de la parcelle), les échanges de fermiers (ces derniers changent de propriétaire, ce qui implique un nouveau bail) et enfin les échanges de propriété (les propriétaires échangent leur parcelle par acte notarié, le fermier ne change pas de propriétaire mais de parcelle). Quinze exploitations ont été mobilisées, 20 hectares ont été échangés et 44 îlots d'exploitation ont été restructurés. Le réseau a également été sollicité par trois jeunes agriculteurs pour organiser entre eux un échange de parcelles. Cette opération qui a porté sur dix hectares a bénéficié d'une aide du conseil général du Puy-de-Dôme qui a subventionné 60% des frais de géomètre et de notaires. Suite à ces expériences, le réseau a rédigé avec l'Adasea un guide méthodologique intitulé : "Réaliser des échanges amiables entre agriculteurs à l'échelle d'un territoire", diffusé auprès des communautés de communes.

 

Objectif en cours : remettre en état des surfaces en friche

Enfin, le réseau s'attelle à la problématique des friches. Depuis la réalisation des diagnostics, des agriculteurs s'inquiétaient de la présence des friches. "Avec un stagiaire, nous avons élaboré une liste de critères (topographiques, historiques) permettant de qualifier un terrain agricole en friche", raconte Nicolas Delorme. Puis, pendant quatre mois, 500 parcelles, sur trois communes, ont fait l'objet d'un recensement sur le terrain. Sur ces 500 parcelles, 213, soit 168 hectares, ont été classées en friches ou en dynamique de friches. "Une partie des friches se trouve sur une commune déjà boisée à 75%. Cela peut contribuer à rendre invivable un territoire. Maintenant, il faudrait intervenir sur des parcelles pouvant être reprises facilement, en sollicitant des aides du conseil général pour la remise en état des friches, et stocker des parcelles avec la Safer... Ces dernières pouvant servir de surfaces tampons dans le cadre des échanges ou être rachetées par les communes pour installer des agriculteurs. Cela implique de soutenir des projets d'installation 'alternatifs' qui puissent être valorisés sur de moindres surfaces. Un travail en profondeur sur la maîtrise du foncier passe donc par la volonté des élus de recourir aux différents outils existants."

 

Ralentissement des pertes d'exploitations

Le budget du réseau (salaire de l'animateur et fonctionnement) s'est élevé à 55.000 euros en 2007, financé pour moitié par le conseil général, pour un quart par un programme Leader + et pour un quart par les six communautés de communes. Le budget de fonctionnement a permis par exemple de payer le solde, soit 2.000 euros, des prestations de l'Adasea dans le cadre des échanges amiables pris par ailleurs en charge à 80% par le conseil général du Puy-de-Dôme.
Les résultats de l'action du réseau sont pour l'instant difficilement quantifiables. Cependant, les chiffres de l'évolution des terres agricoles sont plutôt encourageants. La perte d'exploitations s'est ralentie (13% de pertes d'exploitations et 9% de pertes d'exploitants) et grâce à la reconversion en terres agricoles de petits boisements de résineux, le chiffre de la SAU est resté stable. Le taux de renouvellement des exploitations est de 45% ce qui signifie que près de la moitié des exploitations cédées sont reprises. Enfin, les exploitations professionnelles qui ne représentaient que 46% des exploitations en 2000, notamment du fait du taux important de double activité, représentent en 2007 60% des exploitations. "Pour qu'un tel réseau soit efficace et ait une réelle visibilité politique, notamment vis-à-vis des organismes agricoles, il faut qu'il soit porté par tous les élus, souligne Nicolas Delorme. Les élus doivent s'impliquer avec des objectifs clairs sur tout le territoire et encourager la mobilisation des autres communautés de communes."

 

Maryline Trassard, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

 

Contact :
Réseau Installation foncier en Livradois Forez
Maison du parc
63880 Saint-Gervais-sous-Meymont
Nicolas Delorme, animateur
04 73 95 57 57
n.delorme@parc-livradois-forez.org

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