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Lutte contre l'exclusion - Malgré les progrès de l'hébergement, toujours 500 morts de la rue en 2016

Le 21 mars, le collectif des Morts de la rue a rendu hommage - comme chaque année - aux 501 personnes décédées à la rue en 2016. En installant sur la place du Palais Royal à Paris une centaine de rectangles de tissu vert, rappelant une pelouse et portant chacun six carrés de tissu blancs avec le nom d'un mort de la rue, le collectif a voulu "que ce temps d'hommage soit beau, visuel, poétique, reconnaissant l'humanité de chacune de ces personnes, mortes à 49 ans en moyenne" (alors que l'âge moyen au décès de la population française approche les 80 ans). Chaque passant pouvait déposer une rose sur la "tombe" qui l'émouvait le plus. Au cours de cet hommage, les noms des 501 personnes décédées ont également été lus.

Trente années d'espérance de vie perdues

Interrogé sur France Info, Nicolas Clément, le président du collectif, a expliqué le "travail de Sherlock Holmes" pour retrouver la trace de ces morts : "Tout au long de l'année, on essaie de retracer le parcours des gens, en discutant avec tous les services sociaux qui ont pu s'en occuper : les voisins, l'hôpital, la police [...]. On remonte tout ce que l'on peut sur ces personnes, pour faire une analyse statistique. Elle va nous permettre d'évaluer ce qu'est un parcours de rue, comment on y arrive, et d'interpeller les pouvoirs publics pour que les choses changent. Par exemple, ne pas croire qu'on meure l'hiver, puisque seul 1% des gens meurent d'hypothermie. Il y a en fait deux grandes causes de décès : les morts violentes et l'usure."
L'hommage aux personnes disparues n'est en effet qu'une partie de la mission que s'est donnée le collectif. Il s'agit aussi de sensibiliser l'opinion et les décideurs sur la permanence de ces situations, malgré les progrès - incontestables - de l'hébergement d'urgence. Et de rappeler qu'"on perd trente ans d'espérance de vie en vivant dans la rue". Il est encore trop tôt pour disposer des données statistiques sur les profils des personnes mortes à la rue en 2016 mais le collectif a publié, en décembre dernier, les résultats de son enquête "Dénombrer et décrire" sur les décès recensés en 2015. Elle montre que le nombre de décès recensés augmente régulièrement depuis 2008, tout en sachant qu'il est très difficile de faire la part entre une hausse effective de ce nombre et l'amélioration des méthodes de recueil.

Le nombre réel de décès de personnes sans domicile serait six fois supérieur

L'étude estime également - en se référant à l'étude 2008-2010 du CepiDC de l'Inserm (Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès) - que le nombre réel de décès de personnes sans domicile est six fois supérieur à celui recensé par le collectif, soit environ 2.800 décès par an.
En termes de profil, les morts de la rue recensés par le collectif sont très majoritairement des hommes (92%), décédés de maladie (27%) ou de causes violentes comme des accidents ou des agressions (28%), 55% des causes de décès demeurant inconnues. En moyenne, les personnes décédées ont connu un parcours de rue d'une dizaine d'années et 42% d'entre elles disposaient de ressources hors mendicité (RSA, AAH, retraite, travail informel...). Près de la moitié (44%) des décès des personnes sans domicile ont eu lieu sur la voie publique ou dans des abris de fortune et 37% dans des lieux de soins (contre 57% en population générale). La moitié des personnes décédées bénéficiaient d'un suivi social connu, assuré majoritairement (30%) par des associations.