Commande publique - Mapa : faut-il ou non respecter un délai raisonnable entre la décision d'attribution d'un marché et sa signature ?
Dans un arrêt du 28 mars 2013, la cour administrative d'appel de Nantes considère que, dans le cadre d'une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur doit respecter un délai raisonnable entre la décision d'attribution du marché et la signature du contrat afin de permettre aux candidats évincés d'exercer un éventuel recours en référé précontractuel.
Dans les faits, l'établissement public du domaine national de Chambord avait lancé une consultation en procédure adaptée pour la restauration des décors sculptés d'un donjon du château de Chambord. Deux sociétés se sont portées candidates pour l'attribution du lot n°1 sur la "maçonnerie-pierres de taille". La société évincée saisit le tribunal administratif d'Orléans aux fins d'annulation du contrat et d'indemnisation de son manque à gagner, soulevant plusieurs moyens dont le non-respect d'un délai raisonnable entre l'avis d'attribution et la conclusion du contrat. Ces demandes ayant été rejetées en première instance, la société interjette appel.
Tout d'abord, la cour administrative d'appel de Nantes rappelle que, dans le cadre des marchés à procédures adaptées, le pouvoir adjudicateur n'est pas soumis à l'obligation de notifier la décision d'attribution du marché aux candidats évincés et de suspendre la signature du contrat pendant un délai de seize jours (ou onze jours en cas de transmission électronique) à compter du jour de l'envoi de cette notification. En effet, l'article 80-I du CMP réserve cette obligation de "stand still" aux marchés formalisés. Toutefois, les juges d'appel considèrent que "le pouvoir adjudicateur ne peut, sans porter atteinte à la garantie substantielle que constitue la faculté de saisir le juge du référé précontractuel (…) procéder à la signature du contrat sans respecter un délai raisonnable".
Dans l'affaire qui lui est soumise, la juridiction d'appel estime qu'un délai raisonnable a bien été respecté par la personne publique puisque la signature du marché est intervenue le 4 février 2011 et que la société requérante a été informée du rejet de son offre le 24 janvier 2011. La requérante était donc en mesure d'exercer son droit à former un recours en référé précontractuel.
Cette question du délai raisonnable ne fait pas consensus parmi les juridictions administratives. En effet, le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 19 janvier 2011 (voir ci-contre notre article du 26 janvier 2011), confirmé par un arrêt du 29 juin 2012, a précisé que les principes généraux de la commande publique n'imposaient pas que soit respecté un délai raisonnable en procédure adaptée. Toutefois, quelques juridictions, notamment le tribunal administratif de Lyon dans une ordonnance du 26 mars 2010 (voir ci-contre notre article du 20 avril 2010), continuent, comme c'est le cas en l'espèce, d'affirmer l'existence de ce délai.
L'Apasp
Références : cour administrative d'appel de Nantes, 28 mars 2013, n°11NT03159 Conseil d'Etat, 19 janvier 2011, n°343435 ; Conseil d'Etat, 29 juin 2012, n°357976 ; TA Lyon, 26 mars 2010, Société Chenil Service, n°1001296.