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Commande publique - Marchés publics : Catherine Bergeal fait le point sur les chantiers en cours

Le cru 2012 en matière de commande publique a été marqué par une réglementation particulièrement riche, a estimé, le 18 décembre dernier, la directrice des affaires juridiques (DAJ) de Bercy, Catherine Bergeal, à l'occasion de la 158e session d'études de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp) consacrée à "l'Achat public, de l'acte juridique à l'acte économique". La nouvelle année s'annonce aussi dense que la précédente car certains travaux entamés en 2012 doivent se poursuivre et trouveront leur aboutissement en 2013, a également fait valoir Catherine Bergeal, apportant des précisions intéressantes sur ce que l'on peut attendre dans les mois à venir :

Plusieurs textes ou documents significatifs ont fait l'objet d'une publication. Ainsi, le guide des bonnes pratiques paru le 15 février 2012 intègre les dernières évolutions du droit de la commande publique et détaille l'ensemble de la procédure d'un marché public, de sa passation jusqu'à son exécution. Début 2013, un vade-mecum des marchés publics, regroupant ce guide et les fiches techniques de la DAJ, sera de même publié.
Un guide sur la dématérialisation des marchés publics, paru au mois d'octobre, est quant à lui venu compléter l'arrêté relatif à la signature électronique dans les marchés publics du 15 juin 2012.
L'un des chantiers de 2012 concerne la réforme sur les délais de paiement. Entamée en 2012, elle oblige la France à se mettre en conformité en transposant avant mars 2013 la directive européenne du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Sur le plan législatif, le projet de loi DADUE (projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière) intégrant la transposition de la directive a été voté à l'Assemblé nationale. Un projet de décret d'application était en consultation sur le site de la DAJ. Cette réforme n'impliquera pas de changements majeurs pour les acheteurs publics français de l'Etat et des collectivités territoriales déjà soumis au délai de trente jours imposé par Bruxelles. En revanche, les acheteurs soumis à l'ordonnance de 2005 verront leurs délais de paiement passer de soixante à trente jours, excepté pour les entreprises publiques. Le président de la République souhaite quant à lui réduire les délais de paiements de trente à vingt jours mais cet engagement ne devrait concerner que les délais de paiement de l'Etat. Des changements sont également envisagés en cas de retard de paiement. Le taux des intérêts moratoires est augmenté de huit points au dessus du taux de la Banque centrale européenne (BCE) avec un minimum de 40 euros d'amende forfaitaire par jour de retard.

Le droit communautaire n'est pas en reste !

La Commission européenne a élaboré trois projets de directives : révision de la directive marché public secteurs généraux et de la directive marchés publics secteurs spéciaux, future directive concessions. La réforme affiche pour objectifs la modernisation, la simplification et l'allègement des charges.
Dans son état actuel, la directive marché public secteurs généraux donne une place importante à la négociation, en faisant de la procédure négociée, appelée procédure concurrentielle avec négociation, la procédure de droit commun. Les délais vont être modifiés, soit trente jours pour les candidatures et trente jours pour la remise des offres.
Il n'y aura plus de différence entre offre dématérialisée ou non, puisque l'offre dématérialisée va devenir la règle.
Un nouvel outil, nommé partenariat de l'innovation, sera créé. L'idée est de conclure un contrat avec une entreprise sur la base d'un projet que celle-ci va bâtir pour ensuite passer un marché sans remise en concurrence. Les contrats d'emprunt sont par ailleurs exclus de la directive.
Ce projet de directive est toujours en cours de négociation et plusieurs points posent quelques difficultés. Certaines dispositions prévoient ainsi une obligation pour les Etats d'instituer des mécanismes de contrôle des marchés publics. Les entités chargées de ces contrôles pourront alors saisir la justice ou toute structure appropriée suite à la plainte d'un citoyen. L'intérêt à agir serait alors universel.
Le futur texte ne prévoit pas de distinction entre le service prioritaire ou non-prioritaire. Seul le secteur incluant les services sociaux aura un régime de publication allégé au-delà de 750.000 euros.
Concernant les avenants, en dessous de 10% ou 15% pour les marchés de travaux, ils sont supposés ne pas bouleverser l'économie du marché. Les avenants au-dessus de ces valeurs ne sont pas interdits mais devront être justifiés.
La transposition des trois directives européennes devrait intervenir d'ici à 2015.

Références : Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics
Arrêté du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés publics ; dématérialisation des marchés publics : guide pratique Directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard dans les transactions commerciales Proposition de directive du parlement européen et du conseil sur la passation des marchés publics
 

Probité, évolutions procédurales et contrôle de gestion…

Lors de la 158e session d'études de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp), plusieurs intervenants se sont exprimés sur le thème de "l'achat public : de l'acte juridique à l'acte économique" :

Armand Riberolles, vice-président du tribunal de grande instance d'Evry, a évoqué la place de la probité dans l'achat public. La probité est mentionnée dans le chapitre du Code pénal spécialement consacré aux atteintes à l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique. Le favoritisme, la corruption, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêt et le détournement de biens publics sont les quatre infractions qui prospèrent le plus souvent dans le contexte de l'achat public.

Maître Laurent Richer, avocat au barreau de Paris et professeur de droit public, a rappelé les évolutions procédurales à venir dans le cadre des prochaines directives, et notamment les directives marchés publics. La procédure négociée, encore appelée procédure concurrentielle négociée, aura une place plus importante. Par l'accroissement de cette procédure, l'Union européenne souhaite introduire plus de négociation et de souplesse dans la commande publique, ainsi qu'une meilleure adaptation au besoin et un renforcement des activités transfrontières. L'amélioration de la négociation garantira aussi la concurrence et permettra d'adapter le contrat. Actuellement, la procédure de négociation avec mise en concurrence peut être utilisée dans quatre cas: offre irrégulière ou inacceptable ; travaux, fournitures et services dont la nature ou les aléas ne permettent pas une fixation du prix ; service et concept d'ouvrage lorsque les spécifications ne peuvent pas être définies en amont ; travaux à des fins de recherches. Un nouveau cas est prévu : lorsque des circonstances particulières se rapportent à la nature ou à la complexité des travaux, des fournitures et des services ou des risques qui s'y rattachent, le marché ne peut être attribué sans négociation. Mais la négociation a des limites, celles d'adapter les offres aux exigences du marché, d'améliorer le contenu de ces offres afin de les faire mieux correspondre aux critères d'attributions et aux exigences minimales.

Une table ronde a été proposée sur le thème du contrôle des marchés publics par les juridictions financières. De septembre 2011 à décembre 2012, parmi 175 rapports étudiés, 106 concernaient la commande publique. Seuls 7 d'entre eux se sont révélés positifs. Le contrôle de régularité ayant montré ses limites, un contrôle de gestion a été mis en place par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (Lolf), l'objectif étant d'améliorer les résultats de la gestion publique. La Cour des comptes, les chambres régionales des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière effectuent un contrôle juridictionnel vis-à-vis des ordonnateurs et des comptables publics. Cette fonction juridictionnelle est le support du contrôle de gestion. Il vise à garantir la régularité de la gestion publique et la probité des agents, ainsi que mesurer l'efficacité de la dépense publique.