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Masques, primes, plans de continuité… Olivier Dussopt fait le point

Le secrétaire d'État en charge de la fonction publique a répondu, le 23 avril, aux questions de la commission des lois du Sénat. L'occasion de faire le tour d'horizon des questions liées à la gestion de la crise du point de vue des agents. Mais aussi de tirer de premiers enseignements de la crise, notamment sur le télétravail et l'organisation territoriale de l'État.

Le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics a fait le point, jeudi au Sénat, sur la gestion de la crise et ses conséquences pour les agents publics. Y compris en abordant les questions sensibles, comme celles de la distribution de masques et de la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle.

Il faut dire que les sénateurs de la commission des lois, qui l'interrogeaient dans le cadre des travaux de la mission de contrôle sur "les mesures prises dans le cadre de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie", n'ont pas évité les questions qui fâchent. "Combien d'agents ont été contaminés ?", a par exemple demandé sans détour le sénateur (CRCE) Pierre-Yves Collombat. Les "premiers éléments", non "consolidés", montrent que pour les fonctions publiques territoriale et d'État, "il n'y a pas de prévalence particulière du virus chez les agents publics", a répondu Olivier Dussopt. En précisant qu'il ne dispose pas de données pour la fonction publique hospitalière. Des données précises ont été demandées aux différents ministères et l'on saura qu'une requête similaire sera faite aux collectivités territoriales.

S'agissant de la demande formulée par les syndicats de reconnaître le Covid-19 comme une maladie professionnelle pour tous les agents publics qui le contracteraient – et pas seulement au bénéfice des soignants, tel que l'envisage pour l'heure le gouvernement – le secrétaire d'Etat a indiqué que les ministères concernés sont "en train" de l'instruire et que "les décisions n'ont pas été rendues". L'enjeu est important, car la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle (automatique pour les soignants) ouvre droit au maintien de la rémunération de l'agent dans le cas où il doit être arrêté plus de 90 jours, ainsi qu'à des indemnisations particulières. "L'hypothèse d'un fonds d'indemnisation est une hypothèse qui est aujourd'hui travaillée", a signalé à cet égard Olivier Dussopt.

Prime "Covid" : bientôt les décrets

Alors que les syndicats dénoncent encore l'absence de masques adaptés, de blouses et de gants pour les agents publics exposés au risque du virus, le secrétaire d'État a estimé que "le 11 mai", l'État disposera de "suffisamment d'équipements de protection" pour "accompagner" ceux qui, parmi ses agents, en ont besoin. Il a aussi précisé que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a "établi une liste de corps ou de cadres d'emplois pouvant être considérés comme prioritaires". Sur ce point, s'agissant de la fonction publique territoriale, on saura que "sous réserve d'une évolution de la doctrine des autorités sanitaires", les personnels en charge de l'accueil de la petite enfance "sont considérés comme prioritaires" pour être équipés de masques. Mais attention, le port de ces masques n'est pas efficace s'il n'est pas accompagné du respect des gestes-barrière, a rappelé Olivier Dussopt.

Interrogé sur la prime exceptionnelle pouvant aller jusqu'à 1.000 euros dans les services de l'État et des collectivités et 1.500 euros dans les hôpitaux (voir notre article du 15 avril 2020), le secrétaire d'État a confirmé que les décrets devant préciser "pour chaque versant" les modalités particulières de son versement seront publiés "dans les jours qui viennent". La prime permettra de "valoriser les agents ayant une implication forte, se traduisant par un surcroît significatif de travail, en présentiel ou en télétravail", a-t-il dit. 

Par ailleurs, interpellé sur des questions relatives au handicap, le secrétaire d'État a estimé, concernant la période préparatoire au reclassement – un nouveau droit créé (par décret en mars 2019) pour les fonctionnaires reconnus inaptes définitivement à l'exercice de l'ensemble des fonctions de leur grade du fait de leur état de santé – qu'il faudra "veiller" à ce que la période de confinement ne vienne pas l'"amputer" d'une partie de ses 12 mois maximum.

Mieux coordonner les administrations territoriales de l'État

Au-delà des questions d'actualité, et alors que les Français vivent leur sixième semaine de confinement, le secrétaire d'État a tiré de premiers enseignements de la crise. La période met en évidence la faculté "d'être en télétravail sur des tâches que nous n'imaginions pas possibles à distance il y a encore quelques semaines", a-t-il considéré. En jugeant aussi que le télétravail "doit s'accompagner d'un certain nombre d'éléments qui garantissent la collégialité, la cohésion des équipes et la bonne coordination".

Les plans de continuité de l'activité (PCA), qui définissent la stratégie permettant de maintenir "les services vitaux", sont "utiles", mais "leur mise en œuvre est parfois complexe et inégale", a aussi jugé Olivier Dussopt. Ces plans n'ont "jamais été pensés pour des crises longues". Quand la crise est durable, "on peut imaginer que l'entretien des espaces verts devienne prioritaire", a-t-il ajouté, rejoignant ainsi un constat dressé par l'AMF (voir notre article).

Enfin, la crise met au jour "un certain nombre de points à améliorer" concernant l'organisation territoriale de l'État, a estimé le secrétaire d'État. "Les coordinations ou les relations personnelles" entre les préfets, d'une part, et les représentants des finances publiques ainsi que les représentants du ministère de l'Éducation nationale, d'autre part, sont "un peu particulières", a-t-il reconnu. En évoquant, aussi, les limites du mouvement de création des agences de l'État, dont les agences régionales de santé (ARS) sont "l'exemple-type". On sait que, récemment, les responsables des associations d'élus locaux ont mis en avant, précisément, les difficultés du dialogue avec les agences de l'État, notamment les ARS. Parmi les solutions, ils ont mis en exergue la nécessité de placer l'ensemble des services départementaux de l'État sous la responsabilité du préfet. Le secrétaire d'État s'est dit disponible pour débattre de ces sujets avec le Parlement.

Compte épargne-temps : le gouvernement envisage son déplafonnement

La crise sanitaire devrait conduire le gouvernement à modifier les règles du compte épargne-temps (CET) dans la fonction publique. Le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics l'a fait savoir aux représentants des syndicats, jeudi lors de la quatrième conférence téléphonique hebdomadaire organisée avec eux.

En l’état actuel des arbitrages, les reliquats de congés 2019 pourront être versés cette année sur les CET. Le dispositif "pourrait évoluer en permettant aux agents d’y créditer de 10 à 20 ou 25 jours", indique Pascal Kessler, président de la FA-FP. En outre, le plafond du CET – actuellement fixé à 60 jours – serait relevé. Un arrêté serait en cours de rédaction.

Au cours de la réunion, le secrétaire d'État a aussi évoqué les divers textes dont la publication est en vue, tel le décret sur le télétravail occasionnel, qui est "en cours de signature". On saura aussi qu'un décret et un arrêté destinés à préciser les plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle dans la fonction publique, rendus obligatoires par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, sont en préparation. En raison de l’épidémie, la date de mise en œuvre de ces plans est reportée du 31 décembre 2020 au 30 juin 2021, sur la recommandation du Conseil d’État. Toutefois, la durée de validité de cette première "génération" de plans ne sera que de deux ans et demi, au lieu de trois ans, afin de retrouver ensuite, pour les plans suivants, un rythme calendaire de trois ans basé sur les années civiles.

Évoquant bien sûr la gestion de la crise sanitaire, les représentants syndicaux n’ont pu que redire leur opposition à l'ordonnance qui permettra à l'État et aux collectivités territoriales d'imposer des jours de RTT et de congés aux agents placés en autorisation spéciale d'absence et à ceux qui sont en télétravail pendant le confinement (voir notre article du 15 avril). Une ordonnance pour laquelle des actions judiciaires sont en cours. FO FDSP a en effet déposé un référé-liberté auprès du Conseil d’EÉtat. Pour sa part, la fédération des Finances publiques de la CFDT projette de déposer un référé-suspension auprès du tribunal de Paris. Pour le moment, le gouvernement ne compte pas revenir sur l'ordonnance. Mais le secrétaire d'État aurait reconnu que le texte pose problème pour les agents placés en ASA faisant partie de la réserve opérationnelle (forces de l’ordre en ASA mais mobilisables à tout moment) qui devraient donc, selon l’ordonnance, se voir imposer des jours de congé. Un problème qui pourrait éventuellement être réglé en considérant les ASA de ces agents comme des congés.

Plus généralement, cette ordonnance semble avoir poussé le gouvernement à vouloir y voir plus clair sur la position administrative des agents, sujet sur lequel "le flou le plus total" persiste, pointe Mylène Jacquot (CFDT), de nombreux agents étant toujours en attente de clarification sur leur propre situation, certains placés en ASA continuant à être sollicités pour occuper leur poste en présentiel ou exercer leurs missions en télétravail. Or, "l’ASA n’est pas une position identique à? celle de l’astreinte, ni à celle d’une alternance de télétravail", insiste la CFDT Fonctions publiques.

Concernant les contractuels en CDD subissant des interruptions de plus de trois mois entre deux CDD du fait de la crise sanitaire et risquant ainsi de ne pas pouvoir prétendre à un CDI, car ne pouvant cumuler assez d’ancienneté (6 ans requis, 3 CDD de 3 mois sur un an permettant de comptabiliser 12 mois), une solution serait à l’étude pour qu’ils ne soient pas pénalisés.

Selon Olivier Dussopt, les ministères sont actuellement en train de faire remonter leurs propositions à Jean Castex, haut fonctionnaire chargé par le Premier ministre de déterminer des scénarios de sortie de crise d’ici à une quinzaine de jours. L’audioconférence entre Olivier Dussopt et les organisations syndicales qui suivra ces annonces, dont la date n’est pas encore connue, sera intégralement consacrée au plan de déconfinement.

Avec AEF

 

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