Meublés de tourisme : les sénateurs renforcent encore le rôle des élus locaux

Le Sénat a adopté, après l'avoir modifiée sur de nombreux points, la proposition de loi (PPL) sur l'encadrement des meublés de tourisme. Le texte devra désormais faire l'objet d'un compromis en commission mixte paritaire, notamment sur son volet fiscal, dont la dernière version est contestée par le gouvernement.

La proposition parlementaire de loi (PPL) sur l'encadrement des meublés de tourisme achèvera son parcours parlementaire en commission mixte paritaire, après que le Sénat l'a adoptée et largement modifiée le 21 mai dans la soirée. Si son ambition principale – la lutte contre la pénurie de logements à l'année dans certaines zones où les meublés de tourisme de type AirBnB se sont multipliés ces dernières années – semble depuis le début transpartisane et si le gouvernement lui apporte son soutien sur l'essentiel, le texte a suscité de nombreux amendements.

Symbole de ces changements : la métamorphose du titre même de la PPL. Initialement, elle visait à "remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue". À l'Assemblée nationale, son périmètre à été élargi à tout le territoire et la notion de "zone tendue" a disparu. Désormais, il s'agit de "renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale", une formulation qui préserve la dimension nationale du texte tout en mettant en avant le rôle – renforcé – que les élus locaux auront à jouer dans sa mise en œuvre. 

Accès aux données pour les communes

Au-delà du titre, ce ne sont pas moins de vingt-sept amendements qui ont été adoptés en séance par les sénateurs sur un texte qui comporte désormais huit articles, contre seulement trois lors de son dépôt en avril 2023. Toutefois son économie générale a été maintenue et ses trois points principaux demeurent : les élus seront dotés de compétences élargies pour réglementer l'implantation des locaux à usage touristique sur leur territoire, les meublés de tourisme seront soumis à la réalisation préalable d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) et la fiscalité des meublés touristiques non classés sera alignée sur celle des locations nues de longue durée.

Concernant ce qu'on a nommé la "boîte à outils" destinée à permettre aux maires de réguler l'offre de meublés de tourisme sur leur territoire, une déclaration préalable auprès d'un téléservice national devra être faite par le loueur lui-même et non un mandataire – ce qui permettra aux communes de retrouver l'identité réelle du loueur pour effectuer des contrôles. Les communes ou EPCI auront accès à ces données et pourront ainsi suspendre la validité des numéros de déclaration lorsque les informations transmises seront erronées ou incomplètes. De même, le propriétaire souhaitant louer sa résidence principale en meublé de tourisme devra présenter son dernier avis d'imposition sur le revenu faisant mention de l'adresse du meublé comme lieu d'imposition. En outre, la durée de la validité du numéro de déclaration a été limitée à cinq ans renouvelables afin d'éviter que les communes ne constituent des fichiers composés de déclarations pour des biens dont les personnes ont déménagé ou sont décédées. 

Pas d'abaissement de la durée de location d'une résidence principale

Parmi les autres amendements portant sur les obligations du loueur, on note que ce dernier devra attester que le meublé de tourisme respecte les obligations de sécurité incendie et électrique applicables aux locaux à usage d'habitation. Un autre prévoit qu'il pourra être fait injonction, assortie d'une astreinte, aux plateformes de location de transmettre certaines données sur les meublés de tourisme loués par leur intermédiaire aux communes qui en font la demande. Un autre encore rend possible la suspension d'un numéro de déclaration lorsque le loueur n'a pas obtenu d'autorisation de changement d'usage si elle est nécessaire. 

Toujours à propos de la "boîte à outils" – qui comprend notamment l'extension et la facilitation du recours par la commune au régime d'autorisation préalable au changement d'usage et instaure une servitude de résidence principale pour les constructions nouvelles dans certaines zones délimitées –, on note que les communes pourront délimiter des zones où s'appliquent des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage.

Cette boîte à outils a toutefois été amputée d'une mesure : les maires ne pourront finalement pas abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée. Un amendement de suppression, reprenant l'argument soulevé par plusieurs associations d'élus locaux estimant que cette mesure n'aurait pas d'incidence directe sur l'offre de logements mis à la location de manière pérenne, a en effet été adopté.

DPE : étiquette "D" d'ici 2034

Sur le DPE, les propriétaires de meublés touristiques devront se conformer aux exigences de décence énergétique et afficher une étiquette comprise entre les classes "A" et "E" jusqu'à fin 2033 et entre "A" et "D" à partir du 1er janvier 2034, soit cinq ans plus tard que ce qu'avait prévu l'Assemblée nationale. 

Par ailleurs, le maire pourra demander à tout moment au propriétaire d'un meublé de tourisme de lui transmettre dans un délai de deux mois le DPE en cours de validité, sous peine d'une astreinte de cent euros par jour recouvrée au profit de la commune. Et le non-respect du niveau de performance énergétique prévu entraînera une amende maximum de cinq mille euros par local concerné, également recouvrée au bénéfice de la commune.

Avantage fiscal pour les meublés classés

Enfin, du point de vue fiscal, alors que l'ambition initiale de la PPL était de supprimer la niche dont bénéficiaient les loueurs de meublés de tourisme, le texte s'en tient à la version issue des travaux en commission : l'abattement consenti aux meublés non classés est ramené à 30% du chiffre d'affaires (au lieu de 71%), dans un plafond de 23.000 euros, comme pour les locations de longue durée, et, afin d'inciter au classement et d'encourager une certaine qualité des logements, à 50% pour les meublés de tourisme classés, dans un plafond de 77.700 euros. Ces règles s'appliqueront aux revenus perçus à partir du 1er janvier 2025. Il est à noter qu'un amendement visant à réintroduire un abattement plus avantageux pour les zones rurales très peu denses, disparu en commission sénatoriale, n'a pas été adopté.

Le sujet de la fiscalité devrait être au centre des débats lors de la commission mixte paritaire, dont la date n'est pas encore fixée. Le gouvernement s'était en effet prononcé en faveur d'un abattement de 50% pour les revenus des meublés touristiques, dans un plafond de 77.700 euros, lors du projet de loi de finances pour 2024 (lire notre article du 8 décembre 2023).