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Protection de l'enfance - Mineurs isolés étrangers : vers une plateforme unique gérée par la PJJ

Isabelle Debré, sénatrice des Hauts-de-Seine et vice-présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, a remis à Michèle Alliot-Marie, le 10 mai, son rapport sur les mineurs isolés étrangers en France. En décembre dernier, le Premier ministre l'avait en effet nommée parlementaire en mission auprès de la garde des Sceaux. Parmi les pistes suggérées par la lettre de mission figurait, au premier, rang, la nécessité de "revoir l'articulation des compétences de l'Etat et des départements, notamment celles issues de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, et assurer une répartition plus équilibrée entre les départements de l'accueil des mineurs étrangers isolés, qui pèse aujourd'hui essentiellement sur les départements dans lesquels un aéroport est implanté". "Très émue" par la réalité qu'elle a découverte et dont témoigne la présentation, en annexe du rapport, de plusieurs parcours individuels parmi les 6.000 mineurs isolés étrangers recensés en France, Isabelle Debré a procédé à une analyse détaillée de la situation et formule une trentaine de propositions. Elle estime en effet qu'"il est temps pour l'Etat de tracer une ligne d'action claire à laquelle pourront se référer tous les acteurs intervenant sur ce phénomène".
La traduction la plus spectaculaire de cette nouvelle ligne est la proposition, aussitôt reprise par la ministre de la Justice, de création d'une "plateforme interministérielle confiée à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), coordonnant les actions destinées aux mineurs étrangers isolés". Cette plateforme nationale serait déclinée au niveau départemental, interdépartemental ou régional par la mise en place de plateformes opérationnelles territoriales, chargées de "coordonner les actions de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation". Si les départements ne verront sans doute pas d'un mauvais oeil ce retour de l'Etat dans un domaine que celui-ci avait quelque peu déserté, le financement risque de faire grincer quelques dents ou de surprendre. Le rapport propose en effet de créer, au sein du fameux fonds national de financement de la protection de l'enfance - prévu par la loi de 2007 mais qui reste toujours à créer -, un "fonds d'intervention destiné aux départements particulièrement confrontés à l'accueil de mineurs isolés étrangers" (grand départements urbains, Guyane, Mayotte...). Parmi les autres mesures proposées par le rapport figurent également la création d'espaces strictement réservés aux mineurs au sein des zones d'attente et des centres de rétention ou une meilleure organisation des modalités d'intervention de l'administrateur ad hoc. Sur la question controversée des examens osseux pour déterminer l'âge réel du mineur (voir notre article ci-contre du 24 septembre 2009), le rapport préconise notamment de constituer des pôles de radio-pédiatrie habilités à l'échelle régionale pour uniformiser le contenu et le coût de l'examen. Autres propositions : recourir à la mise en place d'une tutelle ou à la délégation de l'autorité parentale pour donner un statut juridique au mineur et ne faire appel au juge des enfants qu'en cas de danger avéré, ou encore accorder un titre de séjour, à leur majorité, aux mineurs isolés étrangers pris en charge après 16 ans par les services de l'aide sociale à l'enfance, dès lors qu'une formation réelle et sérieuse est engagée et qu'elle s'inscrit dans un "projet de vie".
Outre l'accord sur la plateforme unique, Michèle Alliot-Marie - qui semble reprendre la main sur ce dossier jusqu'alors suivi par Eric Besson (voir nos articles ci-contre) - a également demandé à ses services de travailler sur plusieurs axes, comme la diffusion de bonnes pratiques en matière d'accueil, d'évaluation et d'orientation des mineurs, l'amélioration de la formation des acteurs de terrain (et notamment des administrateurs ad hoc) et la recherche de modalités de suivi des mineurs concernés.

 

Jean-Noël Escudié / PCA